Faut-il préférer l'activité politique à l'activité philosophique ?
Extrait du document
«
Faut-il préférer l'activité politique à l'activité philosophique ?
Analyse du sujet :
-En grec ancien, la « polis », c'est la cité, autrement dit, l'espace de vie commun entre hommes d'un même espace géographique.
L'activité politique, c'est donc tout ce qui se rapporte à la gestion de la Cité, cet espace de vie commun, en société.
Elle est bien souvent concentrée entre les mains d'un
nombre réduit de citoyens qui ont été désignés par l'ensemble des citoyens pour les administrer.
Le sens du terme « Cité » ayant évolué, l'activité politique se réfère de nos jours non plus à la gestion d'une « cité » mais à celle de l'Etat en général.
-L'activité philosophique pourrait être définie comme la production de discours rationnels (Logos en grec) dont l'objectif est de répondre à des problèmes précis posés
explicitement et touchant à tout ce qui dans la nature humaine, la transcende.
L'activité philosophique érige la raison comme moyen d'accès à la vérité.
Chez les premiers philosophes notamment, la philosophie prétend au range de science suprême
en tant qu'elle est en quête de l'absolu, de ce qui surpasse toute science et toute connaissance, puisqu'elle cherche par le logos à atteindre l'essence des choses et de la vie.
Problématique
Le politique gère de façon pratique la vie de la Cité, il est dans l'action pragmatique ; le philosophe est en retrait, puisqu'il est dans la réflexion.
Mais l'activité politique
est-elle seulement technique, ne nécessite pas réflexion ? En ce sens, laquelle des deux a la prééminence sur l'autre, activité politique ou activité réflexive philosophique ?
Esquisse de plan
1.
L'activité politique se fonde dans la théorie :
Pour Platon, l'activité politique suppose un savoir théorique.
Nous vous avons formés dans l'intérêt de l'État comme dans le vôtre pour être ce que sont les chefs et les rois dans les ruches : nous vous avons donné une éducation
meilleure et plus parfaite que celle de ces philosophes-là, et nous vous avons rendus plus capables d'allier le maniement des affaires à l'étude de la philosophie.
Il faut
donc que vous descendiez, chacun à votre tour, dans la commune demeure et que vous vous accoutumiez aux ténèbres qui y règnent : lorsque vous serez familiarisés
avec elles vous y verrez mille fois mieux que les habitants de ce séjour, et vous connaîtrez la nature de chaque image, et de quel objet elle est l'image, parce que vous
aurez contemplé en vérité le beau, le juste et le bien.
Ainsi le gouvernement de cette cité [...] sera une réalité et non pas un vain songe, comme celui des cités actuelles,
où les chefs se battent pour des ombres et se disputent l'autorité qu'ils regardent comme un grand bien.
Voici là-dessus quelle est la vérité : la cité où ceux qui doivent
commander sont les moins empressés à rechercher le pouvoir, est la mieux gouvernée et la moins sujette à la sédition, et celle où les chefs sont dans des dispositions
contraires se trouve elle-même dans une situation contraire.
Platon
Pour Platon, donc, seuls les philosophes non avides de pouvoir devraient être autorisés à exercer une activité politique.
En ce sens, la philosophie aurait la prééminence
sur la politique.
Mais laditeactivité philosophique suppose une attitude critique envers l'opinion et les habitudes : une capacité à remettre en question ce qui apparaît comme normal.
En ce
sens, elle est un danger pour le politique, puisqu'elle est capable par ses seules remises en question de renverser des idées reçues et l'ordre politique étable ; de remettre en
question de fondement de l'activité politique et le fondement du pouvoir.
Comment un être humain, imparfait par essence, peut-il à lui seul incarner des idéaux absolus ?
De quel droit peut-il justement y prétendre ? Le pouvoir politique est-il vraiment légitime ?
2 .
Le politique fuit la philosophie et c'est là la seule condition de survie de l'Etat et de possibilité de son administration :
Selon Machiavel, la politique est un art pratique, un savoir–faire à acquérir en vue d'obtenir et de conserver le pouvoir et uniquement dans ce but.
Il n'y a pas d'idéal en
politique, seulement une pratique de l'exercice du pouvoir.
La politique est du ressort de la technique, il n'y a donc pas lieu de l'examiner « sous les rapports de la justice et
de la morale ».
Il n'est pas bien nécessaire qu'un prince les [bonnes qualités] possède toutes, mais il l'est nécessaire qu'il paraisse les avoir.
J'ose même dire que s'il les avait
effectivement, et s'il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu'il lui est toujours utile d'en avoir l'apparence.
Il lui est toujours bon, par
exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère ; il l'est même d'être tout cela en réalité : mais il faut en même temps qu'il soit assez maître de lui pour
pouvoir en savoir au besoin montrer les qualités opposées.
On doit bien comprendre qu'il n'est pas possible à un prince, et surtout à un prince nouveau, d'observer dans
sa conduite tout ce qui fait que les hommes sont réputés gens de bien, et qu'il est souvent obligé, pour maintenir l'État, d'agir contre l'humanité, contre la charité, contre
la religion même.
Il faut donc qu'il ait l'esprit assez flexible pour se tourner à toutes choses, selon que le vent et les accidents de la fortune le commandent : il faut que
[...] il ne s'écarte pas à la voie du bien, mais qu'au besoin il sache entrer dans celle du mal.
Il doit aussi prendre grand soin de ne pas laisser échapper une seule parole
qui ne respire les cinq qualités que je viens de nommer ; en sorte qu'à le voir et à l'entendre on le croie tout plein de douceur, de sincérité, d'humanité, d'honneur, et
principalement de religion [...] : car les hommes, en général, jugent plus par leurs yeux que par leurs mains, tous étant à portée de voir, et peu de toucher.
Tout le
monde voit ce que vous paraissez ; peu connaissent à fond ce que vous êtes, et ce petit nombre n'osera point s'élever contre l'opinion de la majorité, soutenue encore par
la majesté du pouvoir souverain.
Au surplus, dans les actions des hommes, et surtout des princes, qui ne peuvent être scrutées devant un tribunal, ce que l'on considère,
c'est le résultat.
Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s'il y réussit, tous les moyens qu'il aura pris seront jugés honorables et loués par
tout le monde.
Le vulgaire est toujours séduit par l'apparence et par l'événement : et le vulgaire ne fait-il pas le monde ?MACHIAVEL
En ce sens, l'exercice du pouvoir est arbitraire et non pas légitime ; chercher sa légitimité comme la philosophie serait tentée de le faire est même nuisible au bon
gouvernement de l'Etat.
3 (conclusion).
Loin de s'exclure l'une l'autre, activités politique et philosophique vont de pair dans une démarche opposée :
L'activité philosophique traite de ce qui doit être ; l'activité politique traite de ce qui est.
La philosophie peut être une lumière pour le politique, une aide conséquente, les
deux activités n'étant pas incompatibles ; mais elles sont indéniablement à dissocier l'une de l'autre en tant que la première est dans la réflexion, quand la seconde est
tournée vers l'action.
Toutes deux sont indispensables, et l'une ne peut se passer de l'autre ; mais elles relèvent de compétences totalement opposées, de sorte qu'aucune
n'est préférable à l'autre et qu'elles n'ont de valeur qu'à la condition de se référer l'une à l'autre..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Faut-il préférer la vérité au bonheur ?
- ARISTOTE: «Comme la politique utilise les autres sciences pratiques, qu'elle légifère sur ce qu'il faut faire et éviter, la fin qu'elle poursuit peut embrasser la fin des autres sciences, au point d'être le bien suprême de l'homme.»
- Faut-il faire de la politique ?
- Que faut-il entendre par égalité civile et politique en démocratie ?
- Faut-il préférer l'injustice au désordre ?