Freud : Le superstitieux et le paranoïaque
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Freud : Le superstitieux et le paranoïaque
Ce qui me distingue d'un homme superstitieux, c'est donc ceci : Je ne crois pas qu'un
événement, à la production duquel ma vie psychique n'a pas pris part, soit capable de
m'apprendre des choses cachées concernant l'état à venir de la réalité; mais je crois
qu'une manifestation non intentionnelle de ma propre activité psychique me révèle quelque
chose de caché qui, à son tour, n'appartient qu'à ma vie psychique; je crois au hasard
extérieur (réel), mais je ne crois pas au hasard intérieur (psychique).
C'est le contraire du
superstitieux : il ne sait rien de la motivation de ses actes accidentels et actes manqués, il
croit par conséquent au hasard psychique; en revanche, il est porté à attribuer au hasard
extérieur une importance qui se manifestera dans la réalité à venir, et à voir dans le hasard
un moyen par lequel s'expriment certaines choses extérieures qui lui sont cachées.
[...] La distance qui sépare le déplacement opéré par le paranoïaque de celui opéré par le
superstitieux est moins grande qu'elle n'apparaît au premier abord.
Lorsque les hommes ont
commencé à penser, ils ont été obligés de résoudre anthropomorphiquement le monde en une multitude de
personnalités faites à leur image; les accidents et les hasards qu'ils interprétaient superstitieusement étaient donc à
leurs yeux des actions, des manifestations de personnes; autrement dit, ils se comportaient exactement comme les
paranoïaques, qui tirent des conclusions du moindre signe fourni par d'autres, et comme se comportent tous les
hommes normaux qui, avec raison, formulent des jugements sur le caractère de leurs semblables en se basant sur leurs
actes accidentels et non intentionnels.
Ce texte de Freud, qui n’est pas central du point de vue de sa doctrine psychanalytique mais est cependant révélateur
de son mode de fonctionnement, analyse deux comportements humains de natures différentes (l’un est une simple
attitude mentale, l’autre une maladie mentale), la superstition et la paranoïa, et les compare implicitement au
comportement rationnel que Freud revendique.
On peut y distinguer deux parties, qui correspondent chacune à un paragraphe : dans la première, Freud se distingue
lui-même d’un superstitieux en montrant le mécanisme de pensée du superstitieux et en le comparant à son propre
mécanisme, rationnel, de pensée.
La seconde partie rapproche la superstition de la paranoïa, et donne une explication du mécanisme de la paranoïa
précisément grâce à ce rapprochement.
Le résultat de ces rapprochements est d’affirmer une grande ressemblance entre la superstition et la paranoïa, c’est-àdire entre un comportement pseudo religieux très répandu dans de nombreuses cultures et une maladie mentale.
C’est autant dans l’examen comparé d’un mode de pensée rationnel et de modes de pensée irrationnels que dans ce
rapprochement un peu inattendu et peut-être polémique entre une attitude de croyance générale (la superstition) et
une maladie mentale (la paranoïa) que réside l’intérêt de ce texte.
Il faudra donc l’étudier dans l’enchaînement de ses
arguments en gardant à l’esprit ce double intérêt.
Cela permettra de poser le problème des conditions d’existence de la rationalité et de l’existence de fausses
rationalités (après tout, la superstition comme la paranoïa ont une forme de « logique » qui leur est propre).
Ce
problème pourra être évalué dans la partie « intérêt philosophique » du commentaire du texte.
Lecture utile pour la partie « intérêt philosophique » : Spinoza, Appendice du livre I de l’Ethique.
Je crois au hasard extérieur (réel) mais je ne crois pas au hasard intérieur (psychique).
c'est le contraire du
superstitieux.
Psychopathologie de la vie quotidienne (1901) Freud, Sigmund.
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Contre toute superstition, Freud, dans cette citation, s'affirme comme scientifique.
On sait que Freud n'a eu de cesse
d'affirmer la scientificité de la psychanalyse: "On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique
inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de
l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient.
Elle
est nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme sain
que chez le malade, et il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres
actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience.
Ces actes ne sont pas seulement les actes
manqués et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes psychiques et phénomènes.
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