Feurbach: La religion comme aliénation
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Thème 98
Feuerbach: La religion comme aliénation
La religion chrétienne exprime le rapport de l'homme avec lui-même, mais au travers d'un être autre que lui.
Dieu n'est
rien d'autre que l'essence de l'homme, mais délivrée des bornes individuelles et des imperfections.
Dieu est l'Homme,
porté à l'absolu, puis objectivé, séparé des hommes et vénéré.
Tous les attributs et les qualités que la religion confère
à Dieu ont une origine humaine.
L'amour, la sagesse, la bonté, l'intelligence ne sont pas des dons divins faits à
l'homme, mais de simples qualités de la psychologie humaine, qui ont été séparées, purifiées et recueillies dans un
autre être.
Nous pouvons être conscients que ces qualités divines sont anthropomorphiques car, si elles ne se
rencontrent que chez l'homme, elles ne sont pas pour autant nécessaires.
L'homme peut être mauvais, insensé et
cruel.
Nous supposons donc que Dieu est bon, sage, intelligent, prévoyant, etc.
Cependant, nous ne déclarons pas que
son existence est simplement possible, car sur le modèle de la nôtre, qui nous est évidente et indubitable, nous
décrétons par le même mécanisme de projection que Dieu existe nécessairement.
Nous postulons l'existence de Dieu
aussi nécessaire que l'existence humaine.
Il faut donc convenir, dans les deux cas, que l'homme ne fait que projeter,
dans un ciel idéal et inaccessible, sa propre essence élevée à un degré absolu : une existence nécessaire, et des
attributs positifs hypothétiques.
Si la sagesse de Dieu est parfois remise en cause lors de drames individuels ou
collectifs, son existence n'en laisse pas moins d'être certaine : l'image de Dieu est donc créée par les hommes, et la
religion est en son essence un culte de l'Homme.
Il est fréquent que dans la vie ordinaire, nous imputions à un
événement qui produit sur notre esprit un effet extraordinaire une source ou une origine surnaturelle.
Dès ses
commencements les plus lointains, la religion a consisté à diviniser des forces ou des objets naturels qui échappaient
au contrôle de la volonté.
S'il est clair que dans ses origines la religion a emprunté la totalité de son contenu à la
réalité (le tonnerre, la foudre, la tempête, le feu, etc.), par la suite ce contenu s'est progressivement spiritualisé en
s'humanisant.
D'une vénération portée à des objets ou des forces matérielles, elle s'est progressivement intériorisée
pour prendre la figure de l'homme lui-même, tel qu'il pourrait être, parfait et accompli.
Les qualités positives de l'homme
ont été hypostasiées (érigées à l'état de substance) dans une entité transcendante et séparée.
C'est ainsi que toutes
les passions, les affections, les sentiments de l'âme humaine sont divinisés dans la personne de Jésus-Christ, être de
chair, humain, mais Fils de Dieu.
En son essence, la religion est donc une
ALIÉNATION
:
Concept
juridique (aliéner un bien, c'est
le ceder par vente ou par don),
psychiatrique (un aliéné est un
fou)
et
philosophique
(l'aliénation est le contraire de
la liberté).
Dans les trois
acceptions, on trouve l'idée
d'une chose ou d'un être devenu
étranger à lui-même.
On songera
ici à Marx.
aliénation, puisqu'elle affirme en Dieu ce dont l'homme se dépossède lui-même.
Le
croyant s'agenouille en esclave devant un maître qu'il refuse d'être et qu'il préfère
transporter au Ciel.
Dieu est ainsi tout ce que l'homme n'est pas, ou plus précisément
tout ce que l'homme ne veut supporter de bon et de positif en lui-même : "Pour
enrichir Dieu, l'homme doit s'appauvrir ; pour que Dieu soit tout, l'homme doit n'être
rien...
L'homme — tel est le mystère de la religion — objective son essence, puis à
nouveau fait de lui-même l'objet de cet être objectivé, métamorphosé en un sujet, une
personne." Si la religion est une aliénation, c'est que l'homme doit déroger à sa propre
raison et à la positivité de son essence, il doit se nier pour que Dieu soit..
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