HEGEL et le sérieux de la philosophie
Extrait du document
«
"Il paraît particulièrement nécessaire de faire de nouveau de la philosophie une
affaire sérieuse.
Pour toutes les sciences, les arts, les talents, les techniques,
prévaut la conviction qu'on ne les possède pas sans se donner de la peine et sans
faire l'effort de les apprendre et de les pratiquer.
Si quiconque ayant des yeux et
des doigts, à qui on fournit du cuir et un instrument, n'est pas pour cela en mesure
de faire des souliers, de nos jours domine le préjugé selon lequel chacun sait
immédiatement philosopher et apprécier la philosophie puisqu'il possède l'unité de
mesure nécessaire dans sa raison naturelle - comme si chacun ne possédait pas
aussi dans son pied la mesure d'un soulier.
(...)
Puisque le sens commun fait appel au sentiment, son oracle intérieur, il rompt tout
contact avec qui n'est pas de son avis, (...) il foule aux pieds la racine de
l'humanité, car la nature de l'humanité c'est de tendre l'accord mutuel ; son
existence est seulement dans la communauté instituée des consciences.
Ce qui est
antihumain, ce qui est seulement animal, c'est de s'enfermer dans le sentiment et
de ne pouvoir se communiquer que par le sentiment." HEGEL
questions indicatives
Importance des notations « apprendre » et « pratiquer »? Sont-elles équivalentes ?
Fonction de la comparaison avec « les sciences, les arts, les talents, les métiers » ?
Pourquoi « croit-on » que « chacun sait philosopher et apprécier la philosophie » selon Hegel ?
Que pensez-vous de la comparaison entre :
— « la mesure de sa raison naturelle » ?
— « la mesure d'un soulier dans son pied » ?
Importance de la notation :
« Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de connaissances et
d'études » ?
Pourquoi Hegel part-il des opinions (ou des « convictions ») ? Que cherche-t-il à faire apparaître ?
Qu'en pensez-vous ?
Introduction
La philosophie est « une affaire sérieuse ».
1.
Pour l'ensemble des activités humaines, il est convenu qu'elles exigent un apprentissage.
2.
C'est un préjugé de croire que la philosophie serait exceptée de cela.
3.
Car il ne suffit pas de disposer de la raison pour raisonner.
Développement
Le texte de Hegel prend la forme d'un programme qui s'impose (« particulièrement nécessaire »), signe d'une crise
actuelle, impliquant un rétablissement, un retour (« qu'on fasse de nouveau ») à des pratiques plus anciennes, selon
lesquelles « philosopher » était une affaire sérieuse.
L'activité philosophique (le « philosopher ») comme affaire suggère déjà l'idée du faire, d'une pratique, qu'on ne saurait
effectuer en riant (« sérieux »), en se riant — d'où la notion implicite d'une difficulté, idée nettement confortée par la
suite du texte (« se donner de la peine », « faire l'effort »)La philosophie est une affaire sérieuse parce qu'elle est
importante.
Et même une certaine gravité ne serait-elle pas de mise ?
1.
Il y a, placé pour l'instant, par Hegel, à côté de la philosophie, ce qui relève du savoir.
Énuméré selon un degré
d'abstraction qui va du plus faible (« les métiers »), au plus élevé (« les sciences ») avec comme intermédiaire, sans
distinction particulière, les talents et les arts.
Pour tous, il y a, semble-t-il, une idée dont tout le monde est convaincu
(« prévaut une conviction ») : l'acquisition, l'appropriation (« possède ») passe par une activité, sinon une souffrance
(« se donner de la peine », tout au moins un « apprentissage » exigeant une continuité dans la discipline (« l'effort de
les apprendre »).
Avec la double dimension du savoir à acquérir (apprendre) et du savoir à pratiquer, liaison de la
connaissance théorique préalable et du savoir-faire pratique qui parachève la maîtrise.
Le sérieux est lié au temps incontournable qu'il faut mettre pour cette acquisition théorique et pratique, contraire à la
frivolité de l'improvisation, nécessitant l'intermédiaire de la transmission des connaissances théoriques et des gestes
pratiques.
Médiation qui s'oppose à toute immédiateté.
L'égalité naturelle (chacun a des yeux — pour voir — et des doigts — pour faire) n'est pas suffisante, il y faut en pins
l'apprentissage social.
Le matériau (« le cuir »), l'outil seraient-ils donnés à quiconque (alors qu'en réalité ce sont aussi
des produits sociaux), pourtant il ne saurait (ne pourrait) s'improviser cordonnier.
Ce qui est vrai d'un des métiers les plus humbles s'effectuant dans l'échoppe du cordonnier, où le savoir-faire se
transmet dans la relation de l'apprenti à l'artisan, ne devrait-il pas l'être encore davantage pour le métier le plus noble
(mais la philosophie est-elle un métier ?) où le savoir le plus difficile (et non plus le savoir-faire) se transmet dans la
relation du disciple au maître ?.
»
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