Faut-il bien connaître autrui pour l'aimer ?
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«
APPROCHE: Que veut dire "bien " connaître autrui, qu'est-ce que cela veut dire exactement, où fixer la limite ?
Quel sens donner au verbe "aimer" : est-ce que l'on parle d'un amour au sens restreint (passionnel, pour un individu
unique), ou au sens large (amour "du prochain") ? En quoi la connaissance serait-elle nécessaire pour faire naître un
sentiment ou une passion ? Avant de voir si bien connaître autrui est une condition nécessaire pour l'aimer, on peut
se demander si connaître autrui n'est pas une condition suffisante.
Si on connaît souvent bien les gens qu'on aime,
est-ce qu'on les aime parce qu'on les connaît, ou est-ce parce qu'on les aime qu'on a envie de les connaître ? On ne
parle pas de n'importe quelle connaissance, mais d'une connaissance approfondie.
Qu'est-ce que cela apporte : un
sentiment de sécurité, un amour qui toucherait de multiples facettes au lieu de rester abstrait ? L'amour passionnel
n'est-il pas opposé à toute connaissance ? N'est-il pas mépris de ce qu'est l'autre, qui ne devient que ce que je
veux qu'il soit ? Dans l'amour, par le coup de foudre par exemple, n'y a-t-il pas une manière de bien connaître autrui
sans le connaître, si paradoxal que cela puisse paraître : une transparence immédiate, un "je vois ce que tu veux
dire" permanent, qui font qu'il y a une sorte de connaissance qui ne passe pas par une relation longue et
approfondie, fouillée ? Bien connaître ne nous amène-t-il pas plutôt à détester autrui ? Références utiles : Platon, Le
Banquet ; Kant, Doctrine de la vertu.
INTRODUCTION
Définition des termes : L'amour sera pris en trois sens.
Il est tout d'abord une passion, l'homme est alors
attiré irrésistiblement vers un objet ou une personne.
Il peut également signifier la bienveillance, dans ce cas nous
recherchons le bonheur de la personne aimée.
Enfin l'amour peut signifier une union entre deux personnes, il n'a plus
un sens physique dans ce cas mais un sens intellectuel, le fait pour deux âmes de se comprendre immédiatement.
Nous distinguerons trois acceptions du verbe connaître.
En premier lieu on le comprendra comme étant une activité
théorique s'opposant à la sensibilité ; ensuite comme consistant à saisir la nature de quelque chose ou de quelqu'un.
Enfin il peut lui aussi s'identifier au fait de s'unir à quelqu'un dans la mesure où la connaissance nous permet
d'instaurer une relation de correspondance entre autrui et nous.
La notion « autrui » doit elle aussi être élucidée,
comme pour les deux autres notions trois sens seront distingués.
Autrui, dans le cadre d'une relation passionnelle
est réduit, à être un objet de plaisir.
L'amour de bienveillance au contraire fait d'autrui un proche, un familier, un
semblable.
Mais autrui est avant tout ce qui n'est pas moi, ce qui m'est étranger et souligne une différence
essentielle entre le moi et les autres hommes.
Le sujet pose la question de savoir si aimer autrui est la condition de
possibilité de sa connaissance.
Or à première vue il est difficile de relier les deux opposés « aimer » et « connaître »
qui appartiennent à des domaines différents qui paraissent inconciliables : la sensibilité et la connaissance, le
pratique et le théorique, la subjectivité et l'objectivité.
Problématique : L'amour est une passion, qui, loin de tranquilliser l'âme humaine, la bouleverse et peut à ce
titre être rapproché d'un dérèglement.
Comment de ce dérèglement une connaissance pourrait-elle naître dans la
mesure où elle serait teintée de subjectivité et ne serait plus de ce fait véritablement connaissance ? Mais si
connaître autrui suppose de ne pas l'aimer alors qu'est-ce qui déterminera l'homme à vouloir connaître ?
PLAN DETAILLE
Première partie : Le fait d'être passionné ne dispose pas l'homme à connaître mais bien plutôt s'y
oppose.
1.1 L'amour est une passion, il est l'expression de la subjectivité humaine et en ce sens il est un frein à la
connaissance qui exige l'objectivité.
« N'appartient-il pas à la raison de commander puisqu'elle est sage et a charge de prévoyance pour l'âme
tout entière, et à la colère d'obéir et de seconder la raison ? [...] Et ces deux parties élevées de la sorte, réellement
instruites de leur rôle et exercées à le remplir, commanderont à l'élément concupiscible, qui occupe la plus grande
place dans l'âme, et qui, par nature, est au plus haut point avide de richesses ; elles le surveilleront de peur que, se
rassasiant des prétendus plaisirs du corps, il ne s'accroisse, ne prenne vigueur, et , au lieu de s'occuper de sa
propre tâche, ne tente de les asservir et de les gouverner – ce qui ne convient point à un élément de son espèce –
et ne bouleverse toute la vie de l'âme.
» PLATON, République, IV 441e -442a.
1.2 L'amour d'autrui n'a pas pour fin la connaissance mais le plaisir.
« Le penchant sexuel est aussi appelé amour (au sens le plus strict du terme), et, en fait, c'est le plus grand
plaisir des sens qui puisse résulter d'un objet.
Ce n'est pas simplement un plaisir sensible que l'on peut prendre à
certains objets qui plaisent dans la réflexion qui s'opère sur eux (l'aptitude à éprouver ce plaisir s'appelle donc goût),
mais un plaisir que l'on peut prendre en jouissant d'une autre personne, et qui relève de la faculté de
désirer, à son plus haut degré même : la passion.
On ne peut le rattacher ni à l'amour de bienfaisance, ni à
l'amour de bienveillance (car tous deux détournent plutôt de la jouissance charnelle), mais c'est un plaisir d'un genre
particulier, et l'ardeur qu'il suscite n'a proprement rien de commun avec l'amour moral, bien qu'il puisse s'y lier
étroitement, lorsque la raison pratique intervient avec ses conditions restrictives.
» KANT, Doctrine de la Vertu, I
première partie L1 S1.
Transition : Si le fait d'aimer signifie être passionné pour autrui alors il ne peut être source de sa
connaissance.
C'est en ce sens que l'on peut comprendre l'expression « l'amour rend aveugle ».
Loin de permettre.
»
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