FREUD: La liberté individuelle n'est nullement un produit de la culture
Extrait du document
«
La liberté individuelle n'est nullement un produit de la culture.
C'est avant toute
civilisation qu'elle était la plus grande, mais aussi sans valeur le plus souvent,
car l'individu n'était guère en état de la défendre.
Le développement de la
civilisation lui impose des restrictions, et la justice exige que ces restrictions ne
soient épargnées à personne.
Quand une communauté humaine sent s'agiter en
elle une poussée de liberté, cela peut répondre à un mouvement de révolte
contre une injustice évidente, devenir ainsi favorable à un nouveau
développement de la culture et demeurer compatible avec lui.
Mais cela peut
être aussi l'effet de la persistance d'un reste de l'individualisme indompté et
former alors la base de tendances hostiles à la civilisation.
La poussée de liberté
se dirige de ce fait contre certaines formes ou certaines exigences culturelles,
ou bien même contre la civilisation.
QUESTIONS
1.
2.
a.
b.
3.
Dégagez l'idée générale du texte et son argumentation.
Expliquez :
« [...] l'individu n'était guère en état de la défendre ».
« [...] la persistance d'un reste de l'individualisme indompté ».
La liberté est-elle incompatible avec la civilisation ?
QUESTION 1
L'idée directrice est la thèse du texte.
Freud s'interroge sur la nature et l'origine de la liberté individuelle.
Il montre
qu'elle est antérieure à toute forme de civilisation et que l'homme doit y renoncer, au moins partiellement, pour vivre
avec les autres.
Mais elle ne disparaît pas, et menace toujours de resurgir contre la civilisation, de la même façon
qu'une pensée inconsciente parvient à franchir la porte de la conscience et à se manifester, sous la forme d'un acte
manqué, d'un lapsus ou d'un rêve.
De là les étapes de l'argumentation (ou le plan) du texte.
Les trois premières lignes posent que la liberté individuelle
était la plus grande dans l'état de nature, ici compris comme la condition humaine avant toute forme de civilisation.
La
phrase suivante montre que la justice postule la restriction, égale pour tous, de la liberté individuelle.
La fin du texte
distingue ainsi deux interprétations possibles des « poussées de liberté » dans la civilisation : soit il s'agit de révoltes
contre l'injustice collective, et alors la liberté revendiquée est bien celle de l'homme civilisé ; soit il s'agit de
revendications d'une liberté individuelle insuffisamment domptée, et alors on assiste au retour de l'homme naturel
refoulé.
QUESTION 2
a.
« [...] l'individu n'était guère en état de la défendre »
Cette réflexion peut surprendre.
Car comment soutenir à la fois que l'homme exprime au plus haut point sa liberté
individuelle dans l'état de nature, mais qu'il ne puisse pas la défendre et donc, pour Freud, qu'elle soit sans « valeur » ?
Pour deux raisons sans doute.
D'une part, l'état de nature se caractérise par l'absence de toute loi, morale y compris
(puisque la civilisation désigne la progression de l'homme vers la moralité).
Or qui dit absence de loi dit aussi absence
d'interdit.
L'homme a donc le droit d'étendre sa liberté individuelle jusqu'où bon lui semble, la fin justifiant les moyens.
Mais il est aussi à la merci d'autrui, qui se comporte de façon similaire.
Et s'il est lésé, il n'a aucune institution à qui
demander réparation.
Sa liberté individuelle risque donc à tout moment d'être anéantie.
Mais d'autre part, si l'on
considère que la civilisation commence au moment où l'homme se découvre comme un sujet pensant, comme un je,
alors l'état de nature désigne, en tous les sens du terme, un état d'inconscience.
L'homme ne peut donc y distinguer
les pensées qui viennent de lui et celles qui lui sont dictées de l'extérieur : il ne peut défendre en toute connaissance
de cause ses libertés spécifiques.
b.
« [...] la persistance d'un reste de l'individualisme indompté »
La « persistance d'un reste » implique que quelque chose de ce qui existait auparavant demeure.
« Indompté » signifie
que ce sont le domptage ou le dressage, par la civilisation, qui ont permis aux autres « restes » de disparaître.
Et
«l'individualisme» renvoie à la liberté individuelle dont il est question à la ligne 1, c'est-à-dire à la propension de tout
individu à n'agir qu'en vue de son intérêt personnel.
Freud veut donc dire que la civilisation a forcé l'individu à renoncer
à ne faire usage de sa liberté qu'en vue de son intérêt privé (et au détriment d'autrui), mais qu'elle n'a pas pour autant
fait disparaître toute cette tendance.
Celle-ci est seulement « refoulée », pour employer un vocabulaire
psychanalytique.
L'individu la range soigneusement dans un petit coin de son inconscient afin de pouvoir vivre en paix
avec ses semblables.
Mais il ne peut pas faire en sorte qu'elle ne se manifeste plus jamais.
En tout homme civilisé dort
donc un individualiste indompté, toujours prêt à se dresser contre la communauté si ses intérêts personnels sont
bafoués.
QUESTION 3.
»
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