Faut-il établir une hiérarchie entre les désirs ?
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«
Définition des termes du sujet:
Faut-il ?: est une question qui peut se poser à deux niveaux :
• la nécessité (physique / matérielle / naturelle / économique / psychologique / sociale), c'est-à-dire la contrainte
des choses.
• l'obligation morale, le devoir.
Doit-on ?
Désir
Le désir est d'abord la prise de conscience d'un manque, dont la satisfaction procure du plaisir.
Le stoïcisme
préconise de discipliner nos désirs si on veut atteindre le bonheur.
Platon nous invite quant à lui à nous méfier du désir, car il est insatiable, et de ce fait, source d'insatisfaction
toujours recommencée.
APPROCHE: À la différence de l'animal, l'homme doit choisir entre les objectifs qu'il se donne.
En effet, si tous les
manques le troublent, il ne peut les satisfaire tous.
Dans l'Antiquité, comme dans la pensée morale moderne, aucune
école philosophique ne propose de courir à la poursuite des satisfactions de toutes sortes sans sélection ni
hiérarchie.
Chacune recommande une façon spécifique de faire des choix en fonction de ce qui est le plus conforme
à la nature de l'homme ou de ce qui le rendra le plus heureux.
Car le premier pouvoir dont l'homme dispose est celui
de son esprit et de sa volonté sur ses désirs.
Introduction
À première vue, je désire ce que je n'ai pas : quelque chose me manque et j'en souffre.
Il semble alors naturel que
je souhaite satisfaire mes désirs.
Toutefois, une telle satisfaction est-elle toujours possible ? N'existe-t-il pas, au
moins, des rêves irréalisables ? Ou des désirs mauvais, inquiétants, qu'il vaudrait mieux ne pas réaliser? Dès lors,
doit-on vraiment souhaiter satisfaire tous ses désirs ?
Un principe d'existence : satisfaire tous ses désirs
Dans le Gorgias de Platon, Socrate félicite le sophiste Calliclès en ces termes: «La franchise de ton exposé, Calliclès,
dénote une belle crânerie: tu dis nettement, toi, ce que d'autres pensent mais ne veulent pas dire [...].
Tu soutiens
qu'il ne faut pas gourmander ses désirs, si l'on veut être tel qu'on doit être, mais les laisser grandir autant que
possible et leur ménager par tous les moyens la satisfaction qu'ils demandent et que c'est en cela que consiste la
vertu» (trad.
Chambry, G.
F.
, p.
236).
Ainsi, pour Calliclès, en un sens, tous les hommes souhaitent satisfaire tous leurs désirs.
Tous ne l'avouent pas.
Certains affirment même le contraire.
C'est que, «ne pouvant fournir à [leurs] passions de
quoi les contenter, [ils font] l'éloge de la tempérance et de la justice à cause de leur propre lâcheté».
Ils ont honte,
ils veulent «cacher leur propre impuissance» (ibid., p.
235).
Calliclès, lui, ne se contente pas de souhaiter vaguement une telle satisfaction.
Il souligne qu'il faut «en être
capable [...] par son courage et son intelligence », il faut avoir la force «de remplir tous ses désirs à mesure qu'ils
éclosent ».
On ne doit pas simplement, alors, souhaiter satisfaire ses désirs : on doit, pour être heureux, y parvenir vraiment:
c'est un idéal conforme à «la loi de la nature » (ibid.
, p.
225).
«Le luxe, l'incontinence et la liberté, quand ils sont
soutenus par la force, constituent la vertu et le bonheur» (p.
236).
L'intempérance est la vertu des forts, la
tempérance celle des faibles.
Enfin, tous les désirs devraient être satisfaits.
Calliclès n'en exclut aucun.
C'est la morale des faibles, «toutes ces
belles idées, ces conversations contraires à la nature », qui introduirait une opposition entre les désirs légitimes et
ceux qui ne le sont pas.
Qu'objecter à cette thèse de Calliclès?
Satisfaire ou maîtriser ses désirs ?
La caractère contradictoire du désir
Socrate, dans le dialogue platonicien, interroge le sophiste à sa façon, avec l'ironie qui invite à approfondir l'examen
du problème.
S'il faut manger quand on a faim, se désaltérer quand on a soif, et s'« il faut avoir tous les autres désirs, pouvoir les
satisfaire, et y trouver du plaisir pour vivre heureux», comme l'affirme Calliclès, on en vient à se poser que «c'est
vivre heureux, quand on a la gale et envie de se gratter, de se gratter à son aise et de passer sa vie à se gratter»
(ibid., p.
238).
Autrement dit, selon Socrate, on ne doit pas mettre tous les désirs sur le même plan.
L'agréable n'est pas forcément
bon ; il y a des plaisirs bons et des plaisirs mauvais.
N'est souhaitable que la satisfaction de certains désirs.
Plus précisément, souhaiter satisfaire certains désirs, nos passions par exemple, c'est ignorer qu'une telle
satisfaction est impossible.
Il y a des désirs sans limites, insatiables, qu'on ne peut pas plus contenter qu'on ne peut
« remplir des tonneaux percés avec un crible troué de même» (ibid., p.
237).
Celui qui ne renonce pas au désir de
satisfaire tous ses désirs, loin d'être heureux, est un insensé perpétuellement tourmenté, qui mène «une existence
inassouvie et sans frein ».
A une telle existence, Socrate préfère «une vie réglée, contente et satisfaite de ce que chaque jour lui apporte »..
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