FREUD: Le rêve comme réalisation d'un désir
Extrait du document
«
Vous dites toujours, déclare une spirituelle malade, que le rêve est un
désir réalisé.
Je vais vous raconter un rêve qui est tout le contraire
d'un désir réalisé.
Comment accorderez-vous cela avec votre théorie ?
» Voici le rêve :
« Je veux donner un dîner, mais je n'ai pour toutes provisions qu'un
peu de saumon fumé.
Je voudrais aller faire des achats, mais je me me
rappelle que c'est dimanche après-midi et que toutes les boutiques
sont fermées.
Je veux téléphoner à quelques fournisseurs, mais le
téléphone est détraqué..
Je dois donc renoncer au désir de donner un
dîner.
»
Ce qui vient d'abord à l'esprit de la malade ne peut servir à interpréter
le rêve.
J'insiste.
Au bout d'un moment, comme il convient lorsqu'on
doit surmonter une résistance, elle me dit qu'elle a rendu visite à une
de ses amies ; elle en est fort jalouse parce que son mari en dit
toujours beaucoup de bien.
Fort heureusement, l'amie est mince et
maigre, et son mari aime les formes pleines.
De quoi parlait donc cette
personne maigre ? Naturellement de son désir d'engraisser.
Elle lui a
ainsi demandé : « Quand nous inviterez-vous à nouveau ? On mange
toujours si bien chez vous ».
Le sens du rêve est clair maintenant.
Je
peux dire à ma malade : "C'est exactement comme si vous lui aviez
répondu mentalement : Oui ! Je vais t'inviter pour que tu manges bien,
que tu engraisses et que tu plaises plus encore à mon mari.
J'aimerais
mieux ne plus donner de dîner de ma vie.
Le rêve vous dit que vous ne pourrez pas donner de dîner, il
accomplit ainsi votre voeu de ne point contribuer à rendre plus belle votre amie.
»
...
On ne sait encore à quoi le saumon fumé répond dans le rêve :
« D'où vient que vous évoquez dans le rêve le saumon fumé ?
— C'est, répond-elle, le plat de prédilection de mon amie »...
Ce même rêve comporte une autre interprétation plus délicate...
L'amie avait exprimé le voeu d'engraisser et il n'y aurait rien d'étonnant à ce que notre malade eût rêvé
qu'un souhait de son amie ne se réalisait pas.
Elle souhaite bien, en effet, que le désir de son amie (le
désir d'engraisser) ne soit pas accompli.
Mais au lieu de cela, elle rêve qu'elle-même voit un de ses désirs
non réalisé.
Le rêve acquiert un sens nouveau, s'il n'y est pas question d'elle mais de son amie, si elle
s'estime à la place de celle-ci, si, en d'autres termes, elle s'est identifiée avec elle.
(Introduction)
La Science des rêves, parue dès 1900, dans l'indifférence générale (en huit ans Freud n'en vendit pas 600
exemplaires!), est reconnue aujourd'hui comme l'un des maîtres-livres de l'inventeur de la psychanalyse.
De tous ses
ouvrages, c'est celui que Freud lui-même a toujours préféré.
Il y affirme que « l'interprétation des rêves est la voie
royale qui mène à la connaissance de l'inconscient ».
(Commentaire)
« Vous dites toujours que le rêve est un désir réalisé.
» Telle est, en effet, l'affirmation fondamentale de Freud.
Pour
Freud nos rêves ont une finalité, un sens psychologique.
Avant Freud ou bien on voyait dans le rêve la libération
désordonnée des images contenues dans les cellules du cerveau (dans cette perspective c'est mon corps qui rêve,
ce n'est pas moi, le rêve est infrapsychologique) ou bien, si on accordait au rêve un sens, c'était, comme dans
Homère ou dans la Bible, pour y découvrir un message des dieux, une communication avec l'au-delà (et si ce sont
les dieux qui me parlent ce n'est pas moi qui rêve, le rêve est suprapsychologique).
Pour Freud le rêve est la satisfaction hallucinatoire d'un désir.
Par le rêve le moi endormi apaise une tension qui
pourrait le réveiller : par exemple si la nuit j'ai soif il pourra arriver que je ne me réveille pas, mais que je rêve que je
suis en train de boire.
On voit ici comment les deux célèbres formules de Freud « Le rêve est la réalisation d'un désir
» et « Le rêve est le gardien du sommeil » sont liées.
Rêver que je bois, c'est satisfaire réellement mon désir de
sommeil en assouvissant imaginativement mon désir de boire.
Je vais vous raconter un rêve qui est tout le contraire d'un désir réalisé.
En effet, le rêve qui est raconté ici est le
rêve d'un échec.
La cliente de Freud doit renoncer à donner un dîner puisqu'elle ne peut dans son rêve, ni faire des
achats, ni téléphoner aux fournisseurs.
Il est même probable bien que le texte ne le signale pas — que la malade
éprouve dans ce rêve une certaine angoisse.
Au fond un assez petit nombre de rêves traduisent de façon directe la
satisfaction d'un désir.
Il s'agit souvent de rêves d'enfants (comme le petit Hermann dont parle Freud, qui, obligé
dans la journée d'offrir des cerises à tous les invités, compense la nuit suivante sa frustration en rêvant qu'il a
mangé toutes les cerises) ; chez l'adulte le rêve satisfait parfois directement quelque besoin physiologique (faim,
soif, instinct sexuel) brutal.
En général cependant le rêve apparaît à première vue étranger et parfois (comme c'est
ici le cas) contraire à notre désir.
Mais, selon Freud, le rêve a besoin d'être interprété.
Son contenu manifeste
dissimule un contenu latent.
...
Au bout d'un moment, comme il convient lorsqu'on doit surmonter une résistance...
Dans la séance de.
»
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