Ferdinand Alquié vous semble-t-il avoir bien défini l'amour surréaliste quand il écrit : « L'amour, entendons l'amour passion, prend d'emblée, dans les préoccupations surréalistes, la première place. En lui se retrouvent tous les prestiges de l'Univers,
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Texte riche, qui recouvre un nombre assez important de thèmes relatifs à l'amour surréaliste. L'idée centrale est cependant que l'amour, et donc la femme, constitue pour les surréalistes comme un intercesseur privilégié entre eux et les grandes révélations : « C'est de l'amour que les surréalistes attendent la grande révélation. » On peut distinguer plusieurs niveaux dans cette révélation, niveaux que permet de parcourir successivement le texte d'Alquié : au niveau le plus élémentaire, la femme apparaît comme un intermédiaire avec le monde et ses merveilles, « les prestiges de l'univers », comme dit Alquié; à un niveau plus profond, elle est la «synthèse », tout au moins promise et espérée, des grands « déchirements surréalistes » ( « la synthèse suprême du subjectif et de l'objectif »); enfin au terme de l'espoir surréaliste, la femme est peut-être Dieu, ou tout au moins la pierre angulaire du monde. Ainsi se bâtira le plan : I. La femme et les prestiges de l'univers. II. La femme et l'absolu. III. La femme, pierre angulaire du monde.
«
Ferdinand Alquié vous semble-t-il avoir bien défini l'amour surréaliste quand il écrit : « L'amour, entendons l'amour
passion, prend d'emblée, dans les préoccupations surréalistes, la première place.
En lui se retrouvent tous les
prestiges de l'Univers, tous les pouvoirs de la conscience, toute l'agitation du sentiment: par lui s'effectue la
synthèse suprême du subjectif et de l'objectif, et nous est restitué le ravissement que les déchirements surréalistes
semblaient rendre impossible.
C'est de l'amour que les surréalistes attendent la grande révélation et leur souci moral
semble souvent se réduire à n'en pas démériter...
(Le surréel) magnifie l'être aimé, c'est-à-dire la femme, qui prend
ainsi, dans la table des valeurs surréalistes, la place de Dieu.
» (Philosophie du surréalisme.
1955).
Réflexions préliminaires
1 Texte riche, qui recouvre un nombre assez important de thèmes relatifs à l'amour surréaliste.
L'idée centrale est
cependant que l'amour, et donc la femme, constitue pour les surréalistes comme un intercesseur privilégié entre eux
et les grandes révélations : « C'est de l'amour que les surréalistes attendent la grande révélation.
» On peut
distinguer plusieurs niveaux dans cette révélation, niveaux que permet de parcourir successivement le texte d'Alquié
: au niveau le plus élémentaire, la femme apparaît comme un intermédiaire avec le monde et ses merveilles, « les
prestiges de l'univers », comme dit Alquié; à un niveau plus profond, elle est la «synthèse », tout au moins promise
et espérée, des grands « déchirements surréalistes » ( « la synthèse suprême du subjectif et de l'objectif »); enfin
au terme de l'espoir surréaliste, la femme est peut-être Dieu, ou tout au moins la pierre angulaire du monde.
Ainsi se
bâtira le plan : I.
La femme et les prestiges de l'univers.
II.
La femme et l'absolu.
III.
La femme, pierre angulaire du
monde.
2 En parlant de l'amour surréaliste, on n'oubliera pas que Breton est loin d'être le premier à avoir fait de la femme un
intercesseur entre l'homme et un monde de valeurs supérieures.
Breton lui-même le sait bien qui s'est souvent référé
au mouvement courtois médiéval, mouvement qu'il nous dit avoir étudié assez sérieusement (Nadja, p.
110, Col.
Livre de Poche; d'une manière générale, la culture médiévale des surréalistes est assez forte ; Breton s'intéresse à
l'histoire des Albigeois, Aragon à Chrétien de Troyes, etc.).
Sans doute y a-t-il une assez grande différence entre
les courtois et les surréalistes.
Pour la courtoisie, la femme, instrument d'amélioration de l'homme, est donnée
comme une valeur en elle-même au niveau de laquelle son amant doit se hausser.
Chez Breton, elle n'a nullement ce
caractère de perfection éthique ou sociale; mais, comme dans les romans arthuriens, elle est l'objet
l'autre, il y a certainement la volonté de faire de l'amour une des grandes forces de libération.
— Quoi qu'il en soit,
à noter l'intérêt, pour bien caractériser une École ou une tendance, de réfléchir sur l'idée qu'elle se fait de l'amour :
on saisira mieux ainsi des ressemblances et des dissociations fondamentales.
3 Vu l'importance du rôle joué par Breton dans l'histoire du surréalisme, dont il fut jusqu'à sa mort (tandis que tous
les autres, hormis B.
Péret, abandonnèrent peu ou prou le surréalisme en chemin : même si leur inspiration devait en
rester indélébilement marquée, elle emprunta d'autres voies, parfois fort différentes) le chef de file, le «pape», diton volontiers, parfois contesté, mais jamais sérieusement ébranlé, nous traiterons ce plan et les deux suivants en
nous en tenant à lui, c'est-à-dire exceptionnellement à un seul auteur.
Ce sera un bon exercice que de reprendre
ces trois plans en les élargissant à d'autres surréalistes : chacun pourra ainsi s'entraîner à raisonner selon son goût
sur des exemples de son choix.
Plan détaillé
I La femme et les prestiges de l'univers
Dès le recueil d'articles intitulé Les Pas perdus (1924), la femme apparaît comme une sorte de sphinx qu'il faut
interroger au niveau de notre monde, celui des merveilles quotidiennes, auquel elle semble mystérieusement liée, où
elle paraît enracinée : dans l'article L'Esprit nouveau (article qui, du reste, a frappé Nadja lorsque Breton lui a remis
un exemplaire des Pas perdus) est contée la très curieuse rencontre par Aragon, puis André Breton, rue Bonaparte,
d'une jeune fille qui allait d'un passant à l'autre comme si elle avait un message à transmettre.
1 La femme et la nature.
Tout un bestiaire semble lier la femme au monde, surtout Nadja (bélier, serpent, chat).
Pour Jacqueline l'accompagnement est plus floral qu'animal (cf.
L'Amour fou : fougère, « écureuil tenant une noisette
verte », « cheveux de pluie claire sur des marronniers en fleurs »; à noter l'accord du rouge et du vert qui est celui
même des forêts).
La femme, comme la Pythie ou la Sibylle, tient à la terre, ce qui lui fait courir, selon Breton, un
certain risque d'hystérie, de folie (à propos des Détraquées, Breton, dans Nadja, évoque un cas de « folie circulaire
et périodique » et il est curieux que le personnage le plus inquiétant soit celui du jardinier), dans la mesure où la
folie, ce n'est peut-être rien d'autre que l'esprit qui se fond dans les choses.
Mais cela lui permet aussi de saisir
intuitivement l'essentiel du monde et des êtres par une sorte de don de voyance qui n'a rien de mystique, mais qui
est un profond sentiment de l'unité de la nature.
2 La femme, lieu de correspondances.
C'est pourquoi la femme voit des correspondances partout, mais ces
correspondances ne sont pas les correspondances baudelairiennes qui supposent une philosophie idéaliste.
Si
Baudelaire place son poème Élévation juste avant Correspondances (cf.
XIXe Siècle, p.
456-457), c'est bien pour
marquer que son système de correspondances suppose un monde supérieur, unifié, dont les correspondances sont le
reflet.
Rien de pareil chez Nadja : si elle parle d'étoile florale (p.
80), de vent bleu (p.
95), de feu qui est la même.
»
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