FREUD
Extrait du document
«
"Du point de vue de la science, comment ici ne pas critiquer, rejeter
et démentir ? Il est inadmissible se prétendre que la science n’est
que l’une des branches de l’activité psychique humaine et que la
religion et la philosophie en sont d’autres, au moins aussi
importantes, où la science n’a rien à voir.
De cette façon, science,
religion et philosophie auraient des droits égaux à la vérité et tout
homme pourrait librement établir des convictions et placer sa foi.
C’est là une opinion jugée extrêmement élégante, tolérante, large et
dénuée de préjugés mesquins ; malheureusement, elle s’avère
insoutenable et c’est à elle qu’incombent tous les méfaits d’une
représentation antiscientifique de l’univers, représentation dont elle
se montre d’ailleurs, au point de vue pratique, l’équivalent.
En effet,
la vérité ne peut pas être tolérante, elle ne doit admettre ni
compromis ni restrictions.
La science considère comme siens tous
les domaines où peut s’exercer l’activité humaine et devient
inexorablement critique dès qu’une puissance tente d’en aliéner une
partie.
" FREUD
Introduction
Il y a, pour Freud, un rapport privilégié de la science et de la vérité.
1.
Cette vision s'oppose au point de vue commun d'une valeur égale de la science, de la religion et de la
philosophie.
2.
Mais l'opinion commune est erronée.
3.
Il n'y a pas de domaine de l'activité humaine que la science ne puisse revendiquer.
Développement
Freud déclare qu'il prend position « du point de vue » de la science.
Il n'y a pas un « état » de la science qui
serait donné une fois pour toutes.
Au contraire, la science procède par un mouvement incessant qui relève (dans
une succession où les termes sont de plus en plus forts) de la critique, du regret et du démenti.
C'est de ce point de vue « scientifique », à la recherche de la vérité, que se place Freud pour juger du rapport
entre science, religion et philosophie.
1.
Aussi cette approche critique va-t-elle s'opposer au point de vue du sens commun.
Freud en résume la position.
Tout d'abord, il y a l'activité psychique humaine, en général.
Autrement dit, ce qui
relève de la pensée ou du cerveau.
Ensuite, il y a, à partir de ce tronc commun, des branches particulières de
l'activité qui se définissent, au moins implicitement, par leur domaine ; à savoir la science, la religion, la
philosophie.
Mais s'il y a tronc commun (l'activité psychique), estime l'opinion commune, les trois domaines sont
séparés.
Sans prééminence de l'un sur l'autre.
Cette séparation des domaines a pour conséquence la croyance en
la valeur relativement égale de ces activités.
Le texte le dit expressément : « identité du rapport à la vérité ».
Autrement dit, selon le sens commun, pas de
rapport privilégié entre la science et la vérité.
Chaque domaine aurait sa vérité : vérité de la science, mais tout
autant, vérité de la religion, vérité de la philosophie.
Et comme le croit le sens commun, un domaine ne l'emporte pas sur l'autre (Freud estime au contraire que seule
la science a un rapport légitime à la vérité), chaque personne devient libre de son choix.
Sur une question
donnée, la réponse de la philosophie ne vaudrait ni plus ni moins que la réponse de la science.
La réponse donnée
par la religion ne vaudrait ni plus ni moins que la réponse de la science.
Ce qui revient à dévaloriser la réponse
donnée par la science.
2.
Aussi Freud, après avoir exposé le point de vue du sens commun, est-il amené à le mettre en question.
Sa position de principe était déjà connue, puisque dès le début du texte il déclarait « inadmissible » le point de
vue du sens commun et désignait comme « prétention » ce même point de vue, ce que renforce le style : «
science, religion, philosophie auraient », et encore « tout homme pourrait ».
Ce que Freud dénonce dans le sens commun c'est d'être l'expression, non d'un savoir (scientifique), mais d'une
opinion.
Et il élucide, avec ironie, le statut de l'opinion, en dégageant justement les caractéristiques de cette
opinion-là qui estime que toutes ces branches (science, religion, philosophie) se valent.
L'opinion vise le
consensus (une opinion large), s'avance au nom de la morale (tolérante), se dénie comme opinion (dénuée de
préjugés).
Et par-dessus le marché se réclame d'un certain esthétisme (l'élégance).
L'opinion, en réalité, est pour Freud le contraire de ce qu'elle prétend.
Elle n'est pas tolérante, mais intolérante à
l'égard de la science.
Elle vise le consensus, mais ne peut l'obtenir de la communauté scientifique.
Elle se veut
sans préjugé, mais elle est elle-même un préjugé.
L'opinion, c'est le contraire de la science.
Ceci d'une manière
générale, que l'on sait bien avant Freud, au moins depuis Platon...
Mais l'argumentation implicite de Freud est intéressante, car elle spécifie la fonction de l'opinion.
A mettre sur le
même plan science, religion, philosophie, on a vu que cela dévalorisait la science, en relativisant ses prises de.
»
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