Faut-il redouter l'avenir?
Extrait du document
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Analyse du sujet :
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Il s'agit d'interroger une nécessité (« Faut-il »)
Cet impératif porte sur une certaine attitude : « redouter », qui renvoie à une méfiance mêlée de crainte.
Quelque chose est redoutable dès lors qu'il représente une menace dont il s'agit de se prévenir.
Il faudra ainsi se demander quel danger rend l'avenir redoutable si tant est que celui-ci est, comme le pense
Augustin, un « néant » (seul le présente possède une certaine réalité).
En effet, pourquoi l'avenir devrait-il nous
alerter et s'il est redoutable, est-il pour autant nécessaire de le craindre ? Ne faut-il pas au contraire affronter le
danger au lieu de se décourager et se laisser submerger par l'émotion ?
Enjeu : quelle attitude adopter face au temps à venir, c'est-à-dire quelle réaction convient vis-à-vis
d'évènements qui ne sont pas encore.
Prudence ou indifférence ? Méfiance ou foi ? Crainte ou désir ?
Problématique : Il semble de prime absurde de s'inquiéter d'évènements qui ne sont pas encore : l'impatience ne
précipite pas le cours du temps qui est indépendant de nous.
Pourtant, on sait aussi que le temps n'a d'impact que
dans la mesure où nous ne faisons rien pour contre carrer ses coups.
Ainsi on peut se demander s'il ne faut pas
redouter l'avenir de manière à s'y préparer, à anticiper.
Pourtant, s'alarmer à propos de choses qui ne sont pas
encore ne risque-t-il pas de nous détourner du présent qui est lui bien réel ? Dans quelle mesure est-il alors
nécessaire de redouter l'avenir ? Mais si l'actualité doit nous préoccuper davantage que l'avenir (qui est un nonêtre) est-ce pour autant que l'on doive vivre absorbé par le seul instant ? Mais comment redouter l'avenir sans le
craindre, c'est-à-dire être à même de le prévoir sans s'en inquiéter au point d'oublier le présent ?
1-
REDOUTER L'AVENIR N'A PAS DE SENS : LE NON- ÊTRE NE SAURAIT NOUS INQUIÉTER
a)
seul le présent est réel
Dans le livre XI des Confessions (ch.
XVIII), Augustin fait remarquer que, d'un point de vue ontologique, ni le
passé, ni l'avenir n'ont de réalité : ils n'existent que s'ils sont pensés présentement.
Seul le présent est réel pour
autant que lui seul est à même de donner une réalité au temps : passé et avenir sont inexistence, ne sont rien,
sans une conscience actuelle qui les pense.
Ainsi l'avenir ne vient à l'être qu'une fois rendu présent soit par la préméditation (le projet d'agir) soit par
l'action projetée en tant qu'elle se réalise : « nos actions à venir sont l'objet d'une préméditation ; celle-ci est
présente alors que l'acte prémédité n'existe pas encore, puisqu'il est à venir : mais une fois lancée et entreprise
l'action préméditée, alors elle existera, n'étant plus du futur, mais du présent ».
b)
l'avenir n'est pas une menace pour qui sait vivre bien l'instant présent
On voit donc que redouter l'avenir serait s'inquiéter à propos d'un non-être.
Le temps à venir ne représente aucune
menace.
Ainsi, pour les épicuriens, l'écoulement du temps en tant que passage du présent à l'avenir, a un faible
statut ontologique si bien que les modifications ou accidents qui surviennent aux corps n'ont de réalité que celle que
nous leur concédons.
Il suffit ainsi de cesser de craindre l'avenir pour que celui-ci devienne ce qu'il est, c'est-à-dire
un non-être.
Nous avons donc prise sur le cours des évènements ; cet empire consiste à modifier notre sentiment à
l'égard du temps, c'est-à-dire à élargir le temps de la présence des plaisirs = intégrer dans l'actualité vécue les
plaisirs passés au lieu de poursuivre sans relâche la satisfaction de ses désirs.
En effet, qu'est-ce que redouter
l'avenir sinon s'inquiéter, désirer, la présence d'une chose absente, et souffrir de ce manque ? Les épicuriens
préconise ainsi de faire advenir à la présence tout ce que la vie a pu contenir de positif (et reléguer dans l'oubli tout
ce qui fût mauvais)
Transition :
Il est absurde de redouter l'avenir : celui-ci n'est rien.
Ce qu'il faut faire, c'est modifier la pensée que nous en
avons : au lieu de s'inquiéter et de se languir dans l'absence (de ce qui est à venir et qui n'est donc présentement
Rien), il faut faire être ce qui fût plaisir et joie.
Cependant 2 difficultés :
La fuite, le mouvement, le changement caractérisent l'écoulement du temps (malgré tous nos efforts pour
retenir les plaisirs passé par la pensée) : l'instant n'est rien qu'un point fuyant.
A supposer que l'avenir ne nous soit pas redoutable, faut-il pour autant s'en détourner ? Que vaut une vie
toute entière absorbée par le présent ? Une telle vie ne se réduirait-elle pas à n'être qu'un écoulement
incessant de moments tous déliés ( = sans durée) ?
Autrement dit, il faut maintenant envisager que redouter l'avenir n'est pas simplement le craindre, mais aussi s'y
préparer.
2-
IL EST NÉCESSAIRE POUR BIEN AGIR DE REDOUTER L'AVENIR
a)
La conscience d'être fini
L'animal craint-il l'avenir ? Est-il seulement capable de se le représenter ? Comme le dit Nietzsche, la bête ne
vît que l'instant présent ; il y n'existe pour elle qu'un éternel « il y a » (Seconde considération inactuelle, ch.
1).
Par conséquent, l'avenir nous apparaît comme redoutable dès lors que, au contraire des bêtes, nous sommes
capables de prendre conscience de notre finitude.
Il ne peut y avoir de sentiment à l'égard de l'avenir que pour un
être qui sait qu'il va mourir et que rien ne demeure : l'écoulement du temps (menant à l'inéluctable destruction de ce
qui est, de l'être actuel) ne peut donc absolument pas être éludé..
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