Freud Inconscient (Sigmund Freud, Métapsychologie, 1915)
Publié le 13/12/2024
Extrait du document
«
Annexe : texte de Freud et corrigé-type d’une explication
Développement :
« On nous conteste de tous côtés le droit d’admettre un psychique inconscient et de
travailler scientifiquement avec cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que
l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples
preuves de l’existence de l’inconscient.
Elle est nécessaire parce que les données de la
conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le
malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués,
présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience
(…) ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui
nous viennent sans que nous en connaissions l’origine, et de résultats de pensée dont
l’élaboration nous est demeurée cachée.
Tous ces actes conscients demeurent incohérents
et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut bien percevoir par la
conscience tout ce qui se passe en nous en fait d’actes psychiques ; mais ils s’ordonnent
dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes
inconscients inférés.
Or nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison,
pleinement justifiée, d’aller au-delà de l’expérience immédiate.
Et s’il s’avère de plus que
nous pouvons fonder sur l’hypothèse de l’inconscient une pratique couronnée de succès,
par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus
conscients, nous aurons acquis, avec succès, une preuve incontestable de l’existence de
ce dont nous avons fait l’hypothèse.
» (Sigmund Freud, Métapsychologie, 1915)
Le texte s’ouvre sur un rappel du caractère polémique de l’hypothèse de l’existence de
l’inconscient, laquelle est contestée « de tous côtés ».
Le « côté » dont il s’agit, c’est le
côté scientifique.
Ce à quoi Freud cherche à répondre dans ce texte, c’est à la critique
selon laquelle il n’aurait pas le droit de travailler scientifiquement avec cette hypothèse.
Introduction :
Freud, psychiatre autrichien du début du XX° siècle, fut l’inventeur de la psychanalyse,
une pratique thérapeutique visant à soigner les névroses, qu’elle interprète comme le
résultat d’un refoulement de pulsions au sein du psychisme.
Dans son œuvre intitulée
Métapsychologie, il cherche à poser les fondements théoriques de la psychanalyse, à en
expliquer et articuler les concepts clé.
Ce texte porte sur la notion d’inconscient : le but
de Freud n’est pas ici de nous expliquer ce qu’est l’inconscient, mais de soutenir la thèse
selon laquelle l’hypothèse de l’existence de l’inconscient est une hypothèse
scientifiquement valide.
Le texte s’articule en trois parties principales ; dans la première,
Freud rappelle que cette validité scientifique est largement contestée, ce à quoi il oppose
sa thèse selon laquelle cette hypothèse est à la fois scientifiquement nécessaire et
légitime.
Dans la seconde, il explique ce qui justifie, selon lui, la validité théorique de son
hypothèse : seule l’hypothèse de l’inconscient permet de comprendre et d’expliquer des
phénomènes qui, sans elle, restent inexplicables.
Dans la troisième, Freud expose ce qui,
selon lui, prouverait la validité pratique de son hypothèse : si la psychanalyse, qui repose
sur cette hypothèse, est efficace (si elle permet d’agir sur les phénomènes psychiques
pour guérir les névroses), alors cela constitue une raison scientifiquement valable
d’admettre la validité de cette hypothèse.
Qu’est-ce qui, dans la notion « d’inconscient », semble justifier cette objection ? Il
semble évident qu’il ne peut y avoir de science que de ce qui est observable : comment
travailler scientifiquement avec un objet que personne n’a jamais perçu directement et
que, par définition, personne ne percevra jamais ? La recherche scientifique porte sur des
phénomènes, c'est-à-dire sur des faits susceptibles de faire l’objet d’expériences,
notamment en laboratoire.
Or il est évident que l’on n’isolera jamais l’inconscient par
précipitation dans un tube à essai, ou dans un accélérateur de particules : l'inconscient est
à jamais "inobservable", du moins de façon directe.
Admettre l’hypothèse de
l’inconscient comme hypothèse scientifique, c’est donc admettre que la science peut
accepter d’aller au-delà de « l’expérience immédiate », de l’observation directe.
Or, pour Freud, tel est bien le cas : même si l’inconscient est à jamais inobservable
directement, son hypothèse reste scientifiquement "nécessaire et légitime".
Qu’est-ce à
dire ? La science a deux fonctions essentielles : la première consiste à expliquer et
comprendre rationnellement les phénomènes ; la seconde consiste à les prévoir, ce qui
permet d’agir sur eux de façon efficace, conformément à des buts déterminés.
Or tel est
précisément ce qu’affirme Freud : l’hypothèse de l’inconscient est scientifiquement
nécessaire, parce qu’on en a besoin pour expliquer des phénomènes qui, sans cette
hypothèse, demeurent inexplicables.
Pourquoi ? C’est ce qu’explique la deuxième partie
du texte.
Le premier constat de Freud est qu’il y a des phénomènes psychiques inexpliqués.
En
effet, les « données de notre conscience », c'est-à-dire les contenus psychiques dont nous
avons conscience, sont « lacunaires », c'est-à-dire qu’ils sont incomplets : il en manque !
Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ? L’explication donnée par Freud est simple : il en
manque, parce que nous sommes souvent incapables de passer d’une idée consciente à
une autre, nous sommes incapables de retrouver l’origine, la cause de nos idées
conscientes.
Il y a des « trous » dans les données de la conscience, puisque l’on ne
parvient pas toujours à trouver l’idée dont provient l’une de nos idées conscientes.
Dès
lors, il n’y a que deux solutions : soit on abandonne totalement le projet d’une étude
scientifique du psychisme, permettant une compréhension rationnelle des phénomènes
psychiques articulant des causes et des effets, soit il faut admettre que ces causes
échappent à la conscience.
Pour Freud ces actes psychiques qui, « pour être expliqués », exigent d’admettre des idées
inconscientes, n’ont rien d’actes étranges, rares, pathologiques.
Bien au contraire, c’est
l’expérience quotidienne de chacun qui les fait apparaître : ces actes psychiques dont
l’apparition reste inexplicable se retrouvent aussi bien « chez l’homme sain que chez le
malade ».
Quel est le sens de cette précision ? Dans l’optique de Freud, elle est capitale.
Car si, comme le veut Aristote, « il ne peut y avoir de science que du général » (les lois
scientifiques ne portent pas sur des exceptions, des cas particuliers), alors il faut admettre
que, si l’hypothèse de l’inconscient est scientifiquement valide, elle doit être valable en
général, chez tous les êtres humains.
En d’autres termes, Freud refuse ici l’idée selon
laquelle l’existence d’un inconscient influençant la conscience serait valable… pour les
fous ! Freud s’oppose donc ici à Alain, selon lequel l’inconscient était un « terme
technique pour désigner un genre de folie ».
Si les processus inconscients peuvent
permettre de comprendre des phénomènes pathologiques (névroses), ils ne sont pas en
eux-mêmes une pathologie.
Ce qui distingue le « malade » de l’homme « sain », ce n’est
pas le fait « d’avoir » un inconscient, mais ce qu’il se passe dans l’inconscient.
Quels sont donc ces actes psychiques que chacun rencontre et qui, pour Freud, sont
inexplicables si l’on s’en tient au domaine conscient ? Ce sont, par exemple, les mots et
les idées qui nous reviennent soudainement alors qu’on les avait cherchés en vain quelque
temps auparavant : comment expliquer cette brusque réminiscence sans admettre une «
élaboration cachée », c'est-à-dire une recherche qui s’est poursuivie sans que nous en
ayons conscience ? Si l’on persiste à vouloir admettre que toutes nos pensées sont
conscientes, alors il faut admettre que cette re-découverte ne provient « de nulle part »,
qu’elle surgit alors qu’on ne la cherchait plus du tout (mais alors pourquoi surgit-elle ?),
qu’elle n’est pas le résultat logique d’une suite d’idées, bref : elle est incohérente (il est
impossible de l’intégrer dans un enchaînement logique d’idées) et incompréhensible (on
ne sait pas pourquoi elle a lieu).
Au contraire, que se passe-t-il si l’on admet l’hypothèse freudienne de processus
psychiques inconscients ? Alors tout s’éclaire : si l’idée resurgit, c’est qu’on a continué
de la chercher… mais de manière inconsciente.
Et si on la trouve alors qu’on ne la
trouvait pas, c’est que dans notre esprit elle a été rappelée par association avec une autre
idée, un autre mot que l’on a entendu, sans que l’on sache nécessairement de façon
consciente ce qu’a été cette association.
Tout s’explique.
En revanche, en laissant libre cours à des « associations d’idées » opérées à partir du
contenu manifeste de ce rêve, Mlle B parvient à des idées et des désirs qu’elle a de plus
en plus de mal à reconnaître.
Ainsi, lors de l’enterrement (qui, lui, a vraiment eu lieu) du
premier enfant de sa sœur, elle avait rencontré l’homme qu’elle a aimé d’un amour
interdit, impossible.
En creusant encore, on aboutit (après plusieurs dénégations…) à
l’aveu de Mlle B selon lequel elle aime toujours cet homme, et qu’elle désire
désespérément le revoir.
Mlle B prend conscience de cet amour au fil des associations…
car ce désir a été censuré au sein de son espace psychique.
Si l’on admet l’hypothèse de
l’inconscient freudien, on....
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