Faut-il préférer la recherche du bonheur à la recherche de la vérité ?
Extrait du document
«
Problématique
L'adage « heureux les simples d'esprit » semble avertir celui qui l'entend que la connaissance correspond
souvent à la perte d'une innocence.
Se trouve ainsi placés en opposition le bien-être de celui qui ignore et les
difficultés de celui qui sait.
Ne faut-il en effet pas préférer une illusion sans repères ni connaissance du vrai,
comme par exemple lorsqu'un médecin cache la vérité à un patient condamné par une maladie, plutôt que de
savoir et désespérer devant une vérité qui affronte l'individu à une réalité inconfortable à laquelle il doit dès
lors se confronter sans pouvoir la changer ?
La question « faut-il préférer le bonheur à la vérité ? » s'avère en ce sens très problématique puisqu'elle
propose de voir les rapports entre bonheur et vérité sur le mode d'une contradiction qui ne va pas de soi.
Peut-on en effet considérer qu'un état de bien-être durable de l'homme passe nécessairement par l'absence
d'une adéquation entre ce qu'il pense et ce dont il a conscience d'une part, et ce qui est réel et existe
objectivement d'autre part ? Une telle contradiction est problématique dans la mesure où elle suppose que
l'analyse subjective de soi s'écarte par principe d'une évaluation objective et universalisable qui rende compte
réellement de la situation d'un homme.
Il s'agira ainsi tout d'abord de comprendre en quel sens l'avis que peut émettre un homme sur lui-même peut
s'écarter du vrai et conditionner le bonheur à un manque de sincérité et d'objectivité.
Nous nous efforcerons
toutefois de contester la pertinence d'un tel constat pour montrer que le bonheur dépend tout au contraire
d'une lucidité existentielle qui ne passe pas tant pas le contentement béat que par l'honnêteté vis-à-vis de
soi-même.
Plus profondément enfin, nous tenterons de montrer que cette opposition entre bonheur et vérité
est elle-même réductrice, puisque la vérité n'est, au yeux d'un individu, jamais une donnée objective que l'on
préfèrerait au contentement, mais doit être plutôt vue comme une conviction subjective qui participe à la
construction du bonheur.
[Toute l'activité humaine a pour but le bonheur, y compris la recherche de la vérité.
La quête du bonheur
est universelle et tous les autres biens, y compris la vérité, lui sont subordonnés.
Être heureux est un but,
tout le reste n'est qu'un moyen d'y parvenir.]
Le bonheur est le souverain bien
"Tous les hommes recherchent d'être heureux, c'est le motif de toutes les
actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre" affirme Pascal
dans ses "Pensées".
En effet, tout homme cherche le bonheur.
Il est ce que
chacun désire suprêmement.
Et pour reprendre l'analyse aristotélicienne dans
l' "Éthique à Nicomaque", le bonheur n'est désiré que pour lui-même.
Et à la
question "pourquoi être heureux ?", il n'est pas de réponse sinon une réponse
aussi absurde que la question elle-même: "pour être heureux".
Le bonheur est
le souverain bien, le désirable absolu: tout être tend vers son bien; le
bonheur étant le bien ultime de l'homme; il est donc la fin de toutes nos
actions, de tous nos choix singuliers.
Ainsi, tous les désirs particuliers qui
agitent notre existence ne sont que dans l'espoir de l'obtention du bonheur:
"Tout ce que nous choisissons est choisi en vue d'une autre chose, à
l'exception du bonheur qui est fin en soi." (idem).
Bien suprême, le bonheur prime sur tous les autres y compris la vérité.
Les
hommes préfèreraient une vie heureuse et illusoire à une lucidité
désespérante.
La quête du bonheur est universelle
La philosophie, dès l'Antiquité, s'est elle aussi préoccupée du bonheur; pour
les eudémonistes, le bonheur est l'objectif de la vie morale, le but le plus élevé de la vie: la connaissance, la
faculté de juger, la liberté, la vérité, tout a pour fin le bonheur.
Pour les hédonistes, la recherche du bonheur doit
constituer le seul objet et la seule fin de l'homme intelligent.
Épicure dira que "Le plaisir est notre bien principal et inné"..
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