Faut-il poser des limites a la science ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Le sujet prend la forme d'une question fermée, à laquelle il s'agira de répondre par « oui » ou « non » en conclusion, au terme d'une argumentation
documentée.
Il pose la question des limites de la science : « limite » peut alors désigner une limite d'effectivité ou de puissance des sciences à rendre compte de la
réalité.
C ette limite peut-être théorique ou pratique.
C e type de limite serait inhérent aux sciences.
A l'inverse, on peut envisager qu'un autre domaine viendrait « de l'extérieur » poser des limites à la science : par exemple, l'éthique ou le politique
n'interdisent-ils pas des réalités certains tests sur des humains ?
C e deuxième type de limite dévoile une autre piste à explorer : en effet, les limites éthiques sont posées par exemple dans le cadre des sciences
médicales ou dans certaines branches de la biologie, mais pas dans celui de la physique.
Parler des limites de LA science est donc délicat.
Peut-être
faudrait-il envisager que les limites diffèrent en fonction des sciences envisagées.
Problématisation :
Le premier problème qui se pose concerne la science en général, envisagée comme pratique qui permet d'accéder à des savoirs.
La science est-elle limitée
quant à l'accès à ces savoirs ou bien permet-elle en droit de rendre compte de toute la réalité ?
I – La science peut-elle rendre compte de l'intégralité de la réalité ?
Si par ailleurs, on peut supposer qu'il est raisonnable de lui poser des bornes éthiques, alors, comment fonder celles-ci ?
II – Y a-t-il des valeurs supérieures au savoir qui justifieraient qu'on freine la course vers celui-ci ?
Proposition de plan :
I – La science peut-elle rendre compte de l'intégralité de la réalité ?
Si la science prétend élaborer des connaissances, un savoir qui rend compte de la réalité, peut-elle arriver à une connaissance intégrale de celle-ci ?
Kant affirme dans La critique de la raison pure que, s'il nous est permis de penser au-delà de l'expérience possible, il nous
est en revanche impossible d'établir des connaissances au-delà de cette même limite : c'est donc au savoir en général,
et par conséquent aux sciences, qu'il pose une borne.
C ette borne prend la forme d'un critère, celui de l'expérience
possible.
Elle interdit toute connaissance spéculative, c'est-à-dire métaphysique.
Reste alors la question de savoir si ce que nous entendons par réalité répond au même critère.
En effet, affirmer qu'on ne
peut établir de connaissance au-delà de l'expérience possible est une chose, affirmer que la réalité est ce dont on peut
faire l'expérience en est une autre.
Il semble cependant impossible de répondre à cette question puisque il nous est
impossible de savoir si ce dont on ne peut pas faire l'expérience est réel ou non.
Nous nous trouvons donc avec Kant dans
une impasse.
II – Le « paradoxe » des limites de la science
Il nous est impossible de savoir si la science peut ou non rendre compte de l'intégralité de la réalité.
Toutefois, nous
sommes obligés de reconnaître qu'elle progresse chaque jour.
Le pourra-t-elle indéfiniment ? Il faudrait déjà qu'elle soit
arrivée au terme de son progrès pour que nous puissions affirmer qu'elle le peut.
A nouveau donc, nous ne pouvons pas le
savoir.
L'idée de progrès doit en revanche être retenue : affirmer que la science progresse, ce que nous constatons tous
les jours, ce n'est rien d'autre qu'affirmer qu'elle poursuit un but : celui d'un compte rendu intégral de la réalité.
P ar
conséquent, nous pouvons déduire du constat du progrès l'idée selon laquelle la science pose à son horizon, à titre de but
final, une connaissance au moins possible de toute la réalité.
La science est obligée, pour progresser, de supposer qu'elle
peut aboutir à un savoir absolu.
Par ailleurs, et malgré ce présupposé nécessaire, la science est de fait limitée : le principe d'incertitude d'Heisenberg est un exemple de limite du savoir.
Il
montre qu'il est impossible de connaître avec autant de précision que voulue à la fois la vitesse et la position d'un électron.
Il manifeste bien une limite
intrinsèque des sciences.
La science, par rapport à ses limites, adopte donc une position paradoxale : d'une part, en effet, elle est obligée de présupposer qu'elle pourra rendre compte
intégralement de la réalité.
Mais d'autre part, il existe des principes eux-mêmes scientifiques (cf.
aussi le principe mathématique d'incomplétude de Goedel)
qui manifestent ces limites.
Pour sortir du paradoxe, nous dirons ceci : si le but que poursuit la science ne peut pas être atteint, ce but conserve toutefois son statut de but et de moteur
nécessaire du progrès scientifique.
Il n'a cependant plus exactement le même statut : il est un but idéal, et plus seulement un présupposé sur la
connaissance exhaustive possible de la science.
La science possède bien une limite qu'il est impossible de fixer, puisqu'elle est perpétuellement
repoussée, mais qui n'est pas moins une borne.
La science ne peut que tendre vers une connaissance totale sans jamais l'atteindre.
III – Y a-t-il des valeurs supérieures au savoir qui justifieraient qu'on freine la course vers celui-ci ?
Reste la question du « faut-il » poser des limites à la science, au sens d'un devoir de limitation de celle-ci.
La bioéthique et la médecine en générale sont
des exemples de contextes dans lesquels ce débat prend sens.
A nouveau, comment trancher ? Le problème, formellement, est le suivant : la science peut faire courir le risque à l'homme en général ou à des hommes
particuliers (par exemple le sujet d'une expérimentation en recherche médicale) de disparaître.
Les deux valeurs qu'il s'agit de concilier, s i c e l a e s t
possible, sont l'homme et la connaissance.
C e risque de disparition de l'homme est le point sur lequel science et humanisme s'opposent.
Une de ses deux valeurs prime-t-elle sur l'autre ? Gardons-nous d'affirmer trop vite que l'homme est valeur absolue, afin de ne pas verser dans l'idéologie.
C ependant, ce qui est certain, c'est que l'homme reste condition de possibilité de toutes science, envisagée comme pratique visant le savoir.
C 'est bien
l'homme et lui seul qui tente de progresser vers une connaissance absolue.
Il ne doit donc pas volontairement entraver la marche de son progrès.
Dans ce
sens, l'homme comme valeur prime sur la connaissance puisque celle-ci à besoin pour celui-là pour être dévoilée.
L'homme doit donc au moins poser
comme limite à la science qu'il pratique l'impossibilité logique de son autodestruction.
Conclusion :
La science est bien limitée en un double sens : il faut d'abord admettre qu'elle possède une limite intrinsèque.
Elle ne peut pas aboutir à une connaissance
absolue, et contient en elle-même les principes de sa limitation, comme le principe d'incertitude d'Heisenberg.
Nous sommes par ailleurs obligés de lui
poser une autre limite, d'ordre éthique cette fois : la science, si elle veut progresser, ne doit pas en effet détruire la condition minimale de ce progrès, c'està-dire l'activité scientifique, et par conséquent, l'homme qui est sujet de ces pratiques.
C ette seconde limite n'est pas éthique mais logique.
Elle a en
revanche des conséquences éthiques.
Il reviendra en effet à l'éthique de s'interroger sur la position de cette limite..
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