Faut-il être cultivé pour apprécier l'art ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet
L'intitulé englobe le thème général de culture, et le chapitre particulier de la notion d'art.
Le lien à établir ici
entre culture et art est celui de condition nécessaire.
Mais pour répondre à cela, il faut examiner tous les
aspects du terme culture, ce qu'il signifie en général, et en particulier dans le contexte d'un goût pour l'art.
« Être cultivé » ne fait pas seulement référence à une somme de connaissances.
Cela s'applique aussi à une
attitude plutôt ouverte, à une curiosité intellectuelle.
De même, « apprécier » ne veut pas seulement dire «
prendre plaisir à », mais aussi « évaluer, mettre un prix ».
Ce qui donne une autre dimension au sujet.
Élaborer la problématique
Le problème naît de la tension entre deux exigences propres à l'art.
Il a pour but et fonction de plaire au plus
grand nombre possible, du moins peut-on le supposer ; et en même temps il ne se présente pas toujours de
façon immédiatement claire et lisible.
Pour caricaturer, on voit par exemple en peinture classique qu'il faut
connaître quelques références bibliques ou historiques, alors que les toiles ultra contemporaines ressemblent
plus à des « gribouillages » auxquels on ne comprend rien.
Cela veut-il dire que des explications ou des connaissances sont nécessaires ? Que sans elles aucun plaisir
esthétique ne peut naître ? Et comment avoir du goût en général pour l'art si l'on n'a pas un minimum de
culture ? Comment juger de la valeur sans connaissance ? La culture suppose également une attitude
d'ouverture, de tolérance à l'égard de ce que l'on n'est pas habitué à voir.
Ce type d'attitude n'est-il pas requis
vis-à-vis de l'art contemporain notamment ?
• Réflexion préparatoire (étude des termes de la question).
- Se cultiver, c'est se développer par l'instruction et l'exercice des potentialités que l'on a en soi, afin d'en
faire d'authentiques capacités.
En tout être humain, existe une diversité de potentialités.
Mais celles-ci ne
deviennent pas spontanément des capacités accomplies dans leur plénitude.
Qu'un tel accomplissement puisse
différer, en degré ou en nature, selon la singularité des individus, ne peut être opposé à la nécessité de la
culture, entendue ici au sens premier et essentiel de processus de développement et de formation - procédant
par sollicitation des dispositions naturelles.
- La capacité de jouir des oeuvres d'art, de saisir leur valeur, voire de les comparer, fait à l'évidence partie des
capacités propres à une humanité pleinement réalisée.
Apprécier une oeuvre, c'est à la fois la « goûter » (ce
qui relève du sens esthétique) et en situer tout l'apport dans une « expérience » esthétique plus vaste.
- Parler d'« oeuvres d'art », c'est se référer à un certain type d'objets produits, différents par exemple des
objets utilitaires - ou du moins répondant aussi à une finalité propre : la belle amphore conserve l'eau fraîche,
mais elle procure en outre un plaisir esthétique par l'harmonie de sa forme.
Si la production d'oeuvres d'art
répond à une finalité propre, n'est-ce pas en liaison avec la façon dont elle satisfait des exigences esthétiques
propres à l'homme ? Le beau artistique, selon l'affirmation de Hegel, est singulièrement différent du beau
naturel, en ce qu'il exprime sous forme sensible la richesse de l'esprit.
Au-delà d'un simple plaisir produit par
l'activité libre des sens, cette dimension spirituelle, tout en semblant se manifester spontanément, ne requiertelle pas, pour chaque être humain, le processus de la culture ? En ce sens, c'est par la culture que se mettrait
en place cette familiarité intime avec les oeuvres de l'esprit - et l'esprit ne serait pas autre chose que
l'humanité elle-même, parvenant à la conscience de ce qu'elle peut créer en s'affirmant.
• Mise en place du problème.
- Il est fréquent d'entendre affirmer le caractère purement spontané de la jouissance artistique - sans que l'on
sache si cette « spontanéité » requiert elle-même une certaine culture, ou si elle est vraiment saisie comme
capacité immédiatement constituée
d'apprécier les oeuvres d'art.
- Cette vision «spontanéiste » semble prendre appui sur l'aspect de liberté que revêtent la fréquentation des
oeuvres et la jouissance qui s'y attache « libre jeu des facultés » disait Kant à propos de l'émotion esthétique
et du jugement de goût qui en semble indissociable.
On peut alors imaginer que le seul désir de répéter une
émotion esthétique originaire - commun cependant à l'expérience des beautés naturelles et à celle des beautés
artistiques - peut conduire à une authentique « expérience artistique ».
- Mais la fréquentation des oeuvres, à elle seule, peut-elle suffire ? Si elle met en jeu une activité effective du
sujet qui les aborde, n'atteste-t-elle pas d'emblée un besoin de culture, qu'elle peut à sa manière satisfaire
partiellement, mais que tout aussi bien elle peut appeler, afin de prendre sens ? N'apprend-on pas à regarder
un tableau, à écouter une symphonie, à rendre signifiante l'architecture d'un monument ? Le statut de
l'éducation artistique dans la culture - mais aussi dans la recherche du bonheur comme accomplissement de soi
- se trouve ici mis en jeu.
Est-il nécessaire d'être cultivé, ou de le devenir, pour apprécier une oeuvre d'art ?.
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