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FREUD

Extrait du document

Et voici, chose étrange, que tous ou presque tous s'accordent à trouver à tout ce qui est psychique un caractère commun, un caractère qui traduit son essence même. C'est le caractère unique, indescriptible et qui n'a d'ailleurs pas besoin d'être décrit, de la conscience. Tout ce qui est conscient est psychique et, inversement, tout ce qui est psychique est conscient. Comment nier une pareille évidence ! Toutefois reconnaissons que cette manière de voir n'a guère éclairé l'essence du psychisme car l'investigation scientifique, ici, se trouve devant un mur. Elle ne découvre aucune voie qui puisse la mener au-delà. (...) Comment méconnaître, en effet, que les phénomènes psychiques dépendent à un haut degré des phénomènes somatiques et que, inversement, ils agissent aussi très fortement sur eux? Si jamais l'esprit humain se trouva dans une impasse, ce fut bien à cette occasion. Pour trouver un détour, les philosophes furent contraints d'admettre au moins l'existence de processus organiques parallèles aux processus psychiques et dépendant de ceux-ci d'une façon difficilement explicable. (...) La psychanalyse sortit de ces difficultés en niant énergiquement l'assimilation du psychique au conscient. Non, la conscience ne constitue pas l'essence du psychisme, elle n'en est qu'une qualité, et une qualité inconstante, bien plus souvent absente que présente. (...) Mais il nous reste encore à réfuter une objection : malgré les faits dont nous venons de parler, certains prétendent qu'il ne convient pas de renoncer à l'idée de l'identité entre psychique et conscient, car les processus psychiques dits inconscients ne seraient que des processus organiques parallèles aux processus psychiques. De ce fait, le problème que nous voulons résoudre ne porterait plus que sur une vaine question de définition. (...) Est-ce seulement par l'effet du hasard que l'on n'est parvenu à donner du psychisme une théorie d'ensemble cohérente qu'après en avoir modifié la définition? Gardons-nous d'ailleurs de croire que c'est la psychanalyse qui a innové cette théorie du psychisme. (...) Le concept de l'inconscient frappait depuis longtemps aux portes de la psychologie, et la philosophie comme la littérature flirtaient avec lui, mais la science ne savait comment l'utiliser. La psychanalyse a fait sienne cette idée, l'a sérieusement considérée et l'a emplie d'un nouveau contenu. Les recherches psychanalytiques ont retrouvé certains caractères jusque-là insoupçonnés du psychisme inconscient et découvert quelques-unes des lois qui le régissent. Nous ne voulons pas dire par là que la qualité de conscience ait perdu de sa valeur à nos yeux. Elle reste la seule lumière qui brille pour nous et nous guide dans les ténèbres de la vie psychique. Par suite de la nature particulière de notre connaissance, notre tâche scientifique dans le domaine de la psychologie consistera à traduire les processus inconscients en processus conscients pour combler ainsi les lacunes de notre perception consciente. FREUD

« Et voici, chose étrange, que tous ou presque tous s'accordent à trouver à tout ce qui est psychique un caractère commun, un caractère qui traduit son essence même.

C'est le caractère unique, indescriptible et qui n'a d'ailleurs pas besoin d'être décrit, de la conscience.

Tout ce qui est conscient est psychique et, inversement, tout ce qui est psychique est conscient.

Comment nier une pareille évidence ! Toutefois reconnaissons que cette manière de voir n'a guère éclairé l'essence du psychisme car l'investigation scientifique, ici, se trouve devant un mur.

Elle ne découvre aucune voie qui puisse la mener au-delà.

(...) Comment méconnaître, en effet, que les phénomènes psychiques dépendent à un haut degré des phénomènes somatiques et que, inversement, ils agissent aussi très fortement sur eux? Si jamais l'esprit humain se trouva dans une impasse, ce fut bien à cette occasion.

Pour trouver un détour, les philosophes furent contraints d'admettre au moins l'existence de processus organiques parallèles aux processus psychiques et dépendant de ceux-ci d'une façon difficilement explicable.

(...) La psychanalyse sortit de ces difficultés en niant énergiquement l'assimilation du psychique au conscient.

Non, la conscience ne constitue pas l'essence du psychisme, elle n'en est qu'une qualité, et une qualité inconstante, bien plus souvent absente que présente. (...) Mais il nous reste encore à réfuter une objection : malgré les faits dont nous venons de parler, certains prétendent qu'il ne convient pas de renoncer à l'idée de l'identité entre psychique et conscient, car les processus psychiques dits inconscients ne seraient que des processus organiques parallèles aux processus psychiques.

De ce fait, le problème que nous voulons résoudre ne porterait plus que sur une vaine question de définition.

(...) Est-ce seulement par l'effet du hasard que l'on n'est parvenu à donner du psychisme une théorie d'ensemble cohérente qu'après en avoir modifié la définition? Gardons-nous d'ailleurs de croire que c'est la psychanalyse qui a innové cette théorie du psychisme.

(...) Le concept de l'inconscient frappait depuis longtemps aux portes de la psychologie, et la philosophie comme la littérature flirtaient avec lui, mais la science ne savait comment l'utiliser.

La psychanalyse a fait sienne cette idée, l'a sérieusement considérée et l'a emplie d'un nouveau contenu.

Les recherches psychanalytiques ont retrouvé certains caractères jusque-là insoupçonnés du psychisme inconscient et découvert quelques-unes des lois qui le régissent.

Nous ne voulons pas dire par là que la qualité de conscience ait perdu de sa valeur à nos yeux.

Elle reste la seule lumière qui brille pour nous et nous guide dans les ténèbres de la vie psychique. Par suite de la nature particulière de notre connaissance, notre tâche scientifique dans le domaine de la psychologie consistera à traduire les processus inconscients en processus conscients pour combler ainsi les lacunes de notre perception consciente. Commentaire 1.

Extrait d'un ouvrage achevé (Freud meurt en 1939) qui se voulait une présentation synthétique de la psychanalyse, notre texte se montre soucieux de souligner le point commun de la tradition philosophique et psychologique afin de mieux situer le point de rupture de l'entreprise psychanalytique.

Face au point commun, qui réside dans la croyance à l'omnipotence du conscient dans le psychique, le point de rupture engage la promotion et la thématisation du concept d'inconscient.

Freud procède ici par étapes : le point commun, qui s'offre comme une évidence, s'appuie précisément sur l'opinion commune (tous ou presque tous); mais on peut soupçonner que la tradition philosophique (dans le sillage d'une certaine lecture de Descartes) s'en empare aisément : le conscient constitue à lui seul tout le psychisme et, en conséquence, postuler l'existence d'un psychisme inconscient serait une absurdité, et même une monstruosité.

Enfin, la psychologie à vocation scentifique, en réduisant l'inconscient à l'organique, contourne les difficultés pour mieux asseoir l'identité du psychique et du conscient.

Le point de rupture marque donc une récusation globale induite par un certain nombre d'indices dont témoigne une autre tradition (littéraire mais aussi, à l'occasion, philosophique). 2.

Dans le premier paragraphe, il apparaît que l'assimilation ordinaire du psychique au conscient, que le consensus sur la reconnaissance de la conscience comme essence même du psychisme fonctionnent comme véritable obstacle (l'image du mur) à la rigueur d'une investigation d'ordre scientifique.

En effet, l'affirmation coutumière de l'équipollence du psychique et du conscient (tout ce qui est conscient est psychique et, inversement, tout ce qui est psychique est conscient) semble faire fi de l'interaction du psychique et du somatique par ailleurs couramment, même si obscurément, ressentie par tout un chacun.

C'est donc que le concept ne rend pas compte du vécu.

Telle est l'impasse que les philosophes let les psychologues) contournent (le détour) par le postulat du parallélisme psycho-physiologique.

Mais contourner la difficulté n'est pas en sortir.

La seule issue possible est la négation, par la psychanalyse, de l'équation psychique-conscient et l'assignation à résidence de la conscience comme qualité (d'ailleurs inconstante) et non comme essence du psychisme. La critique, toutefois, se développe ici suivant deux axes complémentaires dont il n'est pas inutile de restaurer la toile de fond. a) Il convient, en effet, de noter que l'assimilation du psychique au conscient, pour autant qu'elle participe d'une représentation immédiate de l'activité du sujet sur lui-même, a connu sa forme extrême dans certaines écoles philosophiques (notamment, au xixe siècle, l'école « éclectique » qui représente par excellence ce que les pionniers de la psychologie scientifique appelleront la psychologie « classique »).

En affichant sa méfiance vis-à-vis de la physiologie et en proclamant la séparation de la conscience et du corps voués, dans l'investigation, à des disciplines fondamentalement distinctes, l'école éclectique (Jouffroy, Cousin, Royer-Collard) prétend que nous sommes. »

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