Faut-il craindre la domination sans limite de la rationalité scientifique ?
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Sujet : Faut-il craindre la domination sans limite de la rationalité scientifique ?
Analyse du sujet
·
Le sujet est complexe car il contient beaucoup de présupposés.
En un premier temps, on remarque
qu'il contient une dimension affective (craindre) et semble présupposer un fait (la domination sans limite de la
rationalité scientifique).
Dans ce contexte, la question est celle d'une attitude à l'égard d'un fait.
Mais on
peut prendre ce sujet dans divers acceptions selon le sens que l'on donne à "craindre" : le sujet pose la
question de l'attitude à adopter soit face à la domination effective de la rationalité scientifique (la crainte
est alors une attitude à l'égard du présent), soit face à la domination possible de cette rationalité (attitude à
l'égard du futur).
En outre, on peut aussi prendre le sujet en un sens intemporel, ce qui revient à se
demander si la domination sans limite de la rationalité est une bonne ou une mauvaise chose, étant sous
entendu que l'on doit craindre ce qui est mauvais.
Mais on peut remettre en cause ce présupposé, et alors le
"faut-il" peut signifier, si on suppose que cette domination est une mauvaise chose : faut-il craindre cette
mauvaise chose, ou bien faut-il ne pas en avoir peur, ne pas la fuir et chercher à la dominer en retour ? Tous
ces éléments impliqués par le sujet doivent donc être séparés et analysés.
·
"Faut-il" : renvoie à l'idée d'obligation, au bien, mais aussi au juste, au vital, au vrai.
Pour connaître
le sens à donner ici à cette expression, il faut d'abord analyser les "risques" de la domination sans limite de la
rationalité.
·
Craindre : la crainte ou la peur est une passion qui conduit à éviter l'objet de la crainte, à le fuir car
il comporte un danger potentiel.
Face à un danger, la crainte n'est néanmoins qu'une attitude possible parmi
d'autres (supporter, aimer etc.).
Il faudra donc se demander si la crainte est l'attitude adéquate.
En un sens
plus large, on nous demande tout d'abord si cette domination est possible (il ne faut craindre que ce qui peut
arriver) et ensuite si elle est mauvaise (il ne faut craindre que ce qui est néfaste).
·
Domination sans limite : cette notion paraît problématique et contradictoire.
La domination est un
pouvoir.
A proprement parler, un pouvoir sans limite n'a plus d'objet sur lequel s'exercer, car tout pouvoir doit
s'exercer sur un autre pouvoir, une force sur une autre force.
Il faut donc ici comprendre l'expression au sens
d'une extension à tous les champs de la vie et de la pensée, de cette rationalité.
On peut distinguer la borne
et la limite : la borne est une négation extérieure de la chose, la limite une négation intérieure.
La possibilité
d'une domination sans limite suppose donc que la rationalité scientifique est par elle-même sans limite et
implique d'être bornée par autre chose.
·
La rationalité scientifique : cette expression suppose qu'il existe "la" rationalité scientifique, ou que
la science est une.
Or, on peut déjà remarquer la diversité des sciences (biologie, mathématiques, chime
etc.).
Ce qui unifie cette diversité est donc l'unité d'une rationalité.
On peut déterminer cette rationalité
avec le couple théorie et expérience, avec les notions de démonstration, de certitude, de preuve etc.
Il faut
ici s'interroger sur la manière dont fonctionne la science : on peut alors se référer à la distinction entre
expliquer (les sciences dures) et comprendre (les sciences humaines), mécanisme / finalisme, les causes et
les raisons, décrire, prédire, dire le comment / le pourquoi etc.
La question devient alors celle de savoir s'il
faut craindre la domination de la certitude, des preuves, d'un certain type de vérité, d'un certain rapport au
monde, d'une certaine manière de dire le monde.
La rationalité est essentiellement logos : raison, discours,
rapport.
Dans ce cadre, la rationalité scientifique renvoie au discours scientifique, à sa façon de dire le
monde.
La question est alors celle de savoir si le langage scientifique est le langage le plus propre à dire le
monde et si les autres types de discours doivent être éliminés.
·
Y a-t-il d'autres formes de rationalités que la rationalité scientifique ? Le sujet demande donc s'il
faut laisser la place à d'autres formes de rationalités ou à des formes d'irrationalités.
Le corrélat de cette
question est celui de savoir si la vie (sous toutes ses formes : politique, économique, artistique, sociale etc.)
doit être soumise à la raison scientifique.
Proposition de plan :
1.
Il ne faut pas craindre cette domination sans limite car cela serait craindre la domination de la vérité.
·
La construction de la rationalité scientifique correspond à l'ambition de connaître le monde avec
certitude, selon le geste de Descartes.
Dans la lettre-préface à l'édition des Principes, il nous présente
l'image de la sagesse humaine ou philosophie comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc
la physique, et les fruits la médecine, la morale et la mécanique.
La rationalité scientifique, dans ce cadre,
peut se comprendre comme l'unité d'une méthode, laquelle suppose que toutes choses « s'entresuivent » à la
manière des mathématiques, et qu'il ne restera rien de si caché « qu'on ne découvre » (Discours de la
méthode, 2 ; VI, 18-19).
La clé du savoir est l'ordre qui constitue le coeur de la méthode.
Il y a corrélation
entre unité de la science, Mathématique et méthode.
Dans ce cadre, la rationalité scientifique, comprise
essentiellement comme méthode, est une manière de se rapporter au monde.
Or, si cette manière de se
rapporter au monde nous délivre tout ses secrets, alors il ne faut pas craindre sa domination mais bien
l'étendre.
·
De ce point de vue, on peut aller plus loin et même affirmer que les autres manières de comprendre
et de dire le monde doivent être "éliminée".
Ainsi, dans le cadre d'une réflexion sur le rapport de l'esprit et de
la matière, Chruchland (Matière et conscience) soutient qu'il faut "éliminer" de nos discours les termes qui ne
peuvent rentrer dans le cadre du discours scientifique.
Ainsi, par exemple, les expressions "intensionnelles"
(comme "désirer que", "croire que" etc.) qui expliquent le comportement en faisant référence à des éléments.
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