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Faut-il opposer pensée et action ?

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« Introduction.

— Les hommes d'affaires manifestent parfois le plus grand mépris pour le philosophe retiré dans sa tour d'ivoire, même pour le penseur qui cherche dans l'observation de lui-même ou dans la méditation du passé une meilleure compréhension de l'homme et de la vie.

C'est dans l'action, pensent-ils, que l'on apprend, non seulement à agir utilement, mais encore à se connaître et à connaître les autres.

Repliée sur elle-même, la pensée rend inapte à l'action et ne produit, dans le domaine de la spéculation lui-même, que des songe-creux ! Que faut-il en penser ? Quels sont les rapports de la pensée et de l'action ? I.

— ELLES SE CONDITIONNENT RÉCIPROQUEMENT (Thèse) A.

La pensée conditionne l'action, car n'aboutit à un résultat que l'action dirigée par la pensée qui : a) organise l'activité ; b) critique, en vue d'une application ultérieure, les premiers essais et, par là, c) aboutit à l'expérience raisonnée.

Cela est vrai de l'activité vulgaire d'un maçon ou d'un charpentier, mais encore plus de l'activité supérieure du savant ou de l'homme politique. B.

L'action conditionne la pensée : a) elle en est le ressort indispensable, et b) la vérification la plus facile.

On ne saurait en douter pour la pensée qui s'applique à la compréhension de la matière ; cela est vrai en grande partie de la pensée philosophique qui cherche l'explication totale des choses et le sens de la vie. II.

— ELLES SE CONTRECARRENT MUTUELLEMENT (Antithèse) A.

La pensée est un obstacle à l'action : a) affectivement, l'amour de la pensée supplante l'amour de l'action ; l'habitude d'une spéculation sans danger rend plus sensibles les risques de l'action ; b) Intellectuellement, le monde du penseur est un monde abstrait, schématique et relativement simple : l'homme d'action, au contraire, s'attaque à la réalité concrète, effroyablement complexe, et ne répondant jamais rigoureusement au cas théorique ; c) pratiquement, ces deux domaines ont des exigences bien différentes : le penseur ne juge que dans la mesure de ses certitudes ; dans l'action, il faut se décider sur des probabilités. B.

L'action est un obstacle à la pensée : a) intellectuellement, le contact permanent avec les problèmes concrets déshabitue et détache des préoccupations générales et abstraites ; b) affectivement, l'action suscite des intérêts moraux et surtout matériels en opposition avec le désintéressement qu'exige la pensée ; c) pratiquement, enfin, elle ne laisse pas de loisirs, sans lesquels il n'y a pas de pensée personnelle. III.

— ELLES SONT COMPLEMENTAIRES (Synthèse et conclusion) Cette complémentarité se réalise au plan collectif : spécialistes de la pensée et spécialistes de l'action se complètent et se contrôlent les uns les autres. On voit aussi, quoique rarement, des personnalités qui relèvent des deux catégories : actifs d'élite, ils s'arrêtent, à un moment donné, pour penser leur action.

De là les Mémoires écrits au soir d'existences d'une activité débordante, et dans lesquels la pensée tire sa force de l'action antérieure. Il est à souhaiter et il n'est pas impossible que cette complémentarité se généralise, au plan individuel, grâce à une formation rationnelle : a) une bonne culture générale ayant, au départ, donné son impulsion à une pensée qui dirigera l'action ; b) tout en se perfectionnant, au cours de l'action, par de fréquents retours réflexifs sur soi, et sur les hommes et sur les choses.. »

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