Faut-il considérer le corps comme le malheur de la conscience ?
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«
PROBLEMATIQUE DE L'ELEVE: Le sujet vous interroge ici sur une définition du corps dans ses rapports à la
conscience.
Votre travail de réflexion va donc consister à vous interroger sur la légitimité de cette définition.
Considérer que le corps est le malheur de la conscience, c'est penser le corps comme le lieu de la chute et de la
perdition de l'esprit.
Vous pouvez, dans cette perspective, penser à ce jugement de Platon qui identifie le corps à
un tombeau lorsqu'il dit que le corps est le tombeau de l'âme.
Le corps, lieu des désirs est ce qui détourne l'âme de
la pensée et du vrai.
C'est dans une telle perspective que dans la République, alors qu'il s'agit de former le
philosophe, la gymnastique est un enseignement essentiel, elle conduit à une maîtrise du corps qu'il faut contrôler
pour empêcher ses débordements.
Vous pouvez également penser à la tradition chrétienne qui fait du corps le lieu
du pêché.
Ainsi, vous pouvez voir que considérer le corps comme le malheur de la conscience consiste à le
condamner.
Demandez-vous alors si une telle condamnation du corps ne relève pas de certains présupposés.
En
effet, le corps c'est aussi ce qui fait que nous vivons.
Ainsi, condamner le corps, n'est-ce pas d'une certaine
manière condamner la vie ? ici, vous pouvez penser aux analyses de Nietzsche dans la Généalogie de la morale
lorsqu'il critique les idéaux ascétiques.
L'idéal ascétique est cette position qui consiste à nier le corps pour être dans
l'attitude de l'ascète.
Or, le bonheur peut-il passer par une négation du corps ? Plus généralement cette opposition
du corps et de la conscience a-t-elle vraiment un sens ?
[Le corps est le malheur, le tombeau de l'âme.
L'incarnation empêche l'âme d'atteindre la vérité.
Le corps
est le lieu des désirs, des passions.]
Le corps est le tombeau de l'âme
"Les amis du savoir n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme, cette dernière
était étroitement liée au corps, et collée à lui ; elle était contrainte de voir les réalités pour ainsi dire à
travers les barreaux d'une prison constituée par son corps, au lieu de le faire par ses propres moyens et à
travers elle-même, et elle se vautrait dans une ignorance absolue.
La philosophie a bien saisi l'étonnant
caractère de cette prison : elle est l'oeuvre du désir, en sorte que celui-là même qui est attaché a toutes
chances de contribuer de la manière la plus efficace à sa propre captivité.
Ainsi, dis-je, les amis du savoir
n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme dans cet état, elle la conseille avec
douceur, elle entreprend de la délier.
Tout n'est qu'illusion, lui dit-elle, dans l'étude qui se fait par le moyen
des yeux, tout n'est qu'illusion aussi dans celle qui se fait par le moyen des oreilles et des autres sens.
Elle la
persuade de s'en dégager dans la mesure où leur usage n'est pas nécessaire, elle l'exhorte à se recueillir, à se
concentrer sur elle-même, quel que soit par lui-même l'objet de sa pensée quand, isolée en elle-même, elle
exerce cette pensée ; et en revanche, si l'âme envisage par d'autres moyens que cette pensée un objet, quel
qu'il soit, qui diffère selon les circonstances, la philosophie la persuade de ne le tenir pour vrai en aucune
façon.
Car il y a d'un côté les objets de ce genre, c'est-à-dire le sensible et le visible, et de l'autre, ce que
l'âme voit par elle-même, c'est-à-dire l'intelligible et l'invisible." PLATON
Le texte définit des acteurs : les amis du savoir, autrement dit ceux qu'on appelle généralement des
philosophes.
Mais en utilisant une expression qui explicite le terme : philo, comme familiarité, amour, amitié,
sophie, comme sagesse, savoir.
Le philosophe n'est pas celui qui possède la sagesse (ce serait alors un sage),
il est celui qui, en tant qu'ami du savoir, s'en approche.
Le texte définit d'ailleurs, dès le début, un rapport au savoir : il n'est pas un fait d'appropriation — qui se
marquerait positivement par une phrase du type : l'ami du savoir sait que...
Ce rapport au savoir existe sur un
fond d'ignorance, qui est le propre de l'homme en général, ce qui est dit explicitement lorsque Platon évoque
l'âme qui, avant la possession philosophique, se « vautre dans une ignorance absolue », comme le ferait un
porc dans sa bauge.
Le savoir se marque négativement par rapport à l'ignorance : « L'ami du savoir n'ignore
pas.
»
Enfin, d'emblée, le texte définit un moment privilégié : celui du passage d'un état à un autre, moment de
transition qui, plus fondamentalement, assure une rupture (« Quand la philosophie a pris possession »).
Quant
à l'idée de « prise de possession », elle marque à la fois la notion d'un combat, avec un terrain à prendre
(celui de l'âme) et celle de la soudaineté, liée à une transe religieuse (ce qui s'entendrait comme un
ravissement).
Ces acteurs, ce rapport au savoir, ce moment ne se comprennent que sur le fond de la
conception platonicienne des rapports entre l'âme et le corps, décrite dans toute la première partie.
1.
Tout est rapporté du point de vue de l'âme et de la contrainte que représente pour elle le corps.
Contrainte décrite paradoxalement en termes physiques (malgré le caractère « immatériel » de l'âme) : l'âme
liée au corps, collée à lui.
Jusqu'à la métaphore du corps comme prison de l'âme, (« à travers les barreaux
d'une prison constituée par son corps ») qui ne manque pas de faire penser au jeu de mots du Gorgias, dans
laquelle le corps (sôma) est pour l'âme un tombeau (sêma).
Mais cette contrainte n'est pas seulement oppression (qui appellera ultérieurement une libération), elle a ses
conséquences néfastes sur la possibilité de connaître.
Car l'opposition âme-corps, fonde explicitement deux
modes opposés de connaître.
Un mode, supposé, de connaître les réalités qui passe par le crible des sens («.
»
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