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Faut-il vouloir être heureux ?

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« Définition des termes du sujet: Faut-il ?: est une question qui peut se poser à deux niveaux : • la nécessité (physique / matérielle / naturelle / économique / psychologique / sociale), c'est-à-dire la contrainte des choses. • l'obligation morale, le devoir.

Doit-on ? Heureux, heureuse: Qui jouit du bonheur, qui est durablement content de son sort. VOLONTÉ / VOULOIR: Du latin voluntas, «volonté», «désir», «intention».

1.

Faculté de vouloir, pouvoir de se déterminer pour des motifs raisonnables.

2.

Acte particulier de la faculté de vouloir (exemple: ses «dernières volontés»), volition.

3.

Chez Schopenhauer, vouloir-vivre universel, «poussée aveugle et irrésistible» qui vise, en tout être vivant, la survie de l'espèce. Un acte est volontaire quand il trouve son principe dans une libre décision du sujet.

À la différence du désir, qui est une inclination ou un penchant subi, la volonté est un principe actif par lequel l'homme affirme sa capacité à se détacher de ses désirs et pose ainsi sa liberté. BONHEUR: De bon et heur (terme dérivé du latin augurium, présage, chance).

État de complète satisfaction de tous les penchants humains. • Le bonheur se distingue du plaisir et de la joie, qui sont des émotions éphémères et toujours liées à un objet particulier.

• Dans les morales eudémonistes, le bonheur est la fin de l'action humaine.

Pour Kant, en revanche, c'est le respect de la loi morale qui doit orienter la volonté, et non la recherche du bonheur.

Car cette recherche est toujours déjà intéressée, égoïste donc contraire à la morale. Le bonheur est l'accomplissement de la vie sensible comme telle, et par conséquent il appartient à tout être sensible en possédant la notion de souhaiter être heureux.

Mais il y a une différence entre souhaiter qui n'engage à rien (souhaiter être riche, c'est juger positivement la richesse en refusant de faire quoi que ce soit pour le devenir) et vouloir qui est déjà mobilisation des moyens par la représentation contraignante d'une fin.

Si tout le monde souhaite évidemment être heureux (le contraire signifierait qu'on n'existe pas comme vivant sensible), tout le monde ne veut pas le devenir.

C'est que nous n'avons pas que des aspirations sensibles, du moins certains d'entre nous : pour les héros qui donnent leur vie parfois dans des conditions atroces (Jean Moulin) ou pour les créateurs qui subissent les affres d'un travail épuisant et ingrat (cf.

la correspondance de Flaubert, notamment ses lettres à Louise Colet), il est clair que ces aspirations ne comptent pas, et qu'ils ne peuvent être soupçonnés de chercher un bonheur simplement paradoxal, puisque sa notion renvoie d'abord au maintien de la vie et à l'exclusion de la souffrance.

Cela est vrai également dans l'ordre de la conscience morale : agir par devoir, c'est avoir implicitement décidé que le bonheur ne compterait pas et que les inconvénients liés à l'accomplissement de l'action ne seraient pas pris en considération, dès lors que sa nécessité s'imposait.

Les héros, les créateurs et les sujets moraux en tant que tels ont donc en commun de considérer que, si important que son désir puisse être par ailleurs, le bonheur ne compte absolument pas.

Autrement dit les meilleurs d'entre nous se refusent de faire du bonheur le but de leur vie, – même s'ils souhaitent évidemment être heureux, parce que pour eux ce n'est pas cela qui compte même si cela importe évidemment. Cette opinion serait-elle donc le propre des gens qui ne sont ni des créateurs ni des héros et qui accomplissent leur devoir à la seule condition qu'il ne mette en cause ni leur confort ni l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes ? Autrement dit la question se pose de savoir en quoi la considération du bonheur comme but de la vie pourrait être le versant représentatif d'une éthique résumable à la décision implicite d'être le semblable de ses semblables, de ne jamais se surprendre soi-même et par conséquent de dénier toute preuve de sa propre division, de se confondre avec la place (familiale, professionnelle, etc.) que l'on occupe ? En effet dans la création, dans l'héroïsme et dans l'action morale, c'est toujours d'une division de soi-même qu'il s'agit.

On le voit à chaque fois.

D'abord le propre d'un créateur est de ne pas savoir ce qu'il est en train de faire, d'être surpris par les formes, les figures ou les idées qui naissent des gestes qu'il accomplit et qui réduisent quasiment à rien la représentation préalable où il avait pensé la nécessité de son travail.

Ensuite le propre d'un héros est d'être porté par une nécessité indistinctement subjective et objective qu'il ne réfléchit jamais (par exemple l'occupation de son pays comme absolument intolérable, alors que la majorité de ses compatriotes s'en accommode plus ou moins) et qui lui fera accomplir des actions quasiment surhumaines c'est-à-dire inaccessibles à l'homme normal qu'il est par ailleurs : rendu à la vie ordinaire il ne se reconnaît pas dans les actions qu'il a accomplies, qui sont en quelque sorte trop grandes pour lui.

Enfin, le propre d'un agent moral est de laisser en arrière tout ce qui importe pour lui quand il s'agit de faire son devoir.

Bref, nous nous trouvons devant la corrélation de deux divisions : d'une part celle que nous sommes pour nous-mêmes et que signifient chacune à leur manière les notions de la pensée et du devoir, et d'autre part celle de ce qui importe et de ce qui compte.

Ainsi l'examen de l'opinion qui nous est proposée doit-il se faire au double niveau de l'énoncé et de l'énonciation, puisque c'est à la fois d'une division dans l'objet d'une parole éventuelle et dans son sujet qu'il s'agit.

D'un point de vue général, on peut dire que le premier niveau décide du second, car si l'opinion examinée se révèle être vraie, la question de l'énonciation perdra de sa pertinence : en tant qu'il est vrai, par exemple, le théorème de Pythagore est libéré de la vie de son auteur et de l'incidence de son idiosyncrasie, dont en fait il devait tout de même bien procéder.

D'un autre côté, il est pourtant impossible de séparer un énoncé de son énonciation : le sens d'un énoncé, c'est la possibilité de son énonciation, ainsi qu'on l'indique fréquemment en posant une question théorique sous la forme d'un " peut-on dire que...

".

En quoi nous désignons l'objet final de notre élaboration : dans la double question " est-ce vrai ? " et " qui dit cela ? ", c'est une position subjective qui est interrogée : celle du rapport à sa propre vie et à la vérité dont elle peut éventuellement relever.. »

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