Faut-il penser à sa propre mort ?
Extrait du document
«
[Comme le bien, le beau, le bonheur, la justice, la mort est un sujet de méditation.
La penser, c'est
conférer à la vie une signification existentielle.
L'homme ne peut pas ignorer sa propre finitude.]
La mort n'est pas le néant
Pensant la mort, Schopenhauer en arrive à cette conclusion: «La mort (...) ne peut rien supprimer de plus que
ce que la naissance avait établi (...).
En ce sens natus et denatus est une belle expression» (Le Monde
comme volonté et comme représentation).
Méditer sur la mort m'apprend que «le non-être d'après la mort ne
peut différer de celui d'avant la naissance».
La mort n'est pas un insondable mystère
Penser la mort, c'est utiliser les lumières de la raison afin de comprendre la nature de ce phénomène naturel
qui met fin à notre existence charnelle.
A ce sujet, Empédocle, cité par Schopenhauer, écrit que fous sont
ceux qui s'imaginent «que quelque chose puisse naître sans avoir existé auparavant, ou que quelque chose
puisse mourir et être totalement anéanti».
Les limites de la vie ne sont pas celles de la
Ce n'est pas parce que la mort est la cessation irréversible de toute activité cérébrale qu'il faut en conclure
qu'une fois mort, je ne demeure pas un être pensant.
Par ailleurs, comment expliquer que les hommes aient
pensé à la réincarnation, à l'immortalité de l'âme? La pensée, pensant la mort, est capable d'aller au-delà de
ce que la simple raison peut connaître.
Heidegger: De l'insouciance du mortel face à la mort
On ne connaît que la mort, attendue ou accidentelle, des autres.
La
mort est celle des proches ou des inconnus.
Elle est un événement
naturel, banal, pris dans l'ordinaire des faits divers quotidiens : "La mort
se présente comme un événement bien connu qui se passe à l'intérieur
du monde." Cette banalité quotidienne des événements se caractérise
par l'absence d'imprévu, et la mort comme événement ne déroge pas à
la règle.
En revanche, ma propre mort est un événement prévu, qui fait
l'objet d'une absolue certitude, mais comme réalité absente, non encore
donnée, elle est
indéterminée et pour cette raison n'est pas à craindre.
L'expérience me
montre qu"'on meurt", c'est-à-dire que la mort concerne avant tout le
"on" : tout le monde, et personne en particulier.
Et tant que l"'on
meurt", ce n'est précisément jamais moi qui meurs.
"On", c'est tous,
donc pas moi en particulier.
Dans l'expérience quotidienne de la vie, le
"fait de mourir" est ramené au niveau d'un événement qui concerne bien
la réalité humaine, mais elle advient toujours pour moi par procuration.
Dans la réalité humaine et sociale, la mort est un événement qui relève
du domaine public.
A ce titre de pseudo-réalité, nous en oublions ses
éléments constitutifs : en soi, la mort est un inconditionnel et un
indépassable qui fonde la possibilité de ma propre existence et sa prise
de conscience.
Elle est un impensable qui fait le fond de la possibilité de penser mon existence propre : "Le
"on" justifie et aggrave la tentation de se dissimuler à soi-même l'être pour la mort, cet être possédé
absolument en propre." Quand on dit que la mort n'est "pas encore, pour le moment", on s'accroche à la
réalité humaine pour se voiler la certitude que l'on mourra un jour.
On fuit la mort, parce que c'est une pensée
fatigante et inaccessible, et que nos soucis quotidiens nous paraissent plus importants que la réflexion sur le
fondement de tout être humain d'être un être pour la fin.
La mort est sans cesse différée, et sa
préoccupation laissée à l'opinion générale..
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