Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?
Extrait du document
«
Introduction :
Entre le passé et l'avenir se situe la modalité du présent qui se comprend à la jonction de ces deux
temporalités.
Or le paradoxe du temps dans son explication est justement qu'il se définit ici justement comme une
antinomie de la raison pure.
En effet l'identité d'une personne donc son présent se saisit à l'aune de son histoire et
de son parcours.
Dans ce cas, on pourrait suivant un déterminisme bien compris que le présent de l'individu se lie
dans son passé, et pourrait nous conduire à comprendre immédiatement son futur à l'aune de ses actions et de son
caractère.
Dès lors, on pourrait que l'individu est gros de passé et qu'il ne peut s'en défaire.
Le problème serait alors
de nier tout pouvoir de changement de l'individu ou plus exactement de lui enlever sa capacité à se réformer donc
lui enlever sa capacité de se déterminer librement.
En somme c'est la liberté de l'individu qui est remise en cause.
Or
le passé d'un individu lui sert à se définir et à se construire.
Le problème serait alors de saisir si ce passé est tel le
destin nécessaire et immuable ou si l'on peut se construire malgré son passé.
C'est à l'aune de cette réflexion que la
notion d'oubli prend tout son sens dans la mesure où elle permet de sélectionner ce qui m'intéresse dans mon passé
afin de me reconstruire.
Mais n'est-ce pas falsifier son passé, ne pas l'assumer et faire preuve de mauvaise foi ?
Si le passé est structurant (1 ère partie), l'oubli demeure une fonction essentielle du psychisme humain
(2ème partie) qui ne doit pas occulter la liberté que constitue pour l'individu la détermination de son avenir (3 ème
ordre).
I – La détermination du passé
a) Comme le dit Gusdorf dans Mémoire et personne : « Le propre de la mémoire est d'apporter dans notre
expérience le sens du passé.
La notion de décalage temporel paraît ici essentielle.
L'actualité de notre expérience
temporelle se situe dans le présent.
Mais dès que s'est amorti ce caractère d'actualité, le présent devient un passé
[…] ce qui était notre perception […] se transforme, par le fait d'une sorte de déchéance, en un souvenir détaché
de nous.
» Ainsi, à tout moment de mon existence, le présent perd son caractère d'actualité et s'évanouit.
La
mémoire porte le sens du passé : elle est fonction du passé.
C'est pourquoi la question de la fidélité de la mémoire
nous importe.
Elle nous importe parce qu'elle donne sens au présent, mais aussi plus trivialement, nous utilisons
notre mémoire dans un ensemble d'opération qui nous sont utiles : en histoire ou en justice avec le témoignage etc.
L'enjeu est donc le plus souvent de savoir si nous pouvons avoir confiance en notre mémoire.
On la définit souvent
comme reproductrice d'un fait passé : une quasi copie.
b) C'est là toute la question de cet enseignement ou apprentissage de l'histoire.
L'histoire en tant qu'éducation se
transmet à travers l'expérience et force est de constater que plus nous avançons en âge et plus il semble que nous
analysions les situations relativement à nos expériences donc à notre histoire.
Nous en tirons des leçons et c'est
tout ce qui fait l'intérêt de ces hommes d'expériences, ayant développé une sagesse pratique, comme on peut le
voir avec Hume dans ses Premiers principes des gouvernements.
Et c'est en ce sens qu'il est nécessaire que dans
l'éducation de la cité les anciens servent de guident pour les plus jeunes afin qu'ils bénéficient de leurs expériences.
Dans ce cas, c'est dire que l'histoire peut fournir aux nouvelles générations la matière d'une expérience sans qu'il
soit nécessaire de le faire.
Mais présente aussi pour l'individu la possibilité de se construire quel que soit son passé.
L'avenir se lie en partie dans le passé comme le chemin tracé.
Il explique et rend nécessaire ce mouvement.
Et c'est
bien en ce sens que l'histoire qu'elle soit personnelle ou non est fondamentale.
En effet, Schopenhauer dans Le
monde comme volonté et comme représentation (III) note bien : « L'histoire est pour l'espèce humaine ce que la
raison ce est pour l'individu.
Grâce à sa raison, l'homme n'est pas renfermé comme l'animal dans les limites étroites
du présent visible.
[…] Seule l'histoire donne à un peuple une entière conscience de lui-même.
L'histoire peut être
regardée comme la conscience raisonnée de l'espèce humaine ; elle est à l'humanité ce qu'est à l'individu la
conscience soutenue par la raison, réfléchie et cohérente, dont le manque condamne l'animal à rester enfermé dans
le champ étroit du présent intuitif.
[…] L'écriture, en effet, sert à rétablir l'unité dans cette conscience du genre
humain brisée et morcelée sans cesse par la mort.
»
c) Pourtant, comme Nietzsche le note bien dans la Seconde considération intempestive, le vivant a pourtant
besoin de l'histoire, de son histoire en tant qu'elle le favorise en créant un ensemble de règles bénéfiques pour sa
survie : « Que la vie ait besoin d'être servie par l'histoire, c'est un fait dont il faut prendre conscience, tout autant
que du principe que nous aurons à défendre plus tard, à savoir qu'un excès d'histoire nuit au vivant.
L'histoire
appartient au vivant pour trois raisons : parce qu'il est actif et ambitieux – parce qu'il a le goût de conserver et de
vénérer – parce qu'il souffre et a besoin de délivrance.
» Ainsi, l'histoire fournit un cadre et une identité à l'individu :
« L'histoire est en second lieu le bien de l'homme qui veut conserver et vénérer le passé, de celui qui jette un regard
fidèle et aimant vers ses origines, vers le monde où il a grandi ; par cette piété il s'acquitte en quelque sorte de sa
dette de reconnaissance envers le passé.
Entretenir d'une main pieuse, au profit de ceux qui viendront après lui, ce
qui a toujours été, les conditions dans lesquelles il est né, c'est sa façon de servir la vie.
La possession du bric-àbrac des ancêtres change de sens dans une âme ainsi faite ; car elle en est à son tour possédée.
Tout ce qui est
menu, borné, vermoulu, acquiert une importance, du fait que l'âme conservatrice et pieuse de l'historien.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Camus: Faut-il donner du sens à l'existence ?
- Faut-il représenter la mort sur scène pour donner tout son sens à la cérémonie tragique ou la mort est-elle, comme L'énonce Boileau ce qu'on ne doit point voir dans un art judicieux ?
- « Il faut éviter de donner accès dans notre âme à l'idée que dans les raisonnements il y a une chance qu'il n'y ait rien de sain ; préférons cette autre idée : que c'est nous qui ne nous comportons pas encore sainement. » Platon, Phédon, ivcs. av. j.-C.
- Pour se libérer du passé faut-il l'oublier ?
- Faut-il avoir peur de l'avenir ?