Faut-il vivre comme si nous ne devrions jamais mourir?
Extrait du document
«
introduction
« Nous troublons la vie par le soin de la mort » (Montaigne).
Pour éviter ce trouble, faut-il vivre,..
?
Première partie : Analyse du sujet
Le problème essentiel est celui du sens à accorder à l'expression « comme si ».
Ce « comme si » peut en effet
recouvrir plusieurs attitudes très différentes.
Ce peut être un « comme si » d'indifférence, parce que la mort est
jugée sans importance ; un « comme si » d'ignorance volontaire, parce que la mort est jugée si horrible que l'on ne
peut en soutenir la pensée et que l'on s'en détourne ; enfin un « comme si » de jeu, tout à la fois de simulacre, de
compétition et de vertige, où F homme donne à la mort le rôle d'esclave et prend celui de maître.
Deuxième partie : Le « comme si » de l'indifférence et du détachement
a) Pour le stoïcisme, la mort nous fait mesurer la vanité de la vie humaine.
Cf.
Marc Aurèle « Bientôt tu ne seras plus
que cendre ou squelette, un nom et pas même un nom (...) Les choses qui, dans la vie sont les plus estimées ne
sont que vide, pourriture, insignifiance (...) Que faire donc ? Tu attendras avec sérénité ou de t'éteindre ou d'être
transféré ailleurs (Pensées V, 33).
La philosophie nous apprendra cette attente sereine (cf.
Montaigne « Que
philosopher c'est apprendre à mourir »).
Ainsi ne faut-il pas vivre comme si nous ne devions jamais mourir, mais au
contraire la pensée de la mort doit guider toute notre vie pour nous libérer (cf.
Montaigne « Qui a appris à mourir, il
a désappris à servir ») « A chacune des actions que tu fais, réfléchis et demande-toi si la mort est terrible, parce
qu'elle te prive d'agir en ce cas particulier » (Marc Aurèle, Pensées, X, 29).
b) Mais Montaigne refusera de faire de la méditation sur la mort une manière morose de vivre.
La mort est le « bout
» non le « but » de la vie.
Il convient donc de la dépasser pour « vivre entre les vivants ».
Ainsi faut-il bien d'une
certaine manière vivre comme si nous ne devions jamais mourir.
c) Contre le stoïcisme, l'épicurisme, lui, affirme clairement qu'il convient bien
de vivre comme si nous ne devions jamais mourir.
Selon Épicure, en effet, la
mort n'est rien pour nous puisque tant que nous sommes elle n'est pas
présente, et que lorsqu'elle survient nous ne sommes plus.
Ainsi la mort n'a-telle « aucun rapport avec les vivants ni avec les morts »).
La mort n'étant
rien il convient ni de la craindre ni de la désirer, mais de se tourner vers la vie
seule et d'y connaître le bonheur en comprenant que la perfection du plaisir
n'est pas fonction de sa durée, le plaisir étant parfait à tout moment où on le
goûte.
Ainsi l'épicurisme est-il une philosophie du présent et en ce sens il
nous invite à vivre comme si nous ne devions jamais mourir.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle du
platonisme : elle s'en tient à un strict matérialisme.
La mort n'est pas une
évasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien,
puisque vivants, nous appartenons à l'être.
"Tout bien et tout mal résident
dans la sensation ; or, la mort est la privation complète de cette dernière."
Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous serons
heureusement pressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.
La pensée
de la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, en laquelle nous aurions à
choisir et agir en vue de l'éternité.
Pour l'existence humaine, l'éternel n'est
jamais en jeu : il n'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.
De
plus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitude infinie, ne se soucient
pas des affaires humaines.
Si la mort n'est rien pour nous, nous ne sommes, mortels, rien pour les dieux : leur
jugement n'est pas à craindre.
Il ne faut donc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente de son heure.
Une
chose absente ne peut nous troubler, et quand la mort advient, c'est que déjà nous ne sommes plus là pour en
souffrir.
L'homme ne rencontre jamais sa propre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant que l'instant
présent qui sépare le passé du futur.
La mort n'est rien, comme le pur instant présent, sans passé ni avenir : "La
mort n'a par conséquent aucun rapport avec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les
premiers, et que les derniers ne sont plus." La mort ne doit être pensée ni comme un mal, ni comme une délivrance.
Si ne pas exister n'est pas un mal, la vie comporte des joies qui peuvent être très agréables.
Vivre sagement, ce
n'est pas chercher à jouir le plus longtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut.
La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la
crainte de la mort.
Les hommes ont peur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans
l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne
leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront que
quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.
La peur de la mort a
partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout dans
l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,
lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps qui
se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne
survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,.
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