Friedrich Nietzsche: L'histoire nous rend-elle plus modeste ?
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PRESENTATION DES "CONSIDERATIONS INACTUELLES" DE NIETZSCHE
Des quatre considérations inactuelles, la seconde est la seule à ne pas porter sur un homme (Strauss, Schopenhauer
et Wagner) mais sur un thème : l'histoire.
Elle est « inactuelle » au sens où Nietzsche (1844-1900) y dénonce
sévèrement la culture allemande de son époque, devenue selon lui superficielle, sans vitalité et sans avenir en raison
d'un surpoids d'histoire et de « formation historienne » (Chap.
1).
Ce diagnostic, critique et médical à la fois, va
conduire Nietzsche à chercher un remède à la « maladie historique » qui frappe, en réalité, toute la culture moderne et
ce, en délimitant l'horizon au-delà duquel tout homme ou toute culture ne peut digérer le passé sans perdre sa vitalité.
À quoi sert l'histoire ? Son étude est problématique selon Nietzsche puisqu'elle peut aussi bien être utile que nuisible
selon qu'elle a pour fonction de servir la vie ou la connaissance pure.
Force est de constater que la modernité a
idéalisé la connaissance historique comme si elle offrait les moyens d'une maîtrise totale sur la vie et son sens (l'idée
d'une histoire universelle et l'idéologie du progrès).
L'utilité de l'histoire s'est donc retournée contre elle-même au sens
où sa valeur vitale n'apparaît plus et c'est pourquoi notre civilisation est malade de « fièvre historienne » (Avantpropos).
Il va s'agir pour Nietzsche, philosophe et « médecin de la civilisation », de rétablir la hiérarchie entre la
science historique et la vie, en mesurant la valeur de l'histoire à l'aune de la vie.
Le manque de sens historique est le péché originel de tous les philosophes :
beaucoup, sans s'en rendre compte, prennent même pour la forme stable dont il
faut partir la toute dernière figure de l'homme, telle que l'a modelée l'influence de
certaines religions, voire de certains événements politiques.
Ils ne veulent pas
comprendre que l'homme est le résultat d'un devenir...
que la faculté de connaître
l'est aussi [...] Or tout l'essentiel de l'évolution humaine s'est déroulé dans la nuit
des temps, bien avant ces quatre mille ans que nous connaissons à peu près ;
l'homme n'a sans doute plus changé beaucoup au cours de ceux-ci.
Mais voilà que
le philosophe aperçoit des « instincts » chez l'homme actuel et admet qu'ils font
partie des données immuables de l'humanité, qu'ils peuvent fournir une clé pour
l'intelligence du monde en général ; toute la téléologie est bâtie sur ce fait que l'on
parle de l'homme des quatre derniers millénaires comme d'un homme éternel sur
lequel toutes les choses du monde sont naturellement alignées depuis le
commencement.
Mais tout résulte d'un devenir ; il n'y a pas plus de données
éternelles qu'il n'y a de vérités absolues.
C'est par la suite la philosophie historique
qui nous est dorénavant nécessaire et avec elle la vertu de modestie.
Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles.
QUESTIONS
1) Dégagez les étapes de l'argumentation de Nietzsche.
2) Comment comprenez-vous l'expression : « figure de l'homme »?
3) Pourquoi le mot « instincts » est-il mis entre guillemets ? A quels exemples l'auteur a-t-il pu penser ?
4) Essai personnel : La thèse de Nietzsche : « tout résulte d'un devenir; il n'y a pas plus de données éternelles qu'il n'y
a
de vérités absolues » vous paraît-elle sujette à discussion ?
• Étapes de l'argumentation :
— Le manque de sens historique des philosophes.
— L'ignorance de la longue évolution humaine qui fait admettre.
— Le postulat d'une nature humaine, au regard des quatre mille ans que nous pouvons connaître.
— La nécessité d'une nouvelle philosophie.
• Quelques « instincts » que Nietzsche étudie dans son œuvre : l'instinct de connaissance, de vérité, l'instinct
grégaire.
Ces exemples devraient vous permettre de répondre à la question des guillemets.
Ce que défend ce texte:
Inspiré par les révélations de Charles Darwin qui, dans De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle,
apprenait aux hommes qu'ils sont le fruit d'une lente évolution et non « créés d'un seul coup » et à l'image de Dieu,
comme nous l'enseigne la Bible, Nietzsche en tire ici les conséquences, qui doivent nous rendre plus modestes.
Lé « devenir », qui est l'histoire même de l'univers, histoire d'une perpétuelle création de formes, évolution et
transformation d'espèces, nous apprend que l'homme n'est pas cette forme stable dont nous parle la religion, mais « la
toute dernière figure de l'homme ».
Cette « figure », c'est-à-dire ce que nous appelons la nature de l'homme, était
posée comme fixe et éternelle par les religions se réclamant de la Bible.
C'est dans la Bible, en effet, que se trouve
affirmée l'idée selon laquelle « Dieu a fait l'homme à son image ».
Ainsi se trouvait justifiée l'éternité de la figure de
l'homme, miroir et témoignage de celle de Dieu.
Or, pour Nietzsche, il faut se placer dans une tout autre perspective, celle de la science, pour comprendre ce qu'est
l'homme.
La science nous apprend que ce que nous appelons l'homme n'est que la dernière forme prise par l'évolution.
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