Freud: Avons-nous accès à l'inconscient ?
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L'inconscient, qu'on ne peut, par définition, connaître directement, semble pourtant se révéler à nous.
Mais ses
multiples manifestations ne semblent pas toutes désirables.
Est-il possible de les maîtriser, et n'est-ce pas là la
fonction de la conscience ? N'est-ce pas aussi le but de l'éducation, qui serait en un sens une accession à la
conscience ? On se demande toutefois si une telle maîtrise de soi s'accomplit vraiment pour soi, ou seulement pour
autrui, comme contrainte limitative de la personnalité.
Quoi qu'il en soit, la conscience semble tout entière occupée à
choisir, à décider entre les tendances, les désirs ainsi que les motifs rationnels.
Est-elle le véritable moi ? Est-elle
vraiment autonome ?
Être conscient, c'est d'abord être affecté par quelque chose, aussi la conscience peut-elle apparaître comme
essentiellement réceptive, voire passive.
La conscience est-elle libre, ou déterminée ? La conscience signifie-t-elle
l'acceptation résignée de l'ordre des choses, ou se définit-elle au contraire par sa capacité à le transcender, voire à le
refuser ? Se définit-elle dans la soumission ou dans la révolte ? Paradoxalement, le fait de prendre conscience de sa
propre impuissance peut aussi signifier être libre.
Connaître le bien et le mal, être capable d'en juger, est aussi du ressort de la conscience.
Jugeons-nous en toute
indépendance, ou sommes-nous influencés par notre éducation ? De plus, ce qui est bien pour l'un l'est-il
nécessairement pour l'autre ? Et s'il s'agit avant tout de soi, ne faut-il pas se connaître, pour savoir ce qui est bien
pour soi ?
L'idée d'un inconscient psychique pose deux types de problèmes.
D'abord la conscience peut paraître, non pas le lieu
d'une révélation ou d'une vérité, mais au contraire la source de l'illusion.
Prendre conscience pourrait signifier se
tromper sur soi-même et sur les choses.
D'autre part, l'hypothèse d'un inconscient dominateur nous conduit à mettre
en question la liberté humaine, l'autonomie individuelle, si tant est que celle-ci ait son siège et sa garantie dans la
conscience seule.
La conscience est-elle capable de porter un jugement critique sur elle-même, de s'interroger ? Sans
doute plus que l'instinct, et ce pouvoir de délibération ramènerait la liberté du côté de la conscience.
Qu'est-ce que le sujet, l'individu ? Peut-on réellement définir ce qui ne change pas, ce qui reste immuable dans un
être, au-delà de toutes les modifications que le temps et les circonstances ont apportées ? Ces modifications ne
constituent-elles pas de surcroît cet être dans son existence actuelle ?
Sommes-nous un être isolé, ou faisons-nous partie d'un tout? Est-ce la conscience qui, restant la même, permettrait
de définir cette identité, ou bien est-elle aussi soumise au monde et à l'histoire ? Deux conceptions s'affichent, l'une
qui fait de la conscience un guide, un prescripteur faisant écho aux exigences sociales, l'autre qui la conçoit comme
une instance critique, soucieuse avant tout de liberté.
FREUD:On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique inconscient et de
travailler scientifiquement avec cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que
l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples
preuves de l'existence de l'inconscient.
Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ;
aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes
psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient
pas du témoignage de la conscience.
Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués
et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes psychiques et
phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus
personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en connaissions
l'origine et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est demeurée cachée.
Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous
obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en
nous en fait d'actes psychiques ; mais ils s'ordonnent dans un ensemble dont on peut
montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés.
Or, nous trouvons
dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de l'expérience immédiate.
Et s'il
s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par
laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec
ce succès, une preuve incontestable de l'existence de ce dont nous avons fait l'hypothèse.
L'on doit donc se ranger à
l'avis que ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine
psychique doive aussi être connu de la conscience.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Connaissons-nous directement l'inconscient ?
2 Quels arguments théoriques défendent l'hypothèse de l'inconscient psychique ?
3 Quelle conséquence pratique résulte de la connaissance de l'inconscient ?.
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