Faut-il maîtriser ses passions ?
Extrait du document
«
Remarques sur l'intitulé :
·
« Faut-il » indique un devoir-être, un impératif = « est-il nécessaire de ...
».
Or la nécessité peut être a)
logique b) morale.
Du coup, la question est de savoir si la maîtrise des passions s'impose comme un impératif absolu
(ce qui ne peut pas ne pas être) ou bien comme une obligation (ce qui ne pourrait être autrement sous peine de
devenir une faute).
·
Présupposé du sujet : nos passions sont maîtrisables.
Mais le problème est alors de savoir si on doit les
maîtriser.
Pourquoi ?
·
La maîtrise est un idéal nourri par la philosophie qui est quête de la sagesse.
Du coup, comment douter qu'il
faille maîtriser les passions ?
·
En tant qu'idéal, la maîtrise des passions s'inscrit dans une perspective platonicienne, voire chrétienne : il
s'agit de lutter contre le corps et la chair, et cela, au nom d'une quête spirituelle : l'homme ne trouverait son
bonheur, ne pourrait s'accomplir, que par la connaissance du divin.
·
Le problème qu'il faut soulever : est-ce une entreprise raisonnable ? Car « passions » = humain, quelque
chose en nous.
Les passions = moteur de l'action et plus largement signe de vie.
Problématique : Si la maîtrise de ses passions semble être gage de sagesse, il n'en reste pas moins que la figure de
l'idéal ascétique pose problème au regard de la vitalité contenue dans les passions.
Ainsi, les passions sont-elles la
part autre qu'il nous faut réduire au silence, ou peuvent-elles être tenues pour une source de vitalité et
d'affirmation de soi, et par conséquent, faut-il maîtriser ses passions et se montrer en toutes circonstance
raisonnable ou bien devons-nous leur laisser libre cours ?
1-
IL FAUT MAÎTRISER SES PASSIONS
a)
Maîtrise = libération
Pour Platon, dans le Phèdre, l'âme a pour essence de se mouvoir elle-même et non d'être mue.
Or les
passions représentent ce en quoi l'âme est non-conforme à son essence : l'âme soumise aux passions est aussi
soumise à une causalité extérieure à elle qui fait qu'elle perd l'autonomie de son mouvement.
Ainsi, la maîtrise des
passions se présente-t-elle, dans le Phédon, comme un idéal de dé-liaison avec le corps : le corps y est décrit
comme le « tombeau » de l'âme.
On a, chez Platon, une conception carcérale du corps qui fait que la maîtrise des
passions est synonyme de liberté.
L'idée, pour Platon, est donc qu'il faut maîtriser les passions sous peine d'être
maîtrisé par elles.
La maîtrise des passions = ne pas en être esclave.
b)
...
et gouvernement de soi-même
Dans la République, Platon pose qu'il y a dans l'âme l'équivalent du
gouvernement d'une cité politique.
Le livre VIII le montre bien : à chaque
régime correspond un caractère.
Ainsi, l'idée est que chacun doit faire régner
en lui la justice telle qu'elle s'exerce dans un bon régime politique.
Or, la
constitution d'une cité juste fait que les passions de chacun sont encadrées
par des lois ; de même, ma raison doit encadrer les passions, et littéralement,
les tenir en place.
En effet, l'âme se divise en 3 parties dont chacune
possède une vertu (excellence, perfection ou achèvement d'une chose) qui lui
est propre : 1) la raison, nous, dont vertu = sagesse 2) le coeur, partie
irascible, thumos, vertu = courage 3) l'appétit, élément concupiscible,
épithumia, siège des passions, vertu = tempérance ou modération.
Aussi
lorsque les passions tendent à l'intempérance, à la démesure (au sens où elles
s'éloignent de la mesure, de la justice ou équilibre des parties de l'âme), le
coeur, dirigé par la raison, doit s'efforcer de les calmer.
On voit donc que tout
se passe comme dans une cité (la raison = état, le coeur = l'armée, les
gardiens, l'appétit = la foule) : il existe une hiérarchie entre chaque instance
qu'on ne saurait subvertir sous peine de laisser place à l'injustice.
Or, tout
comme on ne saurait être heureux dans une cité injuste, l'homme dont l'âme
est déréglée, dont les passions ont pris le pas sur sa raison, n'est pas
heureux.
Maîtriser les passions = se rendre heureux en étant juste, en
construisant la « citadelle intérieure »[1]
Transition :
·
Bilan : Si l'âme = auto-motricté, et que maîtrise = se gouverner, être maître de soi, est comprise l'idée que
les passions = part autre qu'il s'agit de réduire.
·
En ce sens, il faut maîtriser ses passions afin d'être autonome, soumis à ses propres lois, et non à celles du
corps, de la matière.
[Cf.
Kant : la volonté doit se déterminer formellement, c'est-à-dire qu'elle désigne la capacité
que possède tout être raisonnable de s'imposer une norme (la loi morale) dégagée de tout motif sensible]
·
Cependant, d'où vient cette idée que nos passions sont quelque chose qui nous altère ? Comment justifier
que celles-ci soient en nous sans être nous ? En un mot, de quel droit présupposer que la nature humaine est
double ?
·
L'idéal de maîtrise de soi n'est-il pas violence faite à l'égard de soi ? Mais si tel est le cas, faut-il
alors laisser libre cours à toutes nos passions ?
2CRITIQUE DE L'IDÉAL ASCÉTIQUE
(voir La généalogie de la morale, 3ème dissertation).
»
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