Faut-il être vertueux pour être heureux ?
Extrait du document
Andromaque, après la victoire des Grecs devient butin de guerre. Pyrrhus, faute de pouvoir la séduire menace de tuer Astyanax si elle se refuse à lui. Elle doit alors choisir entre son désir de rester fidèle à l’amour d’Hector et la nécessité de sauver son fils d’une mort certaine. Racine montre bien comment le choix d’Andromaque contredit en partie ses valeurs personnelles : en sauvant son fils elle se veut une bonne mère et accomplit parfaitement son rôle protecteur, mais elle sacrifie le seul bonheur qui lui était encore possible : honorer le souvenir d’Hector. Il semble donc que la vertu, si l’on entend par là la capacité à faire le bien, ne garantisse en rien le bonheur, c’est - à - dire la pleine jouissance des possibilités qui nous sont offertes par la vie. Face à cette difficulté le sens commun oscille entre le rejet cynique de toute morale, pour privilégier les plaisirs immédiats et un moralisme conformiste qui assujettit le bonheur au respect des valeurs établies. Faut-il dès lors s’en remettre à cette alternative désespérante ou bien dissocier morale et bonheur ? Dans ce cas, à quelles conditions pouvons-nous espérer concilier vertu et bonheur ?
«
Trois propositions d'introductions
Andromaque, après la victoire des Grecs devient butin de guerre.
Pyrrhus, faute de pouvoir la séduire menace de
tuer Astyanax si elle se refuse à lui.
Elle doit alors choisir entre son désir de rester fidèle à l'amour d'Hector et la
nécessité de sauver son fils d'une mort certaine.
Racine montre bien comment le choix d'Andromaque contredit en
partie ses valeurs personnelles : en sauvant son fils elle se veut une bonne mère et accomplit parfaitement son rôle
protecteur, mais elle sacrifie le seul bonheur qui lui était encore possible : honorer le souvenir d'Hector.
Il semble
donc que la vertu, si l'on entend par là la capacité à faire le bien, ne garantisse en rien le bonheur, c'est - à - dire
la pleine jouissance des possibilités qui nous sont offertes par la vie.
Face à cette difficulté le sens commun oscille entre le rejet cynique de toute morale, pour privilégier les plaisirs
immédiats et un moralisme conformiste qui assujettit le bonheur au respect des valeurs établies.
Faut-il dès lors s'en remettre à cette alternative désespérante ou bien dissocier morale et bonheur ?
Dans ce cas, à quelles conditions pouvons-nous espérer concilier vertu et bonheur ?
Par estime pour son époux auquel elle n'est liée que par une alliance conventionnelle, Madame de Clèves lutte
contre la passion qui la pousse vers le Duc de Nemours.
L'exigence morale qu'elle s'impose l'élève en dignité mais
l'éloigne aussi de son propre bonheur, si l'on entend par là la possibilité d'exploiter l'ensemble des potentialités
capables de mener une personne à son propre épanouissement.
Si l'exercice du devoir contredit à ce point notre
aspiration légitime au bonheur, nous sommes tentés de la discréditer et de nous laisser guider par nos désirs.
Pourtant la conscience morale ne définit-elle pas une des dimensions fondamentales de l'humanité ? Si tel est le cas,
à quelles conditions pouvons-nous espérer concilier la quête du bonheur et l'exigence d'un questionnement éthique ?
Dans American Gangster, Ridley Scott met en scène deux personnages totalement antithétiques : un bandit sans
scrupules qui parvient à obtenir le monopole du trafique d'héroïne à Harlem grâce à sa duplicité, et un policier
intègre qui s'oppose à la corruption et lutte contre le crime dans le respect de la loi.
En pratiquant une charité de
façade par la distribution ponctuelle de colis pour les pauvres, le bandit s'assure le soutien de la population rongée
par la toxicomanie qu'il entretient par son commerce.
Le policier, en revanche s'attire les foudres de ses collègues
en s'opposant à tout compromis avec la pègre.
Dans cette histoire il semble bien que le bonheur ne soit pas du côté de la morale.
La flamboyante réussite sociale
du gangster tendrait à dissuader toute velléité d'honnêteté.
Mais en renonçant à toute exigence éthique au profit
de la seule recherche de plaisirs immédiats, peut-être sommes-nous en train de confondre bonheur et confort.
Si le
bonheur passe par la pleine réalisation des potentialités humaines ne suppose-t-il pas au contraire l'exercice d'une
conscience morale qui nous élève au-delà de l'animalité ?
Si tel est le cas, comment concilier l'aspiration légitime au bonheur et la nécessaire exigence d'un comportement
responsable ?
Développement suivi
1.
La morale contredit le bonheur
2.
L'affirmation de l'obligation morale
3.
Les conditions d'une possible réconciliation
Si le bonheur repose sur l'expérience du plaisir, il est alors tentant de mettre de côté la morale, pour mieux jouir de
la vie.
C'est la conception que défendent les Cynéraïques : ils considèrent en effet que seule la sensation peut nous
conduire au bonheur et nous encouragent à rechercher toutes les sources possibles de plaisir.
Aristippe revendique
son animalité et l'exaltation des sens en abolissant entre eux toute forme de hiérarchie.
Faisant l'apologie du parfum,
habillé en femme, il nous invite à dompter notre animalité plutôt que de chercher à la supprimer.
Il définit le plaisir
comme un mouvement doux et harmonieux et récuse la conception catastématique défendue par Epicure, le bonheur
résulte dès lors de l'ensemble des plaisirs locaux passés et futurs.
En ce sens il ne demande d'autre effort que celui
tout- à- fait naturel et spontané qui consiste à rechercher le plaisir et fuir la douleur.
Quelle que soit l'activité à
laquelle nous nous livrons, si inconvenante et provocatrice soit-elle, goûter aux délices du parfum dans une tenue
qui déroge aux normes établies, par exemple, le plaisir est toujours bon à prendre.
D'après le témoignage de Diogène
Laërce, rien n'est inacceptable pour Aristippe, sinon le fait de réprimer des plaisirs qui sont sources de bonheur.
L'idée d'une modération est cependant implicite car c'est avec élégance et délicatesse que se vit l'expérience du
plaisir pour les cyrénaïques.
En effet, si le mouvement des sens était trop vif, il en résulterait un désagrément qui
compromettrait le plaisir lui-même.
On peut cependant retenir que pour Aristippe, toutes les voluptés sont légitimes.
La vertu consisterait alors à savoir tempérer l'intensité de ses plaisirs sans s'imposer de limite prédéfinie.
Dans le Gorgias, Calliclès va plus loin : il défend l'idée que le bonheur réside non seulement dans la satisfaction des
désirs, quel que soit leur objet, mais aussi dans notre capacité à nous affranchir de toute préoccupation morale.
La
morale en bridant le désir, nous empêcherait en effet d'accéder à l'exaltation des sens, au plaisir et même à la
liberté.
Socrate compare la vie du sage à l'existence sereine d'un homme dont les tonneaux de vin, de miel et de lait
seraient toujours pleins et la vie déréglée à celle d'un homme qui serait condamné, comme les Danaïdes à remplir
sans cesse des tonneaux pourris.
« N'ai-je fait aucune impression sur ton esprit ? » demande-t-il à Calliclès, dans
l'espoir de le rallier à l'idée d'une nécessaire mesure dans l'expérience du plaisir.
« Aucune, Socrate lui répond-il, car
cet homme dont les tonneaux demeurent remplis ne goûte plus aucun plaisir, et c'est justement ce que j'appelais.
»
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