FEUERBACH et la religion
Extrait du document
«
Dans ce texte, le philosophe allemand Feuerbach défend une thèse athée que ses contemporains lui ont reprochée
au point de lui refuser toute chaire d'enseignement supérieur.
En effet, Feuerbach est un penseur non seulement
athée mais matérialiste, qui ne voit pas dans le sentiment religieux l'expression d'un amour pour le divin, mais bien
d'un amour de l'homme pour lui-même.
Car la thèse centrale dans ce texte est bien celle-ci : l'amour que l'individu
porte à Dieu est en réalité un amour qu'il porte à l'humanité elle-même.
Pour démontrer cette thèse, Feuerbach
argumente en disant que ce que l'homme adore en Dieu, c'est l'amour immense que le divin porte à sa créature,
amour qui l'a poussé (dans le christianisme) non seulement à s'incarner, c'est-à-dire à s'humilier au point de devenir
une créature humaine, mais également à souffrir pour les hommes de manière à racheter leurs péchés.
Nous verrons
donc, en étudiant ce texte, ce que cette thèse a d'audacieux, et comment Feuerbach l'argumente.
Deux étapes
argumentatives peuvent être distinguées : la première commence avec le texte et s'arrête avec la phrase : « C'est
là que réside l'impression sublimante de l'incarnation; l'Être suprême, sans besoin, s'humilie, s'abaisse pour
l'homme ».
Le second temps argumentatif commence quant à lui avec : « C'est pourquoi ma propre essence se
donne en Dieu comme objet de mon intuition (…) » et s'achève avec le texte.
Commentant ce texte, la question au
centre de notre travail sera de montrer comment Feuerbach argumente la thèse selon laquelle l'amour de l'homme
pour Dieu n'exprime en vérité qu'un amour de l'homme pour lui-même et une définition divine de l'essence humaine.
Si
le premier temps du texte s'attache à montrer que l'amour humain pour Dieu n'a que l'humanité pour objet, le second
démontre sur cette base que l'essence humaine se révèle dans la religion comme essence divine.
I.
La religion exprime un amour pour Dieu qui n'est en vérité qu'un amour de l'homme pour luimême
« Ce qui prouve de la manière la plus claire et la plus irréfutable que dans la religion l'homme s'intuitionne comme
objet divin, comme fin divine, et donc que dans la religion, il ne se rapporte qu'à sa propre essence, qu'à lui-même,
c'est l'amour que Dieu porte à l'homme, amour qui est le fondement et le centre de la religion ».
Le texte commence avec l'énoncé direct et clair de la thèse de Feuerbach qui peut se résumer ainsi : ce que
l'homme aime en Dieu, c'est lui-même.
En effet, le philosophe allemand place au centre de la religion l'amour de Dieu
pour sa créature.
Cet amour est en effet omniprésent dans la Bible : Dieu donne à l'homme la suprématie sur le
monde qu'il a créé, et lui offre la jouissance du jardin d'Eden ; Dieu fait l'homme à son image ; Dieu est appelé par
Salomon « Miséricorde ».
Enfin, Dieu incarné sous la forme du Christ témoigne un amour immense à l'humanité en
acceptant la condition humaine, puis en souffrant l'humilité du calvaire, puis en supportant le martyr dont la finalité
est de racheter les péchés des hommes.
Cet amour divin pour l'homme est, d'après Feuerbach l'expression de
l'amour que l'homme a pour lui-même, et finalement, comme la seconde partie du texte le montrera mieux, prouve
l'essence divine de l'homme.
En effet, l'amour immense que Dieu porte à l'homme montre à celui-ci qu'il n'est pas une
créature parmi d'autres dans le monde, mais bien la créature élue, préférée.
Dans la mesure où tout dans la religion,
d'après Feuerbach rappelle à l'homme qu'il est au centre des préoccupations de Dieu, et l'être chéri par ce dernier,
la religion témoigne d'abord, par l'intermédiaire du créateur, l'amour de l'homme pour lui-même.
« Dieu aliène sa divinité pour l'homme.
C'est là que réside l'impression sublimante de l'incarnation; l'Être suprême,
sans besoin, s'humilie, s'abaisse pour l'homme ».
Cette seconde phrase du texte précise ce qu'il y avait d'implicite dans la première, que nous pouvons lire comme un
condensée de la pensée de l'auteur, qu'il s'attache ensuite à préciser, développer.
En effet, dans cette phrase,
Feuerbach évoque la figure du christ qui a effectivement renoncé à la divinité en se faisant homme.
Cette décision
est en effet « sublimante » pour l'homme, dans la mesure où ce dernier voit Dieu accepter d'embrasser la condition
qui est la sienne.
De plus, loin de se contenter de l'incarnation, Dieu passe par les étapes humiliantes du calvaire,
par la souffrance de la crucifixion, devenant ce que René Girard nomme le « bouc émissaire » de l'humanité.
Dieu
souffre en effet pour racheter les péchés des hommes.
La thèse de Feuerbach est donc claire : la religion est moins
une louange de Dieu que de l'homme, puisque tout dans le comportement Divin manifeste l'élection, et, finalement,
la divinité, de l'homme lui-même.
II.
La religion révèle à l'homme moins la divinité de Dieu que la divinité de l'humanité
« C'est pourquoi ma propre essence se donne en Dieu comme objet de mon intuition ; j'ai une valeur pour Dieu ; la
signification divine de mon être me devient manifeste »..
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