Faut-il se conformer à l'ordre du monde ?
Extrait du document
«
[L'homme n'a aucun pouvoir sur ce qui ne dépend
pas de lui.
Le sage doit librement vouloir vivre selon la nature,
c'est-à-dire se conformer au dessein de la divine
providence, qui agence toutes les choses.]
Nous pouvons commencer l'analyse en partant, à l'instar des stoïciens, de trois affirmations de base peu
contestables : le bonheur serait d'avoir tout ce que je désire ; la liberté, de faire tout ce que je veux ;
l'homme, esclave de ses désirs, n'a ni bonheur, ni liberté.
La folie des désirs.
Mais pourquoi en va-t-il ainsi ? C'est qu'avoir tout ce que je désire et faire tout ce que je veux ne sont pas en
mon pouvoir.
Obtenir tout cela ne dépend pas de moi, mais de circonstances extérieures, de la coopération
d'autrui, de la chance, bref de l'ensemble de la nature.
Par exemple, être aimé ne se commande pas.
Cela
dépend des sentiments d'autrui.
Je peux me mettre en frais pour séduire, mais je ne suis jamais assuré du
résultat, ni de la naissance, ni de la durée d'un amour.
Gagner un combat ne dépend pas davantage de ma
seule décision : je peux m'entraîner le plus possible, mais la victoire dépendra de la force relative de
l'adversaire.
Faire fortune ne découle pas de mon simple désir.
Je peux acheter un billet de loterie, mais je n'ai
pas le pouvoir de faire en sorte qu'il soit gagnant.
C'est le hasard qui en décidera.
Je peux ouvrir un commerce,
créer une entreprise, mais je me livre alors à tous les aléas de l ‘économie.
En poursuivant tout cela, l'amour, la
gloire, la richesse, le pouvoir, je désire des choses que ma volonté et mon pouvoir ne suffisent pas à
m'octroyer, mais qui dépendent de l'ordre général de l'univers.
C'est donc, semble-t-il, pure folie que d'y faire
tenir mon bonheur.
Sauf à être particulièrement favorisé par le sort, j'ai de forces chances de ne pas tout
obtenir, d'être dès lors frustré et malheureux.
La sagesse serait donc de limiter mes désirs à ce qui dépend de
moi, à ce que je suis certain de pouvoir posséder et conserver.
C'est précisément ce que disent les penseurs
stoïciens.
Mais qu'est-ce qui dépend de moi ? Qu'est-ce qui est en mon pouvoir ?
Ce qui dépend de moi.
Mon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature ou les lois juridiques.
Quant à mon
pouvoir de faire réussir mes actions, il est quasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde,
ou encore de la chance.
En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolument certain d'être encore vivant demain
ou tout à l'heure.
Tant de choses peuvent arriver…
En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai un pouvoir absolu : c'est ma volonté.
Moi seul décide de ce que je veux.
Par exemple, si je ne veux pas aller à un endroit, on peut m'y contraindre
par la force, mais on n'aura pas pu changer ma volonté.
Je découvre, par cette réflexion, que je possède,
comme chaque homme, une volonté absolument libre, ou encore un libre-arbitre, comme disent les philosophes.
Je dispose donc d'un domaine de pouvoir et de liberté, qui est tout intérieur à moi-même.
Le secret du bonheur.
A partir de ce constat, je peux raisonner de la façon suivante :
_ certes, je n'ai pas le pouvoir de faire tout ce que je veux ;
-
mais je peux choisir librement ce que je veux ;
donc, je peux ne vouloir faire que ce que je peux faire, ou ce que je suis en train de faire (je peux
limiter ma volonté à mon pouvoir) ;
-
dès lors, je fais exactement ce que je veux ;
-
donc, selon la définition, je suis libre, pleinement.
La liberté intérieure de ma volonté assure, si j'en use bien, la liberté extérieure de tout mon être..
»
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