Faut-il tolérer toutes les idées ?
Extrait du document
«
PLAN
A.
Il faut tolérer toutes les idées.
— Liberté et tolérance.
— Le respect d'autrui.
B.
On ne doit pas tolérer toutes les idées.
— Le problème du scepticisme.
— Le dynamisme des idées les conduit parfois à être négatives ou intolérables.
C.
De la tolérance au droit.
— Le combat, par le raisonnement, contre les idées mauvaises.
- Lorsque l'idée devient acte et qu'elle est dangereuse, il faut la combattre avec la loi.
Problématique : la tolérance, le fait de respecter la liberté d'autrui, semble une valeur inaliénable.
Mais doit-on
admettre toutes les idées ? Ne serait-ce pas faire preuve d'un scepticisme tel que l'on présuppose que toutes les
idées, que toutes les opinions se valent ? N'y a-t-il pas des idées qui soient à la fois intolérables et très puissantes
et qu'il faut combattre ? N'y a-t-il pas des limites à la tolérance ?
PISTES POUR LA DISSERTATION
• Liberté et tolérance : Faut-il tolérer toutes les idées ? Comment, a priori, ne répondrait-on pas affirmativement à
la question posée? Une idée, c'est une représentation mentale et intellectuelle, faisant partie de la vie de l'homme
et lui permettant de mener une existence proprement humaine.
Nous vivons dans les idées, réellement
indispensables à notre vie.
Les idées forment un élément naturel de notre mode d'être.
Nous pensons et vivons avec
elles.
La vérité, le progrès, l'histoire, le droit, etc., sont des idées.
Nous existons dans l'atmosphère des idées.
Comment pourrait-on ne pas tolérer toutes les idées, puisqu'elles sont vitales pour tous les hommes ? C'est au xviiie
siècle que se fonde vraiment la grande notion de tolérance.
Voltaire et Locke, en particulier, combattent pour cette dernière.
Toutes les notions doivent être admises et
acceptées, et ce au nom de la liberté qui définit l'homme et donne sens à sa vie.
« Qu'est-ce que la tolérance ? C'est l'apanage de l'humanité.
Nous sommes tous pétris de faiblesses et d'erreurs ;
pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c'est la première loi de la nature [...] [Il est] clair [...] que nous
devons nous tolérer mutuellement, parce que nous sommes tous faibles, inconséquents, sujets à la mutabilité, à
l'erreur.
Un roseau couché par le vent dans la fange dira-t-il au roseau voisin couché dans un sens contraire : «
Rampe à ma façon, misérable, ou je te présenterai requête pour qu'on t'arrache et qu'on te brûle » ? (Voltaire,
Dictionnaire philosophique, article « tolérance », p.
368, Garnier-Flammarion).
Ainsi, tolérer toutes les idées semble nécessaire à un entendement libéré des préjugés et préventions.
C'est bien ce
que ressentit l'Aufklärung, la philosophie des Lumières.
Déjà, en 1689, Locke donne à la tolérance ses lettres de
noblesse (Traité de la tolérance).
Puis, au xviiie siècle, « tolérer toutes les idées » devient un impératif majeur.
La
tolérance s'enrichit.
Pourquoi faut-il tolérer toutes les idées ? Parce que notre esprit doit être capable d'entrer dans
les raisons d'autrui.
Sujets à l'erreur, nous devons reconnaître autrui.
La tolérance, espère-t-on, va devenir
universelle.
Ainsi, c'est une double problématique, celle de la liberté et celle du respect d'autrui qui semble légitimer
la nécessité d'admettre toutes les idées et représentations.
Parce qu'un horizon de liberté est nécessaire, parce que
la liberté politique et religieuse doit former le fond de la société, mais aussi parce qu'autrui se dessine dans cet
horizon de liberté, ne doit-on pas respecter toutes les idées sans exception ? Depuis les xvie et XVIIe siècles, les
problèmes religieux se donnent dans leur acuité : aussi l'Aufklärung exige-t-elle la tolérance, la réclame-t-elle
impérativement comme un signe essentiel dans la marche de l'esprit humain vers le progrès.
1685 : la révocation de
l'édit de Nantes signifiait de nouveau la reprise des persécutions religieuses.
D'où le choix d'une réflexion éclairée et
libre, contre tous les obscurantismes, toutes les luttes entre humains.
Toutefois, le problème porte évidemment sur le « toutes » de l'expression « toutes les idées ».
Locke lui-même
s'interroge sur ce « tout » et introduit l'idée de limites de la tolérance.
De plus, il y a de l'équivoque et de l'ambiguïté
dans ce terme.
En bref, faut-il bien tolérer toutes les idées ?
• Le problème du scepticisme : tolérer toutes les idées, n'est-ce pas, d'une certaine manière, admettre leur
équivalence ? N'est-ce pas sous-entendre que toutes les idées se valent et que, dès lors, toutes les
représentations doivent être, au même titre, acceptées, défendues, reconnues dans le paysage de la pensée ? Cela
signifie que nulle idée ne possède de supériorité.
D'où une sorte de scepticisme désabusé : tous les critères de
vérité s'équivalent et, dès lors, puisque l'esprit ne peut atteindre la vérité, il faut douter de la validité de nos
représentations et tout admettre.
Tel était bien, au fond, le contenu implicite des remarques de Voltaire : puisque
nous sommes tous faillibles, reconnaissons nos erreurs ; il faut, ainsi, tolérer toutes les idées.
S'il est, dans ce scepticisme, quelque chose de gênant pour la pensée, cet embarras s'accroît quand nous
réfléchissons sur la signification réelle des idées, quand nous nous attardons sur leur puissance et leur dynamisme.
Qu'est-ce, en effet, qu'une idée ? Cette représentation mentale ne doit pas être comprise comme « une peinture
morte sur un panneau ».
L'idée est un mouvement, un dynamisme, une force ; de cette puissance de l'idée on peut
déduire qu'il est quelque chose de dangereux dans la tolérance à l'égard de toutes les idées.
L'idée peut passer à
l'être et devenir réellement souveraine.
Les hommes peuvent devenir les esclaves des idées, se faire manipuler par
elles.
Au service de l'idée, les mots ne peuvent-ils acquérir une puissance de vie, un pouvoir de mort infini ? Les
exemples historiques sont nombreux, qui nous signalent que les idées sont des reines ; oui, nous sommes possédés
par les idées que nous possédons.
« Les idées les plus virulentes ont des aptitudes exterminatrices qui dépassent
celles des dieux les plus cruels.
» (E.
Morin, La Méthode 4, Seuil, p.
121)..
»
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