Faut-il distinguer droit de l'homme et droit du citoyen ?
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«
ANALYSE DU SUJET, INTRODUCTION, CHEMINEMENT DÉVELOPPÉ, CONCLUSION
• Analyse du sujet.
Peut-on distinguer les droits de l'homme et ceux du citoyen ? L'existence, de fait, des deux expressions, le laisse
supposer.
Dès lors, se pose la question des critères qui permettent d'effectuer une telle distinction.
Quels sont-ils ?
Peut-on considérer par exemple qu'un être humain requiert deux points de vue différents selon qu'il est appréhendé
comme homme ou comme citoyen ? La distinction des deux points de vue signifie-t-elle qu'il est possible de définir
séparément les droits de l'homme ? On remarquera que cette dernière question n'est posée, dans le sujet, que pour
les droits de l'homme, ce qui confère aux droits du citoyen une sorte de caractère premier par rapport à eux.
Ne
pourrait-on pas poser, à l'inverse, la question du caractère concevable des droits du citoyen indépendamment des
droits de l'homme ?
— Concevoir, c'est former un concept, élaborer un objet de pensée.
Concevoir les droits de l'homme, c'est donc
élaborer des concepts et des formules précisant ce qui doit être reconnu à tout homme, conformément à ce
qu'exige la prise en compte de l'idée d'une humanité pleinement accomplie : toute conception des droits de l'homme
procède d'un certain idéal, qui, par exemple, fait considérer comme « inhumaine » toute condition de misère ou de
'Servitude.
S'il s'agit, selon le sujet, de statuer sur la conception elle-même (et non sur I application), c est bien a
la pensée que l'on a affaire.
— Dans l'ordre de la pensée, la conception des droits de l'homme (et, comme nous l'avons précisé, de l'idéal dont ils
procèdent) peut-elle s'accomplir indépendamment de celle des droits du citoyen ? Deux hypothèses peuvent ici
structurer la réflexion : ou bien les droits de l'homme et ceux du citoyen ne sont concevables que d'un même
mouvement (en concevant les droits du citoyen, on conçoit du même coup ceux de l'homme) ; ou bien la
conception des droits de l'homme doit prendre en considération celle des droits du citoyen, qui constituent alors une
base de réflexion.
Dans la première hypothèse, il convient de se demander, de façon critique, si la conception des
droits de l'homme est réductible à celle des droits du citoyen ; dans la seconde, il faut mettre à l'épreuve la
préséance supposée des droits du citoyen.
– Les définitions retenues pour les notions en jeu sont évidemment capitales.
L'homme, dans l'expression « droits de
l'homme », ce n'est pas seulement cet être qui se distingue de l'animal par un certain nombre de propriétés
constitutives ; c'est aussi et surtout la plus haute idée que l'on peut se faire de l'être humain accompli, réalisant
pleinement sa richesse potentielle.
Les exigences consignées comme « droits de l'homme » prennent sens par
rapport à un tel idéal.
Le citoyen, ce peut être soit, simplement, celui qui jouit du « droit de cité », soit, par
déploiement des implications d'un tel droit, l'auteur de la décision politique, le détenteur originaire de la
souveraineté.
Ce deuxième sens a été particulièrement développé par la philosophie politique inspiratrice de la
Révolution française, notamment avec Rousseau et Condorcet.
(cf.
le livre de Catherine Kintzler Condorcet :
l'instruction publique et la formation du citoyen, Éditions du Sycomore).
Les droits du citoyen peuvent être définis
comme les pouvoirs qui lui sont reconnus dans la mesure où ils sont jugés nécessaires à l'exercice de la citoyenneté.
Ces droits ont pour objet de faire de lui l'instance de jugement et de décision dans les choix fondamentaux de la
communauté.
Ils ont pour contrepartie un certain nombre de devoirs.
Par exemple, le droit de vote est un droit du
citoyen ; le devoir de contribuer aux dépenses communes à proportion de ses moyens est un de ses devoirs.
– Pour élaborer la problématique d'ensemble, il convient de saisir les enjeux de la question posée.
Le rôle d'une
Déclaration des droits de l'homme est de définir explicitement un ensemble de points de repère et d'exigences au
regard desquels seront jugés les actes du « pouvoir législatif » et du
« pouvoir exécutif ».
Cette fonction de rappel d'une norme est précisée, par exemple, dans le préambule de la
Déclaration de 1789.
(...
« afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social,
leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs pouvoirs »).
La conception même des droits ainsi énoncés soumet toute
politique à la norme d'une fin idéale, rendant possible un « recours » : tout individu peut en appeler de telle ou telle
mesure qui lui semble contraire aux droits de l'homme.
Mais ce recours peut-il invoquer des droits de l'homme qui
seraient définis abstraitement – sinon arbitrairement –, et notamment dans l'ignorance des règles sociales qui sont
en fondement de toute communauté ? L'homme vivant dans la cité peut-il se prévaloir de droits qui feraient
abstraction des exigences de la vie sociale ? Une réponse négative à cette question signale la difficulté du problème
posé : peut-on à la fois faire dériver la définition des droits de l'homme de ceux du citoyen, et leur conserver ce
caractère de recours qu'ils doivent constituer ? Y a-t-il transcendance des droits de l'homme par rapport à ceux du
citoyen ? Dans quels cas y a-t-il divorce entre les uns et les autres ? Quelle interprétation des droits du citoyen
peut conduire à une conception nécessairement indépendante des droits de l'homme ? Telles sont les questions qu'il
convient d'envisager pour développer la réflexion sur le problème désormais posé.
• Cheminement proposé (principales étapes de la réflexion).
Introduction proposée.
En août 1789, les « représentants du peuple français » proclament, dans une déclaration solennelle, les « droits de
l'homme et du citoyen ».
En décembre 1948, les représentants de nombreux pays du monde rédigent une «
Déclaration universelle des droits de l'homme ».
La différence de formulation est frappante.
Nul doute que pour
l'Assemblée nationale qui s'apprête, en pleine Révolution, à légiférer, la promotion du citoyen soit en même temps'
celle de l'homme, et inversement.
Les lois, qui délivrent les hommes des rapports de dépendance personnelle, ne
peuvent qu'accomplir les « droits naturels, inaliénables, et sacrés do.
l'homme ».
Au xx° siècle, on redécouvre que
les lois positives, même lorsqu'elles semblent aller de pair avec les droits du citoyen, peuvent entériner des dénis de
justice à l'égard de l'homme.
Il est tentant alors d'instituer, par-delà les différentes législations en vigueur, un
ensemble de références idéales, et données comme fondatrices, et tendant à dégager sans équivoque les droits de.
»
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