Faut-il être crédule pour croire ?
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Analyse du sujet :
Formellement, l'énoncé du sujet engage de questionner une nécessité (« faut-il »).
Plus précisément, il
est question d'un impératif hypothétique : « être crédule » est-il la condition de la croyance ?
« être crédule » = état de celui qui fait preuve de crédulité, c'est-à-dire d'une croyance naïve.
La
crédulité désigne le fait de faire confiance ou de donner son crédit de façon irréfléchie.
La difficulté du sujet tient à la proximité sémantique entre « crédulité » et « croyance » ; les deux
désigne le fait de donner son assentiment, d'adhérer à une proposition en la « tenant pour vraie », en faisant
comme si cela était vrai.
Le problème consiste donc à examiner s'il y a au fondement de cette attitude une certaine naïveté :
croire suppose-t-il toujours une certaine ignorance, un manque de jugement ?
Problématique : ne croit-on que par défaut d'intelligence ? La crédulité est-elle la seule source des croyances ou
bien celles-ci peuvent-elles être réfléchies et raisonnables ?
1-
IL FAUT ÊTRE CRÉDULE POUR CROIRE
a)
Qu'est-ce qu'être crédule ?
Une personne est crédule dès lors qu'elle a tendance à admettre pour vrai nombre de choses, y compris les
plus invraisemblables.
A la base de la crédulité, il y a un défaut de jugement et l'ignorance.
De plus, la crédulité
engage une certaine passivité : est crédule, celui qu'on peut berner facilement, car il ne demande jamais aucune
justification, ne cherche pas d'explication.
Crédulité = forme de naïveté portant celui qui en est sujet à tenir pour
vrai des choses invraisemblables.
Or cette absence de jugement bien fondé, ce défaut de questionnement et d'esprit critique semble se
retrouver dans la croyance cette dernière paraît bien générée par ces lacunes.
Prendre du recul, ne pas céder à ses
premières impulsions serait les qualités requises pour ne pas croire.
b)
La croyance procède de la crédulité
Platon diagnostique semblablement un relâchement de la raison responsable de la production de croyance.
Le
croyant, dans le domaine des sciences, est victime de son attachement à la sensibilité.
Et cela, les sophistes le
savent bien [1].
Usant de leur capacité à persuader sur un sujet dont ils ne savent rien (si ce n'est la bonne façon
de paraître savoir), les sophistes se montrent maîtres dans l'art de flatter les sens afin de générer la croyance,
c'est-à-dire de gagner la confiance de leurs auditeur.
Comment ?
L'esprit est spontanément enclin à adhérer à ce qui frappe l'affectivité, ce qui l'impressionne.
Dans le Phédon,
Platon écrit : « en toute âme humaine forcément, l'intensité du plaisir ou de la peine à tel ou tel propos,
s'accompagne de la croyance que l'objet de cette émotion, c'est tout ce qu'il y a de plus clair et de plus vrai, alors
qu'il n'en est pas ainsi ».
La sensibilité introduit donc de la confusion entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas
(faisant passer l'un pour l'autre) et est ainsi cause d'erreur et d'illusions.
Les sophistes misent donc sur les affects
de leurs auditeurs afin de les convaincre de choses qui ne sont pas (exemple : Gorgias qui dresse, contre les faits,
une « défense de Palamède », traître fameux).
Transition :
Croire est toujours le fait d'êtres crédules, c'est-à-dire d'hommes attachés à leurs sensibilité, incapable
de prendre du recul, de réfléchir, concernant ce qu'on leur dit et consentant ainsi à prendre pour vrai tout ce
qui leur paraît être tel.
A l'opposé, la vérité n'est saisissable que par celui fait preuve d'esprit critique et
n'admet rien qui ne soit justifié rationnellement.
Cependant, établir un rapport de causalité strict entre crédulité et croyance ne permet de rendre
compte en totalité de ce qu'est croire : en effet, celui qui croit n'est pas seulement celui qui est abusé, celui
que l'on peut tromper.
Au contraire, quelqu'un qui croit fermement en une chose pourra difficilement être
persuadé du contraire.
Or, dans le fait d'être crédule, est comprise la possibilité de croire à peu près tout et
n'importe quoi et cela, sans distinction.
Autrement dit, ne faut-il pas aussi être raisonnable pour croire ? La croyance ne peut-elle être,
dans certains cas, une preuve d'intelligence ?
2-
IL NE FAUT PAS ÊTRE CRÉDULE POUR CROIRE
Considérons l'argument des « futurs contingents » présenté par Aristote avec son exemple fameux de la bataille
navale qui aura lieu demain : si je décide de déclencher une guerre, il me faut au préalable croire que je
remporterais la victoire - puisque, la guerre peut indifféremment être ou non remportée par mon armée.
Autrement
dit, décider d'agir implique de croire à la pertinence de sa décision puisque toute décision a lieu sur fond
d'incertitude.
Rester indécis sous prétexte que croire n'est pas savoir, dans le domaine de l'action, est un défaut
d'intelligence.
Autrement dit, l'intelligence et la « jugeote » ne se manifeste pas seulement dans la pensée discursive, elle est
nécessaire à l'action et elle se manifeste dans ce domaine par une promptitude à donner son crédit à une
proposition possible.
Dès lors, il faut être déterminé pour croire ; cette détermination dans l'action, ou capacité à
saisir le kairos, moment opportun, est par exemple appelé « virtu », ou « vaillance » par Machiavel, et non
« crédulité »..
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