Faut-il se souvenir du passé ?
Extrait du document
«
Le passé désigne un temps révolu, qui n'est plus, et sur lequel nous n'avons donc aucune prise.
Les temps de
l'action sont par excellence le futur, par lequel nous pouvons développer un projet d'action ainsi que les prévisions
qui permettent de le mener à bien, et le présent, temps dans lequel nous exécutons nos projets.
Dès lors à quoi bon
se souvenir du passé puisqu'il semble nous condamner à la passivité ? Peut-on penser que la connaissance du passé
peut prendre sens parce qu'elle est un devoir, ou bien parce que connaître le passé donne sens au présent ? Pour
répondre à cette question il faut distinguer entre le passé individuel et le passé collectif.
Le passé individuel renvoie
à l'histoire personnelle d'un individu telle qu'elle peut être relatée dans une biographie.
Le passé collectif renvoie à
l'histoire comprise comme la transformation dans le temps des sociétés humaines, par une succession d'événements
et d'états.
Or par essence, l'histoire est un processus contingent et unique qui par conséquent ne se répète pas à
l'identique, car les circonstances d'un événement et ses acteurs sont des entités singulières.
On ne peut donc dire
que l'un des buts de la connaissance du passé collectif soit la prédiction des événements futurs et l'action sur ce
futur.
Mais la connaissance du passé peut puiser sa valeur dans la constitution d'une mémoire collective nécessaire
à la cohésion de toute communauté, et en ce sens elle est constitutive de notre humanité.
De plus sur un plan
individuel, se souvenir du passé ne désigne pas nécessairement un retour passif vers ce qui a été, mais peut au
contraire consister dans de le fait redonner un sens nouveau à ce que nous avons été, à partir de ce que nous
sommes au moment présent.
Ce retour sur le passé à partir de ce que nous sommes permet alors une unification
dynamique de notre personne.
I.
Il faut se souvenir du passé pour constituer une mémoire collective qui cimente la collectivité
L'étymologie du terme histoire renvoie au grec ancien historia, qui signifie enquête.
Dans la mythologie
grecque, l'histoire, Cléio, est la première des muses, filles de la déesse Mnémosyne, qui est la déesse de la mémoire.
Pour les historiens grecs, et notamment pour Hérodote, considéré comme le père de l'histoire, l'histoire consiste à
relater les grands événements dont l'historien est contemporain, afin de les conserver et de les sauver de l'oubli.
L'historien est ainsi le garant de la mémoire collective qui possède une dimension sacrée : il s'agit de pouvoir
célébrer le passé, mais aussi de permettre, par la création de cette mémoire collective, à la conscience collective
de trouver des repères, de se situer par rapport à ses racines, et de commémorer ses grands événements.
Dans
cette conception, la connaissance du passé n'apparaît pas vaine, car son but n'est pas de prédire les événements
futurs, mais de constituer une mémoire commune qui permette de créer la cohérence et l'unité au sein d'un peuple.
On peut ainsi considérer qu'il y a un devoir de mémoire, qui comporte un double enjeu.
Se souvenir d'un événement
comme la Shoah, le massacre de millions de juifs par les Nazis durant la seconde guerre mondiale est une manière
d'honorer leur mémoire.
Mais c'est aussi l'occasion de raviver les valeurs de respect de la personne humaine
auxquelles adhèrent les sociétés démocratiques.
II.
Se souvenir du passé peut être dangereux car cela peut détourner de l'action
Les hommes ont un rapport fondamental au passé à travers l'histoire, car ce sont des êtres de langage qui
en se posant la question du sens de leur vie, réfléchissent à la vie des hommes qui les ont précédé, pour en tirer
des enseignements.
Mais on peut se demander dans quelle mesure ce souci du passé ne peut pas figer les hommes
dans une position de simples conservateurs ne sachant plus faire preuve d'innovation.
Dans Considérations
inactuelles II, Nietzsche examine en quoi l'histoire peut être utile ou nuisible pour la vie telle que les hommes la
vivent au présent.
Or Nietzsche constate que l'action exige l'oubli, de sorte
qu'au-delà d'un degré de sens historien, les peuples perdent leur vitalité.
Cela
ne veut pas dire qu'il faut totalement se détourner de l'histoire, car l'esprit
non historique ne chercherait pas le salut dans un processus car pour lui le
monde est achevé, de sorte que passé et présent sont identiques.
Cette
attitude favorise donc le dégoût de l'innovation et dessert l'action.
Il faut
donc faire de l'histoire mais ne servir l'histoire que dans la mesure où elle sert
la vie, c'est à dire pour vivre
et agir.
En effet l'homme ne devient
véritablement homme qu'en utilisant le passé au bénéfice de la vie pour
refaire de l'histoire en acte.
Mais trop d'histoire le tue et les grandes actions
historiques ne s'accomplissent que dans un état de non historicité.
On voit
donc avec Nietzsche que si les hommes doivent se souvenir du passé
collectif, c'est en ne perdant jamais de vu les impératifs de l'action et leur
capacité de création.
Dans La Généalogie de la morale, Nietzsche a montré que l'oubli n'est pas une
faculté passive qui résulte de l'inertie du psychisme, de ses fatigues ou de sa
faiblesse.
L'oubli est un pouvoir actif d'enrayement.
Il correspond à la phase
de "digestion psychique" des événements, comparable à celle de la digestion
organique des aliments auxquels nous ne pensons plus une fois absorbés.
L'oubli est l'effet d'une assimilation.
C'est un temps mort durant lequel se fait
table rase ou place nette pour les choses nouvelles et plus nobles : "La faculté active d'oubli est une sorte de
gardienne, de surveillante chargée de maintenir l'ordre psychique, la tranquillité, l'étiquette." Des sentiments comme
le bonheur, la
sérénité, l'espérance, la fierté ou la jouissance de l'instant présent ne pourraient exister sans la faculté d'oubli.
Freud de son côté a souligné le caractère vital de l'oubli des événements pénibles et désagréables.
C'est
spontanément que l'inconscient oppose une résistance aux souvenirs d'impressions ou à la représentation d'idées.
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