Faut-il être immoral pour faire le mal ?
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Thèmes : Procédons à l’analyse thématique des deux complexes notionnels qui structurent notre énoncé afin de mieux en aborder la problématique. (i) L’immoralité : définir la notion d’immoralité ne peut se faire que par référence à une définition de la moralité. Par ceci, nous signifions que l’immoralité est le versant négatif de la moralité, qu’elle en est la négation. Et comme toute négation, elle est relative à la détermination de la positivité du terme de moralité – par distinction, par exemple, d’avec l’amoralité qui, quant à elle, est irrelative et partant, indifférente à la moralité, hors de la sphère de la morale. A titre de préambule, nous pouvons caractériser la morale comme étant une structure normative et prescriptive des conditions de l’agir humain en fonction de la hiérarchie de valeurs absolues, de valeurs d’origine transcendante (le Bien, la Justice, etc.), c’est-à-dire abstraites, formelles et à prétention universelle – par opposition avec l’immanence qui caractérise l’ordre propre à la réflexion éthique. La morale est donc foncièrement axiologique (hiérarchie des valeurs) et transcendante. (ii) Le mal : Parce que la morale est affaire de valeurs absolues, le mal ressort de son investigation théorique (par opposition à la perspective immanentiste de l’éthique qui dans ce cas traiterait, à l’instar de Spinoza, du bon et du mauvais relatifs à l’individu et non absolus). Dans le cadre d’une axiologie transcendante, celui de la morale donc, le mal est la valeur négative absolue. Il est pour ainsi dire le principe structurant d du versant négatif de la morale.
«
Incipit : Avec notre époque moderne et son siècle de barbarismes, l'immoralité s'est vue promue en cause de toute production de mal
effectif : on ne doit pas pouvoir être génocidaire, commettre de crime contre l'humanité, etc., sans être par là même immédiatement
qualifiable d'immoral.
Pour autant, mal et immoralité ne sont pas nécessairement liés comme l'effet à sa cause.
Dans la Théodicée de
Leibniz, ouvrage visant à rendre raison de la justice de Dieu selon une logique du moindre mal, le mal lui-même est la condition
nécessaire de l'accomplissement du projet divin dont les fins sont celles du meilleur des mondes possibles, et ce n'est que la limitation et
la relativité de la perspective de l'individu humain qui l'empêchent de le concevoir ainsi.
L'immoralité n'est donc pas ici la condition de la
production du mal car le mal peut avoir sa raison d'être dans le mieux à venir.
Mais maintenant, sans présupposés théologiques et d'un
point de vue strictement éthique, au niveau de l'individu, est-il véritablement possible d'envisager qu'être immoral ne soit pas la condition
du pouvoir de faire le mal ?
Thèmes : Procédons à l'analyse thématique des deux complexes notionnels qui structurent notre énoncé afin de mieux en aborder la
problématique.
(i) L'immoralité : définir la notion d'immoralité ne peut se faire que par référence à une définition de la moralité.
Par ceci,
nous signifions que l'immoralité est le versant négatif de la moralité, qu'elle en est la négation.
Et comme toute négation, elle est relative
à la détermination de la positivité du terme de moralité – par distinction, par exemple, d'avec l'amoralité qui, quant à elle, est irrelative et
partant, indifférente à la moralité, hors de la sphère de la morale.
A titre de préambule, nous pouvons caractériser la morale comme étant
une structure normative et prescriptive des conditions de l'agir humain en fonction de la hiérarchie de valeurs absolues, de valeurs
d'origine transcendante (le Bien, la Justice, etc.), c'est-à-dire abstraites, formelles et à prétention universelle – par opposition avec
l'immanence qui caractérise l'ordre propre à la réflexion éthique.
La morale est donc foncièrement axiologique (hiérarchie des valeurs) et
transcendante.
(ii) Le mal : Parce que la morale est affaire de valeurs absolues, le mal ressort de son investigation théorique (par
opposition à la perspective immanentiste de l'éthique qui dans ce cas traiterait, à l'instar de Spinoza, du bon et du mauvais relatifs à
l'individu et non absolus).
Dans le cadre d'une axiologie transcendante, celui de la morale donc, le mal est la valeur négative absolue.
Il
est pour ainsi dire le principe structurant d du versant négatif de la morale.
Problème : Dans la formulation de l'énoncé, l'emploi du verbe impersonnel « falloir » inscrit le problème dans le registre du devoir-être.
Le
devoir être à ici à être pensé en termes de conditions de possibilité.
Aussi, le problème de l'énoncé consiste à se demander si être
immoral constitue, ou non, d'une part la condition nécessaire, d'autre part la condition suffisante, de la possibilité de faire le mal.
Répondre négativement à une telle interrogation peut donc consister, soit à exhiber un cas d'exception où le mal commis le serait
indépendamment de l'immoralité de celui qui le produit (la condition ne serait pas alors nécessaire), soit qu'être immoral n'implique pas
forcément pour autant de faire le mal (condition dès lors insuffisante).
*
I.
L'immoralité, condition nécessaire du mal
Si, selon Cicéron ( Tusculanes), Socrate est celui avec qui la pensée humaine se détourne des spéculations sur le divin pour se préoccuper
des choses humaines, avec Platon cependant s'instaure l'ordre transcendantal de la pensée morale.
La valeur fondamentale, directrice et
structurante de la hiérarchie axiologique est ici le Bien.
Et le Bien est un concept abstrait, formel, transcendant.
En tant que tel, c'est par la
connaissance de ce dernier qu'est conditionnée la moralité du sujet humain : il faut connaître le Bien pour être moral, et être moral pour
faire le bien réellement, en pratique, et volontairement.
On ne peut, selon Platon, délibérément commettre le mal, volontairement mal
agir.
Le défaut de l'action est toujours la marque d'un défaut de connaissance.
C'est par ignorance en effet que, pour Platon, l'individu
commet l'erreur du mal.
Le mal est une erreur, un péché d'ignorance auquel on remédie par la connaissance du principe structurant de la
morale, de sa valeur absolue, à savoir, le Bien.
Ceci est une caractéristique des éthiques dites cognitivistes de l'antiquité : connaître le
Bien empêche de faire le mal, et faire le mal implique d'ignorer le Bien, c'est-à-dire de ne pas être moral.
L'immoralité est donc bien dans
ce cas la condition nécessaire à la production du mal par le sujet de l'action.
Un premier problème s'impose ici avec le témoignage
d'Augustin sur la possibilité d'une volonté désirant le mal pour lui-même (l'épisode du vol des pommes, dans les Confessions).
Le vouloir
individuel est alors tourné vers ce qui en lui le rattache à la finitude de sa condition de créature, à ce qui en lui est néant et négativité par
opposition à son l'origine divine de sa création.
II.
L'immoralité, condition insuffisante de la production du mal ?
Un second problème auquel se trouve confrontée toute éthique de forme cognitiviste réside dans le fait que la moralité, autrement dit, la
connaissance du Bien, ne saurait être la garantie de la valeur positive de l'action, la condition suffisante à faire le bien.
Ceci est instanciée
de manière exemplaire par la cas de l'apôtre Paul qui, voyant le Bien, sachant ce qu'il est et en quoi il consiste, ne peut pour autant
s'empêcher de pêcher et donc de commettre le mal.
Il est ainsi possible de ne pas être immoral, du moins en termes cognitivistes, tout
en faisant le mal : l'immoralité n'est donc pas la condition suffisante du mal agir.
Et tel est précisément le cas de l'expérience de
l'akrasie, ou faiblesse de la volonté, relatée par Paul, expérience provoquant une scission interne au sein de l'individu entre sa
connaissance bonne et son désir malin.
A cette mise en crise du sujet, partagé entre savoir et volonté répond la morale kantienne du
devoir.
Le Bien moral est pour Kant ( Critique de la raison pratique) celui de la volonté bonne, et non de la connaissance vraie, impuissante à
assurer la moralité effective de l'action.
Et le volonté bonne s'atteste dans la soumission au commandement impératif de la loi morale du
devoir.
Dans ce cadre de pensée, la solution du problème est simple : faire le mal implique toujours de n'avoir pas obéi au
commandement de la loi, de lui être en infraction.
Et comme la pureté de la volonté soumise à la loi de manière parfaitement
désintéressée ne peut jamais être vérifiée dans les faits (l'ordre de la liberté n'étant pas celui du règne causal des choses du monde), on
pourra toujours dire du mal effectivement produit par l'individu qu'il a sa cause dans l'impureté de la raison de ce dernier, et donc de tenir
à son immoralité comme à sa condition suffisante.
Etre immoral, en tant que principe explicatif, suffit ici à faire le mal, simplement parce
que la moralité pure jamais peut-être n'a existé.
*
Conclusion
-
Dans le cadre de réflexion propre à la morale, dans un cadre donc d'une axiologie transcendante, où les valeurs
hiérarchisées le sont en fonction d'absolus, le mal étant lui-même la négation absolue de la positivité morale ne peut par
conséquent qu'être conçu comme produit de l'immoralité.
Dans le cadre de la morale, être immoral est ainsi la condition toute à la
fois nécessaire et suffisante du mal.
Parce que la morale est toujours transcendante et que le mal est toujours une valeur absolue,
il sont corrélés et indissociables comme la positivité et la négation d'une même phénomène, celui de l'agir humain.
Cependant,
l'agir humain peut également être évalué selon une axiologie indépendante de toute référence à des valeurs transcendantes et
absolues, mais de manière contextuelle et relative.
C'est le cas de l'éthique.
On y parle plus du mal, ni d'immoralité..
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