Faut-il renoncer à nos désirs impossibles ?
Extrait du document
«
Le désir a été pendant longtemps désigné comme un ennemi par les philosophes.
En effet, sa nature est
contradictoire, le désir est la recherche d'un objet que l'on imagine source de satisfaction, mais il est donc
accompagné de souffrance, d'un sentiment de manque ou de privation.
De plus, si l'on en croit Schopenhauer et
d'autres avec lui, le désir semble refuser la satisfaction, puisqu'une fois assouvi, il s'empresse de renaître pour un
autre objet.
Un désir impossible est donc un désir qui porte sur un objet( au sens large, peut vouloir dire un état, une
possession,...) inaccessible.
Je peux par exemple désirer être un oiseau( voir le film Birdy) et ce qui est logiquement
et réellement impossible.
Dès lors, si on sait que l'objet de notre désir est inaccessible, pourquoi s'engager dans une souffrance sans fin?
surtout si une fois assouvie, la satisfaction sera brève et fera place très rapidement à un autre désir.
Mais peut-on
influer sur un désir? Faut-il ne voir qu'une négativité? Le désir pour une chose même impossible, comme être un
oiseau ne peut-il pas produire des actions pour parvenir à un but proche?
1.
Le désir impossible entraîne une vie de souffrances
Désirer un objet inaccessible, c'est s'engager dans une vie de souffrances et de privation puisque le sujet mettra en
place des pratiques coûteuses pour lui, dans la vue d'atteindre cet objet impossible.
Comme dans le cas, de la
recherche du bonheur défini par Kant comme impossible, l'homme s'épuise dans cette quête infinie.
De plus, désirer un objet impossible, c'est donc se vouer à vouloir en permanence un objet absente et c'est
s'empêcher d'apprécier le présent et ce qui est présent.
Désirer, c'est se priver du bonheur de l'instant, mais le désir
impossible donne conscience à l'homme de la misère de sa condition et de son existence.
Dès lors, on peut se demander si désirer un objet inaccessible, ce n'est pas se condamner soit à la souffrance, au
manque perpétuel, soit à accomplir des actions déraisonnables.
En effet, si le désir se transforme en passion, il peut mettre à l'écart la raison et accomplir des actions nuisibles à
lui-même et aux autres.
Pourtant, on peut se demander si on peut renoncer au désir.
On peut en effet renoncer au moyen d'atteindre
l'objet, mais non pas renoncer au désir.
2.
On ne peut renoncer à un désir, puisqu'il est inaccessible à la raison
On peut se dire que le désir n'est pas l'expression d'un manque radical, d'un espoir de plénitude que la vie refuse.
Ainsi, pour Platon, le désir est la marque de l'homme.
Sartre y voit de même l'expression même de la finitude
humaine.
Le désir est alors au coeur même de l'homme et il n'est pas sûr qu'on puisse renoncer au désir, qu'on n'est
prise sur lui.
"L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin." Bachelard, Psychanalyse du feu.
On peut lire dans l'Éthique III.
, Scolie, prop 9: "Le Désir est l'appétit avec conscience de lui-même", ou, selon la
traduction " le Désir est l'appétit accompagné de la conscience de lui-même"
Comprendre que la seule différence entre appétit et désir c'est que le désir s'apparaît à lui-même: réduire ainsi le
désir à l'appétit c'est l'inscrire dans une nature, dans un donné qui l'essence de l'homme et sur lequel la volonté se
brisera: elle ne pourra le modifier, elle le subira.
L'homme n'est donc pas libre de désirer ou de ne pas désirer parce que le désir est son essence, c'est un destin...
L'individu dès lors, ne peut pas décider de renoncer à son désir impossible, de choisis un autre objet de désir...
Mais
ne peut-on voir dans le désir que du négatif, un fait subi par l'homme?
3.
Le désir est positif, il est créateur
Spinoza est sans doute le premier à avoir revaloriser le désir.
Pour lui, le désir
est créateur de valeur.
Il renverse la conception traditionnelle, l'objet ne
préexiste pas au désir, c'est le désir qui le crée, lui attribue une valeur
positive.
Il écrit, dans Ethique III, que nous ne désirons pas une chose parce
qu'elle est bonne, mais nous la jugeons bonne, parce que nous la désirons.
C'est pourquoi nous pouvons considérer avec Spinoza que: "«Nous ne nous
efforçons à rien, ne voulons, n'appétons ni ne désirons aucune chose parce
que nous la jugeons bonne; mais, au contraire, nous jugeons qu'une chose
est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et
désirons.»
Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne mais nous
la jugeons bonne parce que nous la désirons.
Le désir produit ses objets et
n'est pas produit par eux.
Spinoza opère une véritable révolution
copernicienne en invalidant la thèse (platonicienne) d'une objectivité absolue
des valeurs.
Les choses ne sont pas bonnes en elles-mêmes, pour ellesmêmes, mais relativement à notre désir et à notre constitution.
Pourquoi les hommes intervertissent l'ordre des choses ? Pourquoi tiennent-ils
la représentation d'une fin jugée bonne comme cause première du désir ?
Réponse: comme pour l'illusion du libre-arbitre, par ignorance des causes du
désir.
L'illusion est le fruit d'une conscience partiale, partielle qui se croit totale..
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