FREUD: les pensées du rêve et le contenu du rêve
Extrait du document
«
" Les pensées du rêve et le contenu du rêve nous apparaissent comme deux exposés
des mêmes faits en deux langues différentes; ou mieux, le contenu du rêve nous
apparaît comme une transcription des pensées du rêve, dans un autre mode
d'expression, dont nous ne pourrons connaître les signes et les règles que quand nous
aurons comparé la traduction et l'original.
Nous comprenons les pensées du rêve d'une
manière immédiate dès qu'elles nous apparaissent.
Le contenu du rêve nous est donné
sous forme d'hiéroglyphes dont les signes doivent être successivement traduits dans la
langue des pensées du rêve.
On se trompera évidemment si on veut lire ces signes comme des images et non selon
leur signification conventionnelle.
Supposons que je regarde un rébus : il représente
une maison sur le toit de laquelle on voit un canot, puis une lettre isolée, un personnage
sans tête qui court, etc.
le pourrais déclarer que ni cet ensemble, ni ses diverses
parties n'ont de sens.
Un canot ne doit pas se trouver sur le toit d'une maison, et une
personne qui n'a pas de tête ne peut pas courir.
le ne jugerai exactement le rébus que
lorsque je renoncerai à apprécier ainsi le tout et les parties, mais je m'efforcerai de
remplacer chaque image par une syllabe ou par un mot qui, pour une raison
quelconque, peut être représenté par cette image.
Ainsi réunis, les mots ne seront plus
dépourvus de sens, mais pourront former quelque belle et profonde parole.
Le rêve est
un rébus, nos prédécesseurs ont commis la faute de vouloir l'interpréter en tant que
dessin.
C'est pourquoi il leur a paru absurde et sans valeur." FREUD
Comment comprendre le phénomène déroutant du rêve? Est-il absurde et irrationnel, ou bien possède-t-il une signification cachée ? Et s'il
a un sens, comment peut-on l'interpréter? C'est à ces questions que Freud répond dans ce texte.
1.
Le contenu et les pensées du rêve sont intimement liés (ligne 1 à 8, jusqu'à « ...
la langue des pensées du rêve.
»)
A.
D'emblée, Freud distingue « les pensées du rêve» et son « contenu » (ligne 1).
Les pensées du rêve sont les impressions, les affects,
les pulsions qui constituent la trame de notre vie psychique.
Elles sont les idées inconscientes à la source du rêve.
Le contenu du rêve est
fait, quant à lui, des représentations dont le rêve est le théâtre.
Il est la forme 'extérieure du rêve, l'aspect sous lequel il nous apparaît
dans notre sommeil.
La nouveauté de Freud est de poser l'existence de pensées à l'oeuvre dans le rêve et qui seraient distinctes de son
contenu apparent.
B.
Pensées et contenu du rêve sont toutefois unis par un rapport de type linguistique (ligne 3).
Freud use de la métaphore de la
traduction.
Le contenu du rêve et ses pensées sont deux langues différentes, mais elles signifient la même chose.
Celui qui étudie le rêve
doit le considérer comme un phénomène linguistique et donc il doit présupposer la présence d'un sens dans le rêve.
En fait, le contenu du
rêve est une langue dont on ignore le sens mais qu'il est possible de traduire dans une autre langue intelligible, celle des pensées, c'est-àdire celle des représentations habituelles de l'esprit.
C.
Tout l'effort du psychanalyste est de comprendre la grammaire et le vocabulaire du langage onirique.
Il doit considérer que le contenu
du rêve exprime (sous une forme cryptée pour que la conscience les tolère et ne les refoule pas à l'état inconscient) des pensées tout à
fait sensées et même exprimables rationnellement.
Une fois cette relation posée et cette intelligibilité du rêve supposée, comment procéder pour faire émerger d'un rêve son sens profond?
2.
Un rêve est un rébus qu'il est possible de déchiffrer (ligne 9 à la fin du texte)
A.
II faut se garder de l'illusion selon laquelle le rêve n'est pas composé de signes, mais d'images (ligne 10).
Il faut entendre par là que le
contenu du rêve doit être considéré comme un signifiant possédant une signification «conventionnelle », c'est-à-dire un signifié fixe.
Il
convient d'éviter l'erreur des Anciens, qui tenaient le rêve pour une métaphore.
Avec Freud, on passe de l'interprétation prophétique des
rêves à leur traduction précise dans le langage ordinaire.
B.
Freud souligne l'opposition entre les deux approches du rêve en prenant l'exemple d'un rébus (lignes 10 à 14).
Ce dernier reste
incompréhensible à celui qui ignore qu'il a affaire à un message codé et à celui qui ignore la « clé » du code.
La signification du rébus
apparaît seulement lorsque l'on devine les rapports que ce dernier entretient avec la langue courante.
Mais pour cela, il ne faut pas rester
rivé au contenu du rêve.
II faut le dépasser, de même que l'on oublie les images du rébus pour n'en plus considérer que la signification
finale.
C.
Freud donne ainsi au rêve un nouveau statut : il n'est pas le jeu absurde de l'esprit libéré pendant le sommeil de toutes les contraintes
de la vie consciente.
Il n'est pas non plus le délire d'un esprit malade ou imparfaitement rationnel.
Discussion
Ce texte présente avant tout l'intérêt de donner au rêve la fonction d'un signe.
Il justifie l'invention de procédures d'interprétation
adaptées à la nature particulière du rêve.
Ainsi, l'univers onirique, apparemment irrationnel, est réintégré à la sphère du sens et de la
compréhension humaine.
On peut toutefois se demander si Freud peut intégralement épuiser le sens des rêves par l'introduction d'un dictionnaire de traduction du «
contenu du rêve » en « pensées du rêve ».
Parvient-il à mettre en oeuvre ce que ce texte programmatique annonce? N'est-il pas victime
d'une illusion de type positiviste, en voulant introduire une grille de traduction qui ôte au rêve toute son obscurité?.
»
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