Faut-il penser à la mort ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par
opposition à l'animal.
Synonyme d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de
la connaissance; unir des représentations dans une conscience.
MORT: Du latin mors, «mort».
Cessation complète et définitive de la vie.
Seul parmi les animaux, l'homme se sait
mortel: cruelle certitude qui limite son horizon et l'oblige à composer avec sa propre disparition, comme avec celle
des êtres auxquels il est attaché.
Pour Platon, la mort est un «beau risque à courir».
Dans le Phédon, Socrate
définit la mort comme la séparation de l'âme et du corps; délivrée de sa prison charnelle, l'âme immortelle peut
librement regagner le ciel des Idées, patrie du philosophe.
Épicure tient la mort pour un non-événement, puisque
jamais nous ne la rencontrons.
Tant que nous sommes en vie, la mort n'est pas; et quand la mort est là, c'est nous
qui ne sommes plus.
Pour Heidegger au contraire, la vie humaine s'inscrit dans la finitude: «Dès qu'un humain vient à
la vie, il est déjà assez vieux pour mourir».
Quelle stratégie à adopter ?
Pourquoi faudrait-il penser à la mort ? telle est la question qui s'impose pour pouvoir commencer la réflexion.
La
premier réponse à cette question est penser à la mort pour s'y préparer.
On peut ici songer à Pascal, qui, dans la
pensée 194 (édition Brunschvicg), critique l'imprévoyance de l'athée.
"Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce que c'est que le monde, ni que moimême; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses; je ne sais ce que
c'est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de
moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne
se connaît non plus que le reste.
Je vois ces effroyables espaces de l'univers
qui m'enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue,
sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu'en un autre, ni
pourquoi ce peu de temps qui m'est donné à vivre m'est assigné à ce point
plutôt qu'à un autre de toute l'éternité qui m'a précédé et de toute celle qui
me suit.
Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m'enferment comme
un atome et comme une ombre qui ne dure qu'un instant sans retour.
Tout ce
que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j'ignore le plus est
cette mort même que je ne saurais éviter.
Comme je ne sais d'où je viens,
aussi je ne sais où je vais; et je sais seulement qu'en sortant de ce monde, je
tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d'un Dieu irrité, sans
savoir à laquelle de ces deux conditions je dois être éternellement en partage.
Voilà mon état plein de faiblesse et d'incertitude.
Et de tout cela, je conclus
que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce
qui doit m'arriver." PASCAL
Analyse ordonnée du texte
De ce texte, on peut dire que, pour l'essentiel, il s'inscrit dans la tradition de la littérature chrétienne et qu'il fait
penser, par exemple, au Sermon de Bossuet sur la mort : ignorance sur ma naissance, mon corps, mes sens, mon
âme, ma pensée, ma place dans l'étendue et dans la durée, sur mon origine et mon avenir, sur l'heure de ma mort,
cette mort étant seule certaine.
Il n'en porte pas moins des marques, qui, si nous connaissions Pascal, mais que
nous ignorions cette page, nous la lui feraient attribuer sans hésiter.
Elle a un ton, une force et une qualité
d'expression qui ne trompent pas.
En effet, si ce discours est censé être celui de « l'esprit fort », de l'incroyant qui
se refuse à croire et qui se vante, Pascal, parlant en son nom, et si l'on fait abstraction de la dernière phrase, se
sert du même langage.
« En regardant tout l'univers muet, et l'homme sans lumière, et comme égaré dans ce recoin
de l'univers, sans savoir qui l'y a mis, ce qu'il y est venu faire, ce qu'il deviendra en mourant, incapable de toute
connaissance, j'entre en effroi comme un homme qu'on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et
qui s'éveillerait sans connaître où il est, et sans moyen d'en sortir» (Pensée 633).
On retrouve dans ce texte les
mots qui constituent des leitmotivs dans les Pensées : «terrible», «effroyables» «enferment» ici répétés, évoquant
une comparaison empruntée à Montaigne, de l'homme qui ne voit «que l'ordre de la police de ce petit cerveau» où il
se trouve «logé» (Essais, II, XII), mais qui l'obsède et qui est celle d'un cachot (P.
72, 200), où l'homme attend sa
condamnation à mort.
On y retrouve aussi le thème insistant de l'ignorance de soi.
Il « est à lui-même le plus
prodigieux objet de la nature ; car il ne peut concevoir ce que c'est que corps, et encore moins ce qui est esprit, et
moins qu'aucune chose comme un corps peut être uni à un esprit » (P.
72).
Mais, plus profondément que cette terreur de l'ignorance humaine, ce qui est un thème constant et particulièrement
caractéristique de Pascal, c'est l'infinité de l'univers par rapport à l'atome que je suis et surtout l'infinité de l'éternité
qui domine tout le texte et qui fait de ma vie un instant fugitif.
Or la mort place l'esprit fort dans l'alternative de
tomber, soit dans le néant, s'il n'y a pas d'au-delà, soit d'être à la merci d'un Dieu irrité, car si Dieu est, c'est pour
lui « la certitude de damnation » (P.
239) et de l'enfer.
Il n'en conclut pas moins : «Je veux aller sans prévoyance et.
»
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