Faut-il se fier a sa conscience ?
Extrait du document
«
Introduction
La conscience est une notion à plusieurs dimensions.
Elle concerne, d'une façon générale, le fait de savoir.
Son
premier sens signifie d'ailleurs être averti.
La résonance morale de ce verbe est essentielle et ne nous surprend pas.
Nous invoquons notre conscience comme un principe de jugement capable de trancher dans différentes situations.
Elle est alors comparée à une lumière qui guide en montrant la voie à prendre.
Ce pouvoir est même devenu un droit
subjectif à travers l'idée de la liberté de conscience.
Ainsi, demander si nous devons nous méfier des avis rendus au
nom cette autorité est une question troublante.
Elle insinue le doute dans un domaine qui paraît préservé.
Cette
question ne manque toutefois pas de raisons.
L'expérience montre que la sincérité ne met pas forcément à l'abri de
l'illusion.
Il faut expliquer ce phénomène, sans oublier de réfléchir aux leçons à en tirer.
La méfiance doit-elle
entraîner le rejet ? S'agirait-il de perdre la conscience pour se trouver ? Quel autre principe pourrait s'y substituer ?
1.
Conscience et confiance
A.
Un principe de jugement
Comme l'indique le langage courant, être conscient de quelque chose signifie que nous en avons une connaissance.
Scientia veut dire savoir et le préfixe cum ajoute l'idée d'une relation au sein d'une communauté.
Le marxisme parle
d'une « conscience de classe » pour définir la pensée partagée par tous les membres d'un même groupe socioéconomique.
Dans la tradition chrétienne, où ce terme s'est élaboré, ce registre correspond à la vie privée de
chaque individu.
Le secret est ce savoir que l'on ne partage qu'avec soi et que nul ne doit tenter de forcer.
Les
luttes pour la tolérance mettent ainsi en avant la valeur sacrée du for intérieur, ce lieu intime entre tous, dans
lequel l'individu se ressource pour délibérer dans les moments cruciaux.
Victor Hugo en a donné une image
saisissante dans Les Misérables en parlant de « tempête sous un crâne ».
Jean Valjean hésite toute la nuit pour
savoir s'il ira à Arras se dénoncer et sauver un homme que la justice prend pour lui.
Hugo décrit la vie intérieure
comme un abîme sans fond, un infini que chacun porte en soi.
Que dois-je faire ? L'homme qui hésite comparaît
devant sa conscience comme face à un juge suprême.
Les avis des autres sont divers et parfois opposés.
Seule
notre vie intérieure ne saurait tromper.
Ce que nous ressentons au plus profond de notre être a la marque de
l'authenticité.
B.
L'exigence de sincérité
Jean Valjean préfère se dénoncer et retourner au bagne que de vivre libre au prix d'une injustice qui condamne un
innocent.
Il se rend au tribunal étonné par sa propre détermination, comme poussé par une force irrésistible qui lui
fera vaincre les nombreux obstacles le séparant d'Arras.
La conscience morale est un « maître intérieur » dont les
commandements font trouver des ressources insoupçonnées.
Rousseau la compare à « un instinct divin » dont les
préjugés recouvrent malheureusement la voix.
Il est en effet facile de refuser d'écouter sa conscience.
Le monde
extérieur en fournit de nombreux exemples et chacun peut ainsi se rassurer et se dédouaner.
Pascal note finement
que les héros de l'histoire nous touchent plus par leurs défauts que par leurs qualités car c'est ainsi qu'ils nous
ressemblent.
La conscience individuelle est donc un principe de résistance à la puissance du conformisme social.
Les
nécessités de la coopération poussent les hommes à s'imiter et à oublier des impératifs de justice ou de charité.
Le
fait d'être tourmenté est alors le signe d'une valeur irréductible aux normes communes.
Le trouble manifeste un désir
de sincérité qui s'achève dans la pureté d'une décision prise « en conscience ».
[Transition]
Comment se méfier de la sincérité sans passer pour un machiavélique soucieux du résultat au détriment de la qualité
des intentions ? On peut toutefois se demander si elle est nécessairement synonyme de vérité.
2.
Les illusions de la conscience.
»
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