Faut-il renoncer à l'idée que l'homme a une nature ?
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Introduction :
Michel Foucault disait des sciences humaines qu'elles avaient signé la « mort de l'homme », en effet en expliquant l'homme comme un objet soumis à des
déterminismes de toutes sortes, les sciences ont ramené l'homme au niveau de tout objet de la nature et ont tué l'idée de l'homme surnaturel.
L'idée que l'homme a une nature implique qu'il agit, existe, se comporte, conformément à cette nature.
C'est pourquoi ramener l'homme à un objet de
science, c'est-à-dire à un objet naturel, c'est lui ôter sa transcendance vis-à-vis de la nature.
Mais d'autre part, la nature peut aussi signifier l'essence, c'est-à-dire la réalité profonde et propre à l'homme, dans ce contexte, on peut dire que l'homme
se distingue de la nature physique, mais ayant une nature, une essence, il agira toujours selon sa nature.
C ette idée pourra permettre à certains de dire que
l'homme étant une créature qui doit racheter ses péchés, il devra exister, agir, selon certains préceptes par rapport à cette nature, l'idée que l'homme a une
nature rejoint alors les discours religieux et idéologiques et risquent parfois d'être un moyen d'asservissement.
Il semblerait donc plus prudent de renoncer à l'idée que l'homme a une nature, elle est dangereuse pour l'homme lui même.
C ependant, l'idée d'une nature de l'homme, qu'elle soit philosophique, religieuse ou scientifique a une grande valeur heuristique, elle permet de comprendre
ce qu'est l'humanité.
Tous ces discours ne sont pas voués à un hermétisme et à un réductionnisme dogmatique, les différentes idées sur la nature de
l'homme nous permettent de nous comprendre nous-mêmes et de comprendre autrui.
Il convient donc de se demander s'il faut renoncer à l'idée que l'homme
a une nature.
Problématique :
L'homme est très complexe, lui assigner une nature ce serait peut être faire abstraction de sa richesse réelle et ce serait nier sa liberté, néanmoins, faut il
pour cela empêcher toute enquête sur la nature humaine ?
I : D'où vient l'idée que l'homme a une nature ?
1)
Une idée métaphysique : la question de savoir si l'homme appartient à la nature en général ou si il a une nature propre est d'ordre métaphysique.
Les métaphysiques dites « monistes » (l'atomisme antique d'Empédocle ou d'Epicure) considèrent qu'il n'y a qu'une nature et que tout ce qui existe
fait partie de cette nature, l'homme n'y échappe pas et n'a donc pas de nature (au sens d'essence) propre.
Les métaphysiques dualistes au contraire
opposent généralement le corps et l'esprit, l'homme appartient à la nature par le corps mais s'en distingue par son esprit, dans ce cas on peut dire
que l'homme a une essence propre en tant que composé de corps et d'esprit.
2)
Une idée théologique ou religieuse : cette essence de l'homme peut être le signe d'un destin ; si l'homme est plus que son corps, il survit à sa mort
physique, la théologie et les religions nous donnent des interprétations sur ce que pourrait être le destin de l'âme après la mort (question dite
« eschatologique »).
Il faut donc pour ces discours religieux et théologiques que l'homme ait une certaine nature.
3)
Une idée scientifique : si la métaphysique dualiste débouchait sur une eschatologie, en revanche, la métaphysique moniste peut déboucher sur
l'idée d'une compréhension scientifique de l'homme.
Si comme le dit Spinoza, « l'homme n'est pas un empire dans un empire », l'homme obéit aux
mêmes lois que tout être naturel.
C 'est à, la science de connaître ces lois.
A partir de cette idée, on peut développer une médecine scientifique, et
surtout des sciences humaines : psychologies, sociologie, histoire, qui tentent d'expliquer les phénomènes proprement humains.
II : En quoi cette idée est elle problématique ?
1)
Le sujet (par opposition à l'objet) : Sartre parle de « l'irréductibilité de la subjectivité humaine », l'homme est avant tout un sujet qui décide de ses
actes et par là de son existence, il n'est définissable que comme une personne qui est (selon la définition de Hegel,) la série de ses actes.
C 'est
pourquoi Sartre peut dire que « l'existence précède l'essence », autrement dit, l'homme n'a pas de nature sinon celle de s'inventer lui même.
2)
La nature enveloppe un destin : comme on l'a vu avec la question eschatologique, une certaine nature, c'est un certain destin pour l'homme.
La
nature de l'homme est comprise comme une essence qui définit une existence possible, définir la nature de l'homme c'est définir un certain champ de
possibilités compatibles avec cette nature et par là lui assigner un destin.
Par exemple, si l'homme est « animal social » son destin est de vivre en
société ; mais alors doit on dire que le solitaire est un malade, l'asocial un monstre ?
3)
Le pouvoir que donne l'idée d'une nature de l'homme : si la nature enveloppe un destin, celui qui définit l'homme d'une certaine façon et qui a du
pouvoir sur lui en fait un esclave.
C elui qui est capable de définir l'autre en fait un objet, quelque chose d'explicable, d'anticipable par rapport à sa
nature.
Selon l'expression de Sartre, il le fait tomber en nature », c'est-à-dire qu'il le déloge de sa position de sujet inventant ses actes pour en faire
un objet déterminé.
Il est d'ailleurs facile de voir que dans les sociétés qui tolèrent l'esclavage il y a des castes, les esclaves sont considérés
comme étant d'une autre nature que la caste dominante.
Il convient donc de se méfier des discours politiques définissant l'homme d'une certaine
façon, l'idée de la nature de l'homme qu'ils donnent est une façon d'asseoir leur pouvoir.
III : Ne pas renoncer mais avancer avec prudence.
1)
Le principe de précaution : bien que les sciences semblent parfois menacer l'humanité de l'homme, il faut distinguer la recherche scientifique des
applications qui en sont tirées.
Le principe de précaution est un principe juridique qui consiste à retarder l'adoption de mesures qui pourraient
déboucher sur des dommages graves.
Il faut distinguer la recherche de l'application des connaissances, ce principe doit il s'appliquer à la
recherche ? Par exemple, actuellement, la question se pose à propos de la manipulation du génome humain : elle est interdite, cependant cette
interdiction freine les recherches, ne pourrait on pas autoriser la manipulation du génome dans le cadre du laboratoire ?
2)
Les bénéfices de la connaissance de l'homme : la connaissance de la nature de l'homme apporte des bénéfices flagrants en médecine, elle permet
aussi au politique d'améliorer les mesures sociales.
La connaissance scientifique ne progressant qu'en formulant des hypothèses ou idées sur la
nature de l'homme, il semble qu'il serait néfaste de renoncer à ces idées.
3)
Le respect : on peut avoir une certaine idée de la nature de l'homme sans pour autant réduire violement autrui à un objet, l'idée d'une nature de
l'homme n'anéantit pas le respect, elle peut au contraire être considérée comme une tentative pour comprendre autrui.
Dire que l'homme appartient à
la nature ne signifie pas qu'on doit le traiter comme une pierre ou une chaussure : la nature de l'homme se révèle si complexe que la science devient
un motif d'émerveillement devant l'homme.
Conclusion :
L'idée que l'homme a une nature semble mettre en péril celle selon laquelle il est un sujet libre qui échappe à la nature ; En suivant ce raisonnement, on
devrait renoncer à l'idée de nature de l'homme pour préserver cette liberté.
Mais définir l'homme comme sujet, c'est faire de la subjectivité la nature de
l'homme, c'est encore lui donner une nature.
L'enjeu derrière tout cela est surtout la crainte vis-à-vis des progrès de la recherche scientifique qui menacent
peut être une certaine humanité de l'homme comme être surnaturel, mais la même idée de l'homme pourrait justifier la recherche scientifique sur l'homme :
l'homme n'a rien à craindre des sciences qui le prennent pour objet puisqu'il est toujours au-delà de tout objet.
Le danger réside en fait dans l'utilisation de
l'idée de la nature de l'homme dans le discours politique et idéologique et de l'utilisation des découvertes sur la nature humaine..
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