faut il opposer le désir a la raison ?
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«
On oppose traditionnellement le désir à la raison, en montrant alors que le désir relève d'une dimension sensible ou
encore qu'il est ce qui peut échapper à tout contrôle.
Vous pouvez, sur ce point, vous référer à de nombreuses
analyses.
Pensez par exemple à Platon et à sa présentation de l'âme en trois parties : la partie rationnelle, la partie
désirante et ce qui relève du courage.
Vous trouverez ceci en vous reportant au mythe de l'attelage ailé.
Vous
pouvez aussi vous reporter aux analyses de Kant au début des fondements de la métaphysique des mœurs.
Il
montre ainsi que l'acte moral, acte qui suit la loi de la raison, exige de se détacher de ses désirs, de notre dimension
sensible.
Raison et désir semblent donc s'opposer et être impossible à concilier.
Toutefois, il faudrait se demander s'il
ne peut pas y avoir des désirs raisonnables.
[Désirs et passions entrent nécessairement en conflit avec la raison.]
"Être ainsi délié, voilà donc ce contre quoi l'âme du vrai philosophe pense qu'on ne doit rien
faire, et de la sorte elle se tient à l'écart des plaisirs, aussi bien que des désirs, des peines, des
terreurs, pour autant qu'elle en a le pouvoir.
Elle calcule en effet que, à ressentir avec intensité
plaisir, peine, terreur ou désir, alors, si grand que soit le mal dont on puisse souffrir à cette
occasion, entre tous ceux qu'on peut imaginer, tomber malade par exemple ou se ruiner à
cause de ses désirs, il n'y a aucun mal qui ne soit dépassé cependant par celui qui est le mal
suprême ; c'est de celui-là qu'on souffre, et on ne le met pas en compte ! - Qu'est-ce que ce
mal, Socrate ? dit Cébès.
- C'est qu'en toute âme humaine, forcément, l'intensité du plaisir ou
de la peine à tel ou tel propos s'accompagne de la croyance que l'objet de cette émotion, c'est
tout ce qu'il y a de plus clair et de plus vrai, alors qu'il n'en est point ainsi.
Il s'agit alors au plus
haut point de choses visibles, n'est-ce pas ? - Hé ! absolument.
- N'est-ce pas dans de telles
affections qu'au plus haut point l'âme est assujettie aux chaînes du corps ? - Comment, dis ? Voici : tout plaisir et toute peine possèdent une manière de clou, avec quoi ils clouent l'âme au
corps et la fichent en lui, faisant qu'ainsi elle a de la corporéité et qu'elle juge de la vérité des
choses d'après les affirmations mêmes du corps.
" PLATON
L'âme du philosophe aspire à se ramasser en elle-même et éprouve le corps comme obstacle et entrave
qui l'empêche d'être entièrement pure pour l'activité qui lui est propre et qu'elle exerce par elle-même :
l'intelligence de l'être véritable.
C'est pourquoi l'âme du philosophe ne peut s'opposer sans inconséquence à tout ce qui la sépare du
corps ; à la mort elle-même, mais aussi à cet apprentissage de la mort — mourir au sensible — qui lui fait
durant la vie même se tenir à l'écart du corps et de ses affects, en un mot éviter de se compromettre
avec lui plus qu'il n'est nécessaire.
La raison qu'elle a d'éviter plaisir, peine et désir n'est pas celle qui vient à l'esprit du vulgaire.
La plupart
des hommes, en effet, s'imaginent que la passion et la soumission aux impulsions du corps sont funestes
parce qu'elles nuisent non pas tant à leur âme qu'à d'autres passions et d'autres intérêts tout aussi
sensibles :
ainsi, la coquette se retiendra de succomber à la gourmandise, ainsi il y aura des courageux par lâcheté
(par peur d'être blâmé ou puni), et des tempérants par intempérance (qui s'abstiennent de boire pour
mieux s'adonner au plaisir).
Le dérèglement est ainsi le vrai principe de ce qui leur semble vertu.
Car le
vulgaire est incapable de voir en quoi consiste le vrai mal de la passion et du plaisir.
Celui-ci n'est pas un
effet de la passion, qui serait à son tour une passion, comme la souffrance ou la tristesse accompagnant
les conséquences de l'excès d'un plaisir, mais tient à la nature ontologique de la passion et du plaisir
eux-mêmes.
En effet, toute passion, en fonction même de son intensité, fait croire à l'être et à la vérité
de son objet.
Un courtisan considérera la faveur du roi comme le bien le plus réel de tous, bien qu'il ne
soit que vanité.
La condamnation de la passion ou du plaisir n'est donc pas l'effet d'un quelconque «
moralisme » mais a pour seul motif leur puissance falsificatrice.
Car la violence de la passion dote d'une
pseudo-consistance ontologique des objets qui sont ceux du corps, c'est-à-dire sensibles.
C'est ainsi
que le tyran qui est le plus esclave de tous (de ses désirs) s'imagine que son pouvoir est réel.
C'est pourquoi le plaisir et la peine sont comme un « clou » qui attache l'âme au corps, c'est-à-dire font
du corps et de ses passions comme la mesure de la vérité et de l'être.
Pour Platon, l'attachement de
l'âme au corps et sa délivrance ne prennent sens que rapportés à la destinée essentielle de l'âme : être
à proximité de la vérité.
« Je m'aperçois qu'un désir violent te pousse aux plaisirs de l'amour.
Or, à condition que tu ne veuilles
renverser les lois, ni ébranler ce qui est honnêtement établi par l'usage, ni affliger ton prochain, ni fatiguer ton.
»
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