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FREUD: les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels

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L'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous ces Enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ? En règle générale, cette agressivité cruelle ou bien attend une provocation ou bien se met au service de quelque dessein dont le but serait tout aussi accessible par des moyens plus doux. Dans certaines circonstances favorables en revanche, quand par exemple les forces morales qui s'opposaient à ces manifestations et jusque-là les inhibaient, ont été mises hors d'action, l'agressivité se manifeste aussi de façon spontanée, démasque sous l'homme la bête sauvage qui perd alors tout égard pour sa propre espèce... Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain. C'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. FREUD

« Sujet 2074 L'homme est-il naturellement violent ? PRESENTATION DU "MALAISE DANS LA CIVILISATION" DE FREUD Freud (1856-1939) propose ici une réflexion sur la dimension tragique de la condition humaine.

Pour cerner l'origine du « malaise » de l'homme civilisé, il s'appuie sur l'hypothèse, introduite dans Au-delà du principe de plaisir (1920), d'un dualisme fondamental du psychisme humain, divisé entre les pulsions de vie (pulsions sexuelles et d'autoconservation) et les pulsions de mort (pulsions d'autodestruction et d'agressivité).

L'interprétation du développement de la culture comme la transposition, à l'échelle de l'humanité, du combat entre Éros et Thanatos permet à Freud d'en montrer toute l'ambiguïté : la répression du penchant à l'agression et la promotion de l'amour du prochain sont difficilement conciliables avec l'épanouissement individuel car elles restreignent considérablement les possibilités de satisfaction des pulsions.

Cette analyse marquera profondément la pensée du XXe siècle, en inspirant notamment Éros et Civilisation (1955) d'Herbert Marcuse. L'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité.

Pour lui, par conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation.

L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer.

Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous ces Enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ? En règle générale, cette agressivité cruelle ou bien attend une provocation ou bien se met au service de quelque dessein dont le but serait tout aussi accessible par des moyens plus doux.

Dans certaines circonstances favorables en revanche, quand par exemple les forces morales qui s'opposaient à ces manifestations et jusque-là les inhibaient, ont été mises hors d'action, l'agressivité se manifeste aussi de façon spontanée, démasque sous l’homme la bête sauvage qui perd alors tout égard pour sa propre espèce... Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain. C'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts.

Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine.

L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels.

La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique.

De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. QUESTIONNEMENT INDICATIF • Quelle est l'importance des mots « instinctives », « primaires » dans la détermination de la thèse de Freud ? • Les faits rapportés par Freud dans le premier paragraphe prouvent-ils en toute rigueur sa thèse ? Comment d'autres penseurs en rendent-ils compte ? • En quoi peut-on soutenir que « l'intérêt du travail solidaire » participe au maintien de la société civilisée ? En quoi Freud peut-il soutenir que c'est un « intérêt rationnel » ? • Comment comprenez-vous « réactions psychiques d'ordre éthique » ? • Que signifie ici « inhibé », « identification » ; en quoi cela peut-il « limiter l'agressivité humaine », « en réduire les manifestations » ? • De quoi Freud veut-il rendre compte dans ce texte ? Quelles sont les implications « morales » et philosophiques de sa thèse ? Que pensez-vous de sa thèse et de son argumentation ? Ce que défend ce texte: Ces lignes, extraites de Malaise dans la civilisation, tentent de répondre aux questions suivantes : quelle est la source de la violence que l'homme, dans sa vie ordinaire comme dans son histoire, n'a cessé de manifester ? Cette violence lui est-elle naturelle ou provient-elle de causes purement culturelles, clairement identifiables et contraires à sa nature ?. »

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