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Faut-il renoncer à connaître le vivant ?

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La seconde caractéristique des êtres vivants est qu’ils apparaissent comme des « machines qui se construisent elles-mêmes ». En effet, il existe chez les êtres vivants des processus d’auto construction, d’autoréparation, comme la cicatrisation d’une blessure, par exemple. C’est ce que Jacques Monod nomme la morphogenèse autonome. Enfin, l’invariance reproductive, constituant le dernier caractère spécifique du vivant, désigne le pouvoir de reproduire, de génération en génération, l’information génétique correspondant à la structure, très complexe, de l’être vivant. L’universalité du code génétique constitue une propriété étonnante des êtres vivants. On pourrait objecter que la biologie mécaniste n’est toutefois pas entièrement convaincante dans la mesure où l’on ne peut comprendre, dans ce cas, comment se produit une évolution créatrice, c’est-à-dire comment l’information transmise peut s’accroître et se complexifier au cours du temps.

« La biologie, qui s'occupe de la connaissance du vivant, occupe une place à part parmi les sciences ; en effet, elle n'a obtenu que tardivement le statut de science expérimentale et, de nos jours encore, elle est souvent assimilée à une simple branche de la chimie, le vivant menaçant d'être réduit à de simples réactions physicochimiques.

Le vivant ne peut-il donc se différencier de l'inerte ? Existe-t-il une spécificité du vivant qui justifie la revendication de la biologie comme science à part entière ? Si oui, comment peut-on le définir, qu'est-ce qui le caractérise ? Devons-nous chercher à élaborer un modèle afin de connaître le vivant, ou au contraire « faut-il », c'est-à-dire est – il nécessaire d'y renoncer, donc d'abandonner ? La biologie cherche en effet à acquérir en ce qui concerne le vivant une connaissance fondée, rationnellement valable, et pour cela nécessairement objective afin d'être universelle.

Mais une connaissance de ce genre du vivant est-elle seulement possible ? La diversité du vivant, ses caractéristiques, ne se posent-t-ils pas comme autant d'obstacles à une telle connaissance ? Est-elle seulement possible, puisque les propriétés des êtres vivants semblent venir contredire le postulat d'objectivité ? Enfin, une telle connaissance soulève non seulement un scandale épistémologique mais aussi de nombreux problèmes d'éthique : peut-on connaître le vivant sans le dénaturer ? En effet, la biologie, pour connaître le vivant, suppose une intervention : observation, expérimentation.

De même, plus notre connaissance du vivant s'accroît, et plus notre pouvoir d'agir sur lui est grand : les possibilités de la biologie actuelle – maîtrise de la reproduction, modification de notre patrimoine génétique, création d'espèces nouvelles - inquiètent ainsi l'opinion commune qui craint l'exercice abusif de ces pouvoirs.

Alors avons-nous le droit, en tant qu'êtres vivants, de chercher à connaître le vivant ? Ne faut-il pas, n'est-il pas de notre devoir, dans ce cas, d'y renoncer ? La première question qu'il nous faut sans doute nous poser est : qu'est-ce que qu'est le vivant ? Bien qu'elle semble simple, la réponse en est certainement plus complexe que ce que l'on pourrait croire de prime abord.

En effet, il faut tout d'abord sans doute s'interroger sur ce qui caractérise le vivant, fait sa spécificité, tout ce justifie la recherche d'une telle connaissance et donc la revendication de la biologie comme science. Deux philosophies biologistes s'opposent en ce qui concerne le vivant, le mécanisme et le vitalisme.

Le mécanisme, qui semble l'emporter, utilise pour tenter de comprendre l'être vivant le modèle de la machine ; cette théorie des animaux-machines, instaurée par Descartes, non seulement compare le corps de l'animal et celui de l'homme à des machines, mais va même jusqu'à dire que ces corps sont des machines, où tout doit s'expliquer par figures et mouvements.

Certains, comme La Mettrie, vont jusqu'à dire que l'être humain est une machine ! Cette vision semble réductrice et très sévère, cependant il est vrai que le modèle de la machine s'applique assez bien au vivant dans ces formes élaborées ; la réussite des machines, notamment avec l'intelligence artificielle, nous montre qu'elles sont capables de plus que ce que l'on imaginait.

Les progrès de la technologie sont si rapides qu'on ne peut à présent manquer de faire une analogie entre machines et êtres humains, ou animaux.

Les écrivains de sciencefiction, les cinéastes, imaginent déjà un monde où adviendrait la suprématie de la machine, ainsi que l'illustre le film devenu célèbre « Matrix » des frères Wachowski.

Descartes, il est vrai, s'est trompé dans le détail de ses explications : ainsi, il pense que c'est la dilatation du sang par échauffement et non la contraction des parois du cœur qui rend compte de la circulation ; pourtant, le modèle cartésien annonce les progrès de la science future, puisqu'on découvre sans cesse des déterminismes physico-chimiques et donc une victoire du mécanisme sur le vitalisme, ce dernier expliquant les fonctions organiques par un mystérieux principe vital spécifique. Ce modèle mécaniste présente toutefois des limites car il ne rend pas compte de la construction des machines, qui pourtant reste un enjeu essentiel, ne s'expliquant pas sans la finalité.

Descartes exclut la finalité de l'étude du vivant mais la réintroduit à un autre endroit ; et peut-on réellement se passer de la finalité dans cette étude ? N'est-ce pas là un défi impossible à réaliser ? De plus, le modèle de la machine présente d'autres difficultés.

Par exemple, il semble impossible que le vivant tolère les monstres, car une machine monstrueuse ne fonctionnerait pas. C'est donc que le vivant a quelque chose de plus que la machine, quelque chose qui fait sa spécificité, sa complexité, à tel point que les biologistes n'ont pas encore trouvé de modèle pour comprendre l'être vivant, et que ce dernier reste encore, à bien des égards, un véritable mystère.

Le vivant tolère les erreurs, comme s'il tâtonnait, procédait par essais.

C'est sans doute une des choses qui le rend si dur à comprendre.

Il y a un véritable mystère de l'être vivant qui semble trop complexe pour que nous puissions l'appréhender. Cependant, on peut se demander ce qui caractérise le vivant.

En effet, les êtres vivants sont si divers qu'il semble difficile de trouver parmi eux des caractéristiques universelles, distinctives des êtres vivants, ainsi que le souligne François Jacob dans La souris, la mouche et l'homme : « il faut beaucoup d'ingéniosité […], beaucoup de connaissance acquise contre toute évidence sensible, contre toute intuition, pour en arriver à trouver, derrière l'extrême variété des formes vivantes, une communauté de propriétés », souligne-t-il.

Pourtant, ces êtres vivants présentent des caractères spécifiques, constituant au sein de la nature « d'étranges objets », ainsi que l'exprime. »

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