Faut-il vivre en pensant à la mort ?
Extrait du document
«
[II est parfaitement inutile de méditer sur la mort.
Si je donne un sens à mes actes, c'est bien parce que
je suis en vie.
La mort, inaccessible à l'entendement, est un concept dont la raison n'a pas à se
préoccuper.]
Il faut vivre pour penser et penser pour vivre
C'est parce que je suis en vie que je peux penser la vie.
C'est toujours parce que je suis en vie que je
m'interroge sur le sens de mon existence et de mes actes.
Ainsi que le dit Wittgenstein, «la mort n'est pas un
événement de la vie» (Tractatus logico-phihsophicus).
Si l'on considère que l'éternité n'est pas une durée
infinie, mais une intemporalité, alors, «celui-là vit éternellement qui vit dans le présent.» (id.) Le désir nous
projette sans cesse vers le moment suivant, dans une insatisfaction fondamentale.
Le bonheur consisterait
dans l'extinction du désir.
Le plaisir, lui, est toujours dans l'instant et est tout ce qu'il peut être, quand le
désir d'un plus grand plaisir ne vient pas s'y mêler.
Un plaisir pur nous ferait « sortir » du temps : n'est-ce pas
là une éternité à notre mesure ?
La mort n'est rien pour nous
Epicure a dit ceci: «Tant que nous sommes, la mort n'est pas là, et une
fois que la mort est là, alors nous ne sommes plus» [Lettre à Ménécée).
Pour quiconque est en vie, la mort n'est rien, et pour quiconque est
mort, la vie n'est plus rien.
Autrement dit, l'homme ne peut que penser
la vie.
En effet, la métaphysique matérialiste d'Epicure va permettre de
délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la
mort.
Les hommes ont peur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ?
C'est précisément le saut dans l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas
ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances
terribles ne leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes
terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront que quiconque à mal
agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de
l'enfer.
La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses
dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout dans
l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres
vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons,
ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce
n'est que notre corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui
est blessé ou malade), puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne
survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».
Ceux
qui pensent que la vie du corps, la pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme
pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.
Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus
subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort
survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposer
puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alors que le
reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.
Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le
mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absence
de sensation.
»
En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source
de toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout
mal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.
Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure
comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.
La mort étant la disparition des
sensations, il ne peut y avoir aucune souffrance dans la mort.
Il ne peut pas y avoir davantage de survie de
la conscience, de la pensée individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque
lorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.
»
Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.
Et je sais que
c'est ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.
Mon bonheur dans
la vie est une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.
Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste.
Pour la raison, la mort n'est qu'une fiction
Tout ce que je puis dire sur la mort renvoie immanquablement à ce que j'ai vécu et à ce que je vis.
Mieux.
»
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