FREUD: L'homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour
Extrait du document
«
L'homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour, qui serait tout au plus en mesure de se défendre quand
il est attaqué, mais [...] au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses aptitudes pulsionnelles une très
forte part de penchant à l'agression.
En conséquence de quoi, le prochain n'est pas seulement pour lui une
aide et un objet sexuel possibles, mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression,
d'exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de
s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer [...].
Par
suite de cette hostilité primaire des hommes les uns envers les autres, la société de la culture est
constamment menacée de désagrégation.
Le texte peut être découpé de la façon suivante :
L'homme [...] penchant à l'agression.
En conséquence [...] de le tuer.
Par suite de cette hostilité primaire des hommes les uns envers les autres, la société de la culture est constamment
menacée de désagrégation.
L'étude du texte est, comme la plupart du temps, linéaire : nous pouvons dégager ici trois moments principaux.
1.
L'agressivité humaine et son origine pulsionnelle.
a.
Une première caractérisation de l'homme par l'agressivité, qui tient à sa nature pulsionnelle.
Freud remet d'emblée en
cause l'idée selon laquelle l'homme ne serait qu'un être bon et pacifique par nature.
Il ne dit pas que la bonté soit
absente ou impossible, mais seulement qu'elle ne suffit pas pour rendre compte de la réalité de l'homme.
Pour concevoir
celle-ci, il faut donc également lui attribuer un « penchant », c'est-à-dire une inclination ou une tendance naturelle à
l'agression.
Le début du texte nous demande donc de considérer une nature double de l'homme (« il compte aussi », le
texte ne dit pas que l'homme n'est que l'un ou l'autre).
b.
Ce qui peut ici nous conduire à l'idée de nature, c'est la référence faite par Freud à l'idée « d'aptitudes pulsionnelles
».
La pulsion désigne chez Freud une force inconsciente d'origine biologique douée d'une forte charge énergétique.
Elle
produit chez l'homme une tension qui se « décharge » en l'orientant vers un objet satisfaisant.
Plus qu'un simple «
penchant », en ce sens, elle désigne une structure inconsciente de la nature de l'homme.
L'agression n'est pas une
simple réaction, en ce sens, à une situation qui mettrait l'homme en péril, mais un mouvement par lequel l'homme tend
à détruire (agressivité, du latin adgredi, signifie aller vers », « attaquer »).
c.
Le fait que l'homme ait « une très forte part de penchant à l'agression » tend à disqualifier toute approche de
l'homme qui ne partirait pas de cette réalité.
La douceur et l'amour, évoqués au début du texte, semblent tout à coup
relégués au second plan et n'être que des expressions secondes de la nature de l'homme.
2.
Les effets de l'agressivité pulsionnelle dans le rapport à autrui.
a.
Encore une fois, Freud commence par dire que le rapport à autrui enveloppe aussi la possibilité d'une relation
reposant sur un respect mutuel.
Mais, immédiatement suit une énumération qui a pour but de dérouler les
conséquences de ce qui précède, à savoir l'identification d'une agressivité d'origine pulsionnelle, composante
fondamentale de l'homme.
Il faut en analyser le détail.
b.
Il est significatif que Freud parle de « prochain », ce qui peut renvoyer implicitement à la détermination religieuse
d'autrui : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Ce qui peut le confirmer encore, c'est l'usage du terme de «
tentation » qui suit immédiatement la notion de « prochain ».
La tentation peut se définir comme un attrait pour une
chose défendue et suppose un mouvement intérieur qui incite l'homme au mal.
C'est précisément parce que le prochain
est défendu qu'il incite l'homme au mal : l'agression est donc pensée comme relative à un fonds pulsionnel et signifie
qu'il y a transgression d'un interdit à l'égard de la personne d'autrui.
Il est l'objet qui tente, bien qu'il n'en soit pas
directement responsable cependant.
Il tente malgré lui, pour ainsi dire, et réveille en l'homme le désir d'agression.
Si
une authentique relation de nature morale (« aide ») ou naturelle (le partenaire « sexuel ») est « possible », elle ne
résume pas encore l'ensemble des désirs qu'autrui suscite chez l'homme.
Suit alors une énumération des actes violents auxquels l'homme peut être conduit en vertu de sa nature propre.
L'ordre
de leur présentation est intéressant : Travail (VOIR FICHE 26) : Freud rapporte le désir d'exploiter l'homme à un désir
de lui faire violence et de le soumettre à une condition servile.
Notons qu'il ne s'agit pas d'une conception économique
de la raison de l'exploitation humaine.
Sexualité : elle devient également une forme d'exploitation.
Il est à souligner que, dans les deux cas, Freud insiste sur
la non-réciprocité de l'acte (» sans dédommagement », « sans son consentement »), soulignant ainsi que nous avons
bien affaire à des formes possibles du rapport à autrui qui se situent en dehors de l'échange proprement dit (VOIR
FICHE 27).
Propriété : aux dépossessions de l'activité et du corps vient s'ajouter celle des biens.
Nous avons là trois figures
possibles de l'aliénation, conséquence directe du penchant agressif de l'homme.
Quatre nouvelles formes apparaissent : l'humiliation, la douleur, la martyrisation et la mort.
Elles semblent insister moins
sur un rapport de propriété qu'autrui possède avec lui-même ou à l'égard de choses, que sur un ensemble de rapports
de négation qui finissent par aller jusqu'à la forme suprême : la mise à mort, négation absolue de la personne humaine.
Ce n'est sans doute pas un hasard si Freud termine cette énumération par la mort : l'agressivité dont il est question
depuis le début du texte, qui est l'expression d'une aptitude pulsionnelle, est mise en rapport, dans la théorie
freudienne des pulsions, avec la pulsion de mort (thanatos), qui consiste justement en une activité destructrice.
On.
»
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