Faut-il donner un sens à la souffrance ?
Extrait du document
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VOCABULAIRE:
FAUT-IL
correspond à une obligation, équivalent à doit-on mais avec une nuance qui sous-entend "sommes nous obligés de",
"doit-on absolument" etc.
Le sujet serait très différent si on avait écrit "peut-on donner un sens".
Ce qui est
entendu c'est qu'il y a des raisons qui nous portent à le faire, mais ne devons-nous pas résister à cette tendance :
"faut-il vraiment donner un sens..."
DONNER UN SENS
Attribuer une signification à un acte, un phénomène, une attitude, une oeuvre.
Devant le caractère chaotique et
puéril de certains rêves, il est tendant de résister à la tentation de l'analyse en haussant les épaules : pourquoi
vouloir absolument leur donner un sens? Ne peut non laisser cela dans la gratuité? Dire que cela n'a pas de sens? Le
fait même de donner veut dire que l'on impose le sens, qu'on l'attend, qu'on le projette et qu'il ne s'impose
nullement.
Il serait inutile de donner un sens à ce qui en a déjà, il suffit de le lire directement.
Je n'ai pas besoin de
donner un sens au journal que j'ouvre le matin : le sens est là dans les mots.
Inversement, si nous ne donnons pas
de sens, alors nous serons peut-être inquiété par l'absurdité d'un phénomène, d'une attitude, d'une oeuvre etc.
Sartre prétend que la vie prise au ras de l'existence est absurde, dépourvue de sens.
Si elle n'a pas de sens et qu'il
faut dès lors donner un sens à la vie, ce qui implique la recréer de l'intérieur ou au minimum l'investir d'un projet
créateur de sens.
SOUFFRANCE
Celui qui est souffre est malheureux, il est atteint dans sa dignité, blessé dans sa chair, révolté contre le sort, il
peut aussi être blessé dans sa chair.
Nous parlerons alors de douleur, pour désigner une souffrance physique.
La
souffrance morale comme une déchirure au sein de notre intimité, elle est vexation, elle est humiliation, elle est
sentiment de détresse, de misère.
Nous opposons communément à la souffrance le bonheur, sentiment de bien être
complet, de plénitude intérieure, d'accomplissement de soi.
Celui qui souffre se sent au contraire très mal, il est
dans le mal-heur, il se sent vide, il se sent diminué, réduit à une petite chose en proie à cet état de souffrance.
analyse du sujet
Il ne s'agit évidemment pas de se lamenter sur l'existence de la souffrance, de chercher des « remèdes » miracles
ou de s'épancher lyriquement (voire avec une certaine délectation sado-masochiste...).
Il convient de se demander
non, si l'on peut mais, si l'on doit donner un sens à la souffrance ?
Au nom de quoi devrait-on donner un sens à la souffrance ? Autrement dit, c'est moins la souffrance comme telle
qui fait question ici, que les essais de lui donner sens (de la comprendre ; de lui trouver une solution dans les
dissolutions suspectes peut-être...).
Ne pas oublier de tenter de définir ce qu'on va entendre par souffrance (ceci permettant en particulier de ne pas
escamoter — tentation souvent présente et sans doute pleine de sens — le mal physique, la souffrance physique au
bénéfice du mal « moral », de la souffrance morale...).
lectures
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Chauchard, La Douleur (PUF - Que sais-je).
Scheler, Le Sens de la souffrance (Aubier).
René Leriche, Recherches et réflexions critiques sur la douleur (Masson).
Lavelle, Le Mal et la souffrance (Plon).
Leibniz, La Théodicée.
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation (PUF).
Borne, Le Problème du mal (PUF).
Problématique:
La souffrance morale comme la douleur physique sont des expériences négatives que l'action humaine s'efforce de
surmonter.
Mais, la souffrance n'est pas absurde: elle est révélatrice de la condition humaine, de la difficulté d'être,
et peut par contraste donner tout son prix à un bonheur lucide et authentique.
Toute souffrance a-t-elle nécessairement un sens ? Si on doit lui donner, c'est qu'il ne va pas de soi.
N'est-ce pas
ce qui reste de l'ordre de l'irrationnel ? Les souffrances ne sont-elles pas absurdes et insensées ? Donner un sens,
est-ce chercher une justification, une légitimation de la souffrance ? Est-ce rationaliser ce qui n'est pas rationnel,
pour garder un équilibre, garder la foi dans le monde ? La souffrance psychologique peut-être nécessaire lorsqu'il
s'agit de faire un deuil après la perte ou une séparation.
La souffrance est aussi symptôme, signe de la maladie,
signe du malaise.
En ce sens, elle a un sens déjà, mais un sens de fait.
Le problème vient de la question de la
nécessité même, de la légitimité de la souffrance : pourquoi souffrir ? Au nom de quoi ? Pourquoi ne peut-on vivre
sans souffrance ? Quel ordre du monde peut justifier cela ? Rendre sensé, c'est justifier et donc accepter.
Toute
morale n'a t-elle pas pour fonction de nous la faire accepter pour peut-être la dépasser ? N'arrive-t-on pas à la
recherche de la souffrance pour se donner un sens (voir les cas des martyrs, des masochistes) ? En quoi donner un
sens à la souffrance est-il signe de perversité ? Référence utile : Leibniz, Théodicée..
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