Faut-il vivre avec son temps ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
q Il s'agit dans ce sujet de s'interroger sur une injonction communément employée : « il faut vivre avec son temps » et éventuellement de la remettre en
cause.
Le « faut-il » exprime un questionnement d'ordre moral.
q L'essentiel est tout d'abord de parvenir à cerner ce que désigne notre temps dans cette expression.
Il s'agit d'une époque, l'époque dans laquelle on
vit et on est « contraint » de vivre.
En effet, on ne choisit pas son temps.
La formule est par ailleurs souvent utilisée, dans son contexte habituel, pour
exprimer une résignation.
Il faut accepter l'évidence, il faut accepter ce qui s'impose à nous, même si le temps présent est difficile.
q Un autre usage « positif » peut être constaté.
Il faut « vivre avec son temps » peut signifier qu'il faut agir dans l'époque, ne pas seulement se résigner
mais accepter l'époque dans laquelle on vit.
De nos jours, cela pourrait sous-entendre qu'il faut être à la pointe du progrès, « se renouveler ».
q On vit toujours dans une époque mais pas toujours « avec » une époque.
Le « avec » suggère la possibilité pour l'homme de s'arracher à son propre
temps.
q Mais afin de mener une réflexion intéressante, il convient de ne pas se limiter à ces usages familiers.
V ivre avec son temps c'est accepter les valeurs,
les buts, l'ethos de son époque.
En un mot c'est vivre dans l'esprit de l'époque.
Problématisation :
Nous sommes contraints de vivre une époque plus ou moins déterminée, avec ses tendances, ses idées communément partagées, voire son
idéologie, mais nous pouvons en refuser l'esprit.
Vivre avec son temps c'est dans un premier sens accepter cette époque, se résigner.
Mais en réalité
l'expression désigne souvent l'importance d'accepter les changements, de suivre une évolution des mentalités.
Dans un cas comme dans l'autre il
s'agit malgré tout de se laisser conduire par les temps présents, de ne pas résister, de ne pas s'opposer au mode de vie présent.
Mais doit-on se
contenter de suivre l'Esprit du temps ? Qui conduit l'histoire si tout le monde suit cette injonction ? Vivre avec son temps est-ce agir ou se laisser
aller ?
I.
Vivre avec son temps comme résignation.
a)
b)
II.
Comme nous l'avons écrit plus haut, vivre « avec son temps » ce n'est pas seulement vivre dans son temps, ce qui d'un point de vue
strictement physique est une nécessité.
Nous vivons de fait dans le temps présent.
Il s'agit d'accepter l'époque dans laquelle on vit.
Le
problème se pose souvent au moment où l'on change d'époque, où les règles traditionnelles se trouvent bouleversées.
Un exemple concret
peut être trouvé dans toute société qui, à un moment donné, subit un changement soudain.
Par exemple, au XIX ème siècle, le Japon a dû
se moderniser, ouvrir ses ports sous la pression des puissances occidentales.
Cette transformation des modes de vie a suscité de vives
résistances.
D'un point de vue global, ce que le « capitalisme » impose comme transformation a été imposée au nom des bienfaits
techniques voire moraux qu'il était censé apporter
Les bouleversements soudains ne sont en réalité jamais des ruptures.
Dans l'histoire il n'y a pas de saut.
Mais les transformations,
les changements peuvent apparaître comme des ruptures soudaines pour ceux qui prennent conscience soudainement que l'époque a
changé, et qu'il faut s'adapter pour survivre.
« V ivre avec son temps » c'est donc se résigner à quitter un mode de vie jugé « archaïque ».
La plupart du temps, l'époque nouvelle que l'on est contraint d'accepter reste quelque chose d'extérieur.
Je vis « avec », je fais avec mais
je ne suis pas dans, mes habitudes ne correspondent pas à ce nouveau temps.
Vivre avec son temps : une inclusion ou un accompagnement ?
a)
b)
c)
d)
III.
« V ivre avec son temps » peut aussi signifier vivre pleinement son temps, son époque et ne pas interroger la spécificité de cette
époque.
C'est donc incorporer totalement les idées, les buts.
Dans un langage contemporain, on dit parfois « être in », ce qui veut dire être
dans, souvent pour signifier être à la mode.
La mode ne se restreint pas à la seule mode vestimentaire mais aussi aux opinions.
Vivre avec son temps, c'est donc vivre sans remettre en question et suivre les changements incessants qui caractérisent nos
sociétés contemporaines.
La question ne peut se poser qu'à partir du moment où il y a une transformation.
On peut vivre avec son temps
sans se demander s'il faut ou non vivre avec son temps.
L'apprentissage de l'histoire nous permet de sortir de notre temps pour considérer
des époques où les mœurs différaient.
Il y a donc deux manières de vivre dans son temps, soit en l'accompagnant de gré ou de force, soit en le vivant sans le questionner,
de façon automatique.
Hegel envisage deux rapports à l'histoire.
L'homme est avant tout l'instrument, il est inclus dans l'histoire, il agit au
nom d'une principe qui le dépasse : la Raison.
La raison gouverne en se servant de la passion des
grands hommes.
Le philosophe est celui qui vit hors du temps et qui observe l'histoire en haut d'une
montagne.
Il n'est pas inclus dans l'histoire mais, éventuellement, peut avoir une nouvelle relation à
son temps.
De même pour Marx, il ne s'agit que d'accélérer un processus historique, selon lui, inéluctable
par une conscience de classe.
Il faut vivre pour son temps.
a)
b)
Si on interroge à présent la question sous son angle moral, faut-il vivre avec son temps ? Dans
un premier sens vivre avec son temps, c'est suivre inconsciemment les mœurs de son époque sans
envisager la distance nécessaire à la remise en question.
Dans un second sens il s'agit de partir d'un
point de vue plus détaché par rapport au cours du temps, que ce point de vue soit involontaire :
l'époque s'impose à nous mais nous lui résistons car nos habitudes nous empêchent d'y vivre, ou
volontaire : l'époque s'impose à nous mais nous pouvons agir pour la transformer.
Il faut vivre pour son temps, dans la mesure où la connaissance du temps présent est nécessaire
pour exister dans cette époque, et s'engager sans y être tout à fait pris.
Conclusion :
Vivre avec son temps peut signifier plusieurs choses.
Tout d'abord ceux qui ayant vécu une époque
précédente sont contraints de vivre l'époque présente comme un divorce.
A la nécessité d'accepter l'époque
il faut opposer le devoir de la questionner.
A la nécessité de la distance il faut opposer la nécessité d'y agir.
Il faut donc vivre pour son temps,
c'est-à-dire vivre avec son temps avec une distance minimale qui ne soit pas de l'ordre de la mélancolie mais qui permette d'agir pour un avenir.
Bien sûr la mise en pratique montre les limites d'un tel engouement..
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