Faut-il soigner ou punir un criminel ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet
Nous commencerons par examiner les deux thèses proposées, puis nous déterminerons en quoi elles s'oposent.
●
La notion de soin, de traitement repose sur la distinction entre le normal et le pathologique.
En d'autres
termes, toute mise en oeuvre d'un traitement, et l'idée même de soin, supposent la référence à une norme,
implicite ou non.
Par exemple, l'expression « soigner un malade » n'a de sens qu'en référence à une norme de
santé.
Il est fort rare de rencontrer un corps en parfait état de santé, d'autant plus que l'organicité même du
corps est mue par des mécanismes paradoxaux de destruction, de dégénération.
Malgré cela, nous ne disons
que de quelques personnes qu'elles ont besoin de se faire soigner : l'état de leur corps manifeste alors un
manquement, ou une déviation (pathologie), par rapport à la norme que l'histoire et l'espace ont placé autour
des malades.
Il y a cependant une autre façon d'envisager la maladie, cette-fois ci subjective : si la manière
précédente supposait l'ensemble d'un savoir constitué, celle-ci repose sur la simple appréhension de sa chair
par l'individu lui-même; le médecin peut bien lui dire qu'il n'a rien, il sait bien, lui, qu'il n'est pas dans son état
normal.
Ainsi, la notion de soin, lorsqu'il s'agit du corps dans son organicité, renvoie à une norme qui est celle
de la santé, et selon un partage entre deux normes possibles, le savoir médical institué, et l'aperception
subjective.
Ce partage est dû aux phénomènes mêmes de la chair et du corps.
Examinons donc les
structures normatives possibles implicites dans l'idée de crime.
●
La notion de crime renvoie tout d'abord à une norme légale.
Est criminel celui qui enfreint une loi civile.
Cette première norme est donc relative à l'histoire et à l'espace.
La notion de droit positif trouve de plus son
origine dans celle de droit naturel : un sens moral plus fondamental que la simple institution, ou même que la
rationalité des décrets de celle-ci, pousse à penser certaines personnes comme des criminels.
La norme ici
supposée est encore relative : plus précisémnt qu'à la religion ou aux coutumes, elle réside ici en un certain
sens commun, déterminé dans le temps et l'espace.
La norme attachée à l'idée du soin est encore plus
relative et déterminée : elle suppose encore un savoir constitué.
Celui de la psychiatrie, par exemple, dont
les réponses ne recoupent pas celles de la psychanalyse, ou encore de la psychologie catholique de l'état de
grâce et de l'état de péché mortel (voir Saint Augustin, Confessions, notamment II, 9-10).
Il faudra donc ici
émettre des suppositions, examiner des hypothèses.
On peut, par exemple, soutenir une thèse d'inspiration
psychanalytique, mettant en jeu les relations entre mécanismes inconscients de symbolisation, de
refoulement, etc.
et mobiles conscients dans l'action.
Mais il faudra alors accompagner l'exposé d'une
réflexion sur les conditions de légitimité du jugement psychanalytique, sur les fondements de ces thèses, sur
ces présuppositions, ainsi que sur les conditions historiques de l'émergence d'un tel savoir.
●
Penchons-nous à présent sur la question de la punition.
De même que l'idée de traitement repose sur
celle de norme, l'idée de punition repose sur celle de liberté.
On punit un sujet libre, pour une action qu'il
était libre de ne pas commettre.
On punit ensuite un individu qui avait conscience de mal faire.
L'idée de
punition suppose ainsi l'évidence ou l'institution d'une morale ou, du moins, d'une forme de légalité.
Quant au
phénomène de la punition en lui-même, il peut revêtir différents sens : allant de l'outil pragmatique de la
disuasion à l'exercice légitime de la justice ou du droit.
Ainsi la question de la punition est sous-tendue par la
problématique de la légitimité de celui qui punit : comment évaluer la juste punition? Comment savoir dans
quelle mesure le criminel savait qu'il faisait mal, était libre face à lui-même de mal faire ou non?
Dégagement de la problématique
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Nous pouvons à présent voir dans quelle mesure soin et punition s'opposent dans la compréhension, et
dans la juste réaction (« faut-il..? ») face au criminel.
Remarquons dès l'abord que notre système pénal, par
exemple, est mixte : il mêle mesures anthropologiques, reposant sur le savoir institué - et reconnu par les
tribinaux – des experts psychiatriques (concept de la circonstance atténuante, de l'irresponsabilité du
malade mental), et mesures juridiques (punition pour un acte prohibé par la loi).
Un système juridique pur
dresserait une stricte équivalence entre acte et punition, c'est-à-dire qu'il ne se poserait pas la question de
la psychologie du crime, de ses causes, de sa nature : en toutes circonstances, pour celui qui passe pour
fou ou malade comme pour celui qui passe pour normal, le même acte appellerait le même châtiment.
Un
système anthropologique pur, au contraire, séparerait radicalement matérialité de l'acte et décision judiciaire
: chaque acte serait pris comme signe de quelque chose de plus profond : le intentions, désirs
éventuellement inconscients, bref, la réalité psychologique du crime.
On s'aperçoit que le « ou » du sujet – faut soigner ou punir un criminel – n'est pas exclusif : l'opposition
n'est pas absolue.
Telle que l'histoire a façonné notre conscience collective – et la rationalité de notre
système pénal – il est manifeste qu'un système purement juridique nous semblerait injuste, démesuré, etc..
(bien voir la profondeur des racines historiques de cette conception; la catéchèse catholique, par exemple, a
théorisé rapidement des notions comme celle de légitime défense – Thomas d'Aquin – de vol légitime – par
exemple un pauvre qui ne pourrait survivre autrement – etc.).
Inversement, un système anthropologique.
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