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Faut-il opposer nature et culture ?

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« Faut-il opposer la nature et la culture ? Si l'on y réfléchit bien, le fait que l'homme se définisse « surtout » par sa culture (pour la culture) doit trouver son fondement dans quelque disposition naturelle.

D'A ristote à Rousseau, de Kant à Marx, cette disposition naturelle est reconnue et désignée comme telle : le fait que l'homme, pour produire ses moyens d'existence, transforme la nature (la cultive) est rendu possible par des traits minimaux de l'être humain : thématisée différemment (ou pondérée différemment), cette « disposition naturelle à la culture » mérite qu'on l'interroge : jusqu'où peut-elle aller dans le processus d'autonomisation de l'homme par rapport aux déterminismes naturels auxquels il n'échappe pas, mais qu'il assume et médiatise d'une façon originale ? Quelle est la portée de cette position particulière dans la nature ? - C e qui est en jeu, c'est donc l'idée que l'ordre humain, tout en procédant de la nature (tout en étant rendu possible par elle), constitue un ordre « sui generis ».

Cet ordre est-il lui-même un état, une place occupée d'emblée, ou bien un processus ? Placé d'emblée au centre de l'univers par une certaine vision chrétienne, l'homme semblait jouir a priori d'une position privilégiée dans la nature.

M ais le privilège n'est-il pas ailleurs, à savoir dans la faculté de se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes) ? Bref, le statut de cette place particulière — donnée ou à conquérir - fait problème.

La distinction de l'acte et de la puissance oblige ici à considérer la question au moins dans deux contextes différents : au moment originaire de la différenciation de l'homme, comme être de culture, par rapport à la nature, et au moment, plus tardif, où l'ensemble des productions humaines « fait face » à la nature, quand il ne l'a pas complètement remodelée. — L'opposition, souvent abstraite, de la nature et de la culture aboutit à bien des discussions oiseuses, surtout si l'on pose le problème en des termes tels que l'on s'enferme dans la confrontation entre des réalités définies unilatéralement : il ne peut donc s'agir de valoriser le naturel contre le culturel ou vice versa, mais de saisir ce qui, au sein de la nature et à partir d'elle, peut conférer à l'homme une place particulière. L'enjeu d'une telle question a souvent conduit à concevoir séparément la nature et la culture, puis à les opposer.

La différence est alors cristallisée en séparation, voire contradiction.

On se réfère à la nature soit pour justifier une situation culturelle particulière, en voulant la faire dériver de « nécessités naturelles », soit au contraire pour relativiser une situation, en la faisant apparaître comme non conforme à ces mêmes nécessités naturelles.

Inversement, l'exaltation du « côté culturel » peut aboutir à une culpabilisation des tendances naturelles, ou servir à récuser toute conception « naturaliste » de la vie sociale, par laquelle on entendrait entériner et justifier le libre jeu de la violence et des rapports de force.

Il n'est donc pas possible de déterminer a priori la fonction théorique d'une reconnaissance de la spécificité humaine au sein de la nature.

C'est par un examen attentif de la portée effective de cette spécificité que l'on pourra se faire une idée plus nette des problèmes qui sont en jeu ici. — Q uelques références pour diversifier la réflexion et illustrer ses enjeux. a) L'ambivalence de l'invocation de la nature. • Pour C alliclès, tel qu'il nous est présenté dans le Gorgias de Platon, c'est bien à la nature qu'il faut se référer pour savoir ce qui est bon et souhaitable. C elui qui détient la force n'a pas à s'embarrasser des conventions humaines : il doit s'affirmer, purement et simplement, quelles que soient les conséquences pour les autres.

En montrant que la force ainsi exaltée est toujours relative, Socrate tend à montrer le caractère intenable d'une telle conception.

La nature, ici invoquée, peut tout aussi bien servir à justifier la domination des « faibles » (coalisés) que celle des « forts » : la « loi de nature », telle du moins que l'entend Calliclès, ne peut servir de modèle pour les sociétés humaines. En règle générale, la loi et la nature se contredisent.

D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de subir l'injustice et non pas de la commettre. Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.

Les lois sont ainsi établies par les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.

C 'est du point de vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.

La notion d'égalité dans la justice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.

Quiconque n'agit pas comme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.

A u contraire, la nature montre qu'il est juste que le supérieur l'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.

La nature est le siège d'une lutte de forces, où la plus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.

Les bâtisseurs d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant, massacrant, pour s'approprier et dominer.

La soumission à la justice égalitaire est donc le fait des faibles, qui craignent les puissants et sont incapables de dominer. • Rousseau, dans une perspective un peu différente, fait jouer la référence hypothétique à l'état de nature pour invalider l'existence de rapports de forces et d'exploitation dans une société historiquement déterminée.

Une telle référence est de l'ordre du droit, et le fait présent, condamné par rapport à elle, apparaît alors comme le lieu d'une « violence » faite à la nature (cf.

Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes). • Le noeud du problème réside dans la conception que l'on se fait de la nature : règne des rapports de forces purs et simples, ou au contraire de l'affirmation non conflictuelle des êtres humains ? La « violence sociale » peut-elle être dérivée de la « violence naturelle », pour autant que celle-ci existe réellement ? b) L'idée de culture et sa fonction. Kant insiste sur la dualité de l'homme.

Si l'homme peut agir non seulement en raison de sa soumission à des lois naturelles, mais aussi et surtout en se réglant sur des représentations et des lois qu'il se prescrit à lui-même, c'est qu'il est libre.

Liberté attestée par l'existence de lois et de règles qu'il n'est pas possible de faire dériver de la « nature », même si leur condition de possibilité réside dans une disposition naturelle qui fait les hommes raisonnables et perfectibles.

Dans la nature, le « faible » est irrémédiablement condamné par la « sélection naturelle » (concurrence vitale de Darwin).

Dans la culture, il peut vivre, parce que justement l'ordre humain est un ordre sui generis, irréductible.

L'apologie des rapports de forces, l'exaltation de modèles « naturels » empruntés à la vie animale ne sont donc pas légitimes lorsqu'on parle de la vie sociale.

L'idéologie nazie a procédé à ce genre d'analogie, et ce qu'on appelle aujourd'hui le « sociobiologisme » (justification de la hiérarchie sociale par le recours à la nature) en procède aussi. Nature Culture ce qui est inné ce qui est acquis le corps l'esprit pouvoirs du corps tels que le langage, la politesse, ceux que permettent les les moeurs, les mains humaines traditions, les coutumes, les règles sociales etc. besoins fondamentaux : désirs à caractère sociaux : faim, soif, sommeil, sexualité ambition, reconnaissance, pouvoir etc. ce qui est lié à l'évolution biologique ce qui est lié à un héritage culturel. »

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