Faut-il distinguer la foi et la croyance ?
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Faut-il distinguer la foi et la croyance ?
Ce sujet demande tout d'abord d'expliquer ce que sont foi et croyance, par opposition au savoir, puis d'explorer les
distinction que l'on peut faire entre elles.
Nous proposons deux types de distinction : la première (kantienne) entre une
conviction que l'on sait insuffisante et qui peut être démentie, et une conviction que l'on considère comme ne pouvant être
démentie et que l'on tient pour suffisante.
La deuxième distinction lit la foi comme une croyance qui ne serait pas neutre
émotionnellement, mais implique au contraire une forte valeur de désir.
1) foi et croyance comme étrangères au savoir
La foi et la croyance sont l'adhésion à un énoncé : "Dieu existe", "il fera beau demain", "toute vie humaine est sacrée",
etc.
Mais si elles nous donnent par là une représentation qui s'apparente à une connaissance, elles se distinguent
complètement du savoir en tant qu'elles ne peuvent pas être prouvées.
Par exemple, je peux croire que le PSG va gagner
contre Le Milan AC, mais ce n'est pas un savoir, je n'en suis pas sûr.
Je peux croire que Tombouctou est au Sénégal, mais
si je veux le prouver, je me rendrai compte que c'était une erreur.
On ne peut démontrer ni par un raisonnement ni en en
montrant une preuve tangible que l'âme est immortelle, et pourtant certains y croient.
2) la foi comme subjectivement suffisante mais objectivement insuffisante
Pourtant, il importe de faire une différence entre foi et simple croyance.
La croyance consciente ne tient pas ce qu'elle croit
pour vrai.
Si je dis que je crois qu'il va pleuvoir, je soumets la vérité de ma pensée à une confirmation postérieure.
Mais
dans le cas de la foi il n'en va pas de même.
Ce ne sont pas des considérations rationnelles qui me font croire en Dieu,
mais une conviction d'un autre ordre.
Selon Kant, la foi est "subjectivement suffisante", c'est à dire que même si elle n'est
pas démontrable, nous tenons ce à quoi nous croyons pour absolument vrai.
Pour lui, il est certaines questions contre
lesquelles l'entendement bute et sur lesquelles il est incapable de dire quoi que ce soit de fondé : l'existence de Dieu, le
libre arbitre et l'immortalité de l'âme.
Ces objets de la pensée sont inaccessibles à la rationalité et donc, selon Kant, on
peut légitimement avoir foi en eux.
Ne pouvant rien dire, nous pouvons toujours espérer, et tenir notre espoir pour la
réalité, puisque nous n'aurons jamais aucun démenti de la part de la raison.
La croyance est un assentiment à des affirmations dont la démonstration ou la preuve est insuffisante.
En revanche, dans la foi, la question de
l'insuffisance des preuves ne se pose pas.
Dans le christianisme, la vérité révélée oblige à distinguer entre croyance ordinaire, croyance religieuse et foi.
L'incertitude est balayée par la foi ; dans cette
dernière, la confiance est absolue, et ce, sans recours aux arguments rationnels ou aux preuves.
Si la croyance religieuse est encore habité par le doute, la foi l'évacue.
Aussi peut-on distinguer le « croire que », du « croire à » et du « croire en ».
Le « croire
que » traduit-trahit une opinion, une conjecture.
Le « croire à » exprime une implication plus personnelle.
Et enfin, le « croire en » manifeste une conviction, une
confiance absolue.
Dans une perspective rationaliste, on peut dire que :
Ø
L'opinion est subjectivement et objectivement insuffisante.
Ø
La foi est subjectivement suffisante et objectivement insuffisante.
Ø
La science est subjectivement et objectivement suffisante.
Dans cette perspective, il y aurait une insuffisance de la foi par rapport à la science.
D'où, la nécessité pour le rationalisme de tenter de prouver (par des
arguments rationnels) l'existence de Dieu.
3) la foi comme besoin de l'esprit
« L'homme est ainsi fait : dès lors qu'il a besoin d'un article de foi, dût-on le lui avoir
réfuté de mille manières, il ne cessera pas de le tenir pour "vrai" ».
Nietzsche, Le Gai
Savoir, 1883.
Même si nous refusons au philosophe la légitimité de tenir pour vrai quelque chose
qu'il n'est en rien fondé à le faire, et rejetons foi et croyance dans
le domaine de l'ignorance et de la crédulité, il reste que la foi ne se contente pas d'un
démenti.
De même que l'illusion se distingue de la simple erreur par la réalité du désir
dont elle est l'expression, de même la foi est avant tout l'expression du désir du
croyant de tenir ce en quoi il croit pour réel.
La foi apporte des réponses, elle donne
un sens à des questions qui sinon n'en auraient pas, elle procure un bien être mental,
qui fait résister les croyants, parfois terriblement violemment, au démenti de la raison.
Si nous n'avons aucune preuve de Dieu, nous pouvons tout de même avoir des
"raisons de croire en lui", pour satisfaire notre besoin d'apporter des réponses aux
questions métaphysiques.
Mais Kant lui-même a pris soin de mettre en garde contre la
force de ce désir de croire, en réclamant une "religion dans les limites de la simple
raison"..
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