Gaston Bachelard
Extrait du document
«
Les philosophes aiment à donner comme exemple de loi physique la loi universelle
de la chute des corps.
Mais ils explicitent rarement la contradiction qui donne
vie à la loi.
Oui, tous les corps tombent, même ceux qui ne tombent pas.
Le vol
est une chute niée.
La feuille morte qui descend en une capricieuse spirale vers
le sol tombe verticalement.
Si les souffles de l'air d'automne troublent
apparemment la verticalité de la chute, ils sont comptés pour accidents par la
pensée rationnelle qui a découvert la loi profonde, la chute droite malgré les
apparences de chute oblique.
La rationalité de la loi de chute, pourvue d'une
algèbre simple, est inscrite dans le mouvement de tous les corps à la surface de
la terre.
Il faut convertir l'immense variété de la phénoménologie de la chute des
corps en l'absolue universalité de la nouménologie du mouvement de la chute
des graves.
Et ainsi le verbe tomber passe du langage empirique au langage
rationnel ; la chute, dès qu'on a réduit les aspects immédiats, les aspects
phénoménaux reçoit son noumène.
Elle peut donner lieu à des problèmes
rationnels, à des problèmes mathématiques.
Ainsi, la science n'est pas le
pléonasme de l'expérience.
Ses concepts ne sont nullement les concepts d'un
empirisme par principe attaché aux objets séparés présentés par I l'aperception.
Nous aurons à revenir, pour les I caractériser philosophiquement, sur les
interconcepts qui forment la contexture d'une science particulière.
Pour l'instant,
il suffit de noter le travail d'extension des notions en dessous des apparences
immédiates, par l'action d'une essentielle réflexion qui critique sans cesse les
données premières.
En somme, l'empirisme commence par l'enregistrement des faits évidents, la science dénonce cette
évidence pour découvrir les lois cachées.
Il n'y a de science que de ce qui est caché.
Dans ces conditions, on pourra
donner comme axiome de l'épistémologie : découvrir est la seule manière active de connaître.
Corrélativement, faire
découvrir est la seule méthode d'enseigner.
Avec la révolution scientifique du XVIIe siècle, on passe d'une conception qualitative et substantialiste du monde à
une conception homogène, mesurable, où les objets sont dans des rapports quantifiables.
Avec Galilée se met en place
l'idée d'une unique intelligibilité des phénomènes de la nature.
VOCABULAIRE:
ÉPISTÉMOLOGIE : Un discours rationnel (en grec : logos) sur le savoir ou la science (épistémé).
L’épistémologie est
donc :
1) au sens large, une gnoséologie, une théorie de la connaissance (sa nature, ses processus, sa portée) ;
2) au sens strict, une théorie du savoir scientifique (étude critique de son histoire, de ses méthodes, de ses
fondements, de sa portée, etc.).
En ce sens, l’épistémologie peut être soit générale, si elle porte sur la science en
général (on parle alors de philosophie des sciences), soit régionale ou spéciale (si elle porte sur une science
particulière).
Problématique.
La connaissance scientifique ne se développe pas de manière linéaire, mais tout développement des idées en sciences
s'accompagne toujours d'une remise en question des idées antérieures et, par conséquent, le progrès dans les
connaissances ne se fait pas par simple accumulation, mais par rupture.
La révolution galiléenne au XVIIe siècle repose
sur une critique et un dépassement de la conception pré-scientifique de la physique aristotélicienne.
Enjeux.
Pour les Grecs de l'Antiquité, la nature comme ensemble de phénomènes ne peut faire l'objet d'une connaissance
rationnelle parce que les phénomènes sont hétérogènes et non mesurables.
L'apport essentiel de Galilée est de réunir
le monde sublunaire au monde supra-lunaire.
Cela signifie que les lois qui sont valables dans le cosmos sont aussi
valables sur terre.
Autrement dit, Galilée propose une conception homogène des phénomènes de la nature.
Le monde
est connaissable et la raison est l'instrument de cette connaissance.
Philosophe, épistémologue, critique littéraire, BACHELARD est tout autant un penseur, un savant qu’un poète.
Son
œuvre comporte deux versants : la réflexion sur les sciences et le poétique.
Pourquoi cette dualité au sein de son
œuvre ? tout simplement parce que, de l’aveu du philosophe, « un homme ne saurait être heureux dans un monde
stérilisé ».
Ce qui signifie que l’esprit scientifique exige un véritable ascèse où l’esprit ne saurait trouver une
satisfaction entière.
D’où le besoin de « recourir aux poètes » et de se mettre à « l’école de l’imagination ».
Ainsi, dans
« La psychanalyse du feu », BACHELARD analyse de manière poétique les fantasmes liés au feu, dans leur joie brûlante.
Au même moment, dans « La formation de l’esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance
objective » (1938), il s’applique à montrer comment les fantasmes constituent un obstacle à la connaissance
scientifique.
C’est dans cet ouvrage qu’on peut lire : « En revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un.
»
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